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En présentant Camping 3 lors de son avant-première parisienne la semaine dernière, Fabien Onteniente s'est excusé pour l’attente. Une attente de dix ans, depuis 2006 et le premier Camping. Ainsi le réalisateur semblait vouloir faire oublier l'existence de Camping 2, la suite de 2009 dont il disait lui-même en interview qu'elle était un peu ratée. Le film de l'ère Sarkozy où Chirac (Patrick) sauvait le camping des Flots bleus de la destruction immobilière avec l'aide de Richard Anconina. En 2016 revoilà l'été et Patrick dans son sillage, qui débarque aux Flots bleus avec un nouveau proprio (Philippe Lellouche, absolument formidable de beauferie ordinaire), ancien gérant d'un Buffalo Grill transformant le camping à l'américaine, renommant "Beverly Hills" une partie du camp de vacances et installant une salle de fitness avec Wi-fi. Patrick arrive en covoiturage avec trois jeunes et va leur apprendre la vie au camping, tandis que Jacky (Claude Brasseur) souffre d'Alzheimer, que Paulot (Antoine Duléry) vire homo et que notre héros attend des nouvelles de sa fille qui doit le rejoindre sous la tente. N'oublions pas les tribulations du jeune Benji (Louka Meliava), ex-candidat malheureux à The Voice, tombé amoureux de Morgane (Leslie Medina), fille de Charmillard (Gérard Jugnot), présentateur vedette de la télé... C'est beaucoup, beaucoup trop d'histoires.
Je suis Pastis
Le film tente donc de mêler ces différentes storylines sans vraiment les approfondir, enchaînant les saynètes interrompues, les bouts de gags, les ébauches de drama. Le principal problème du film réside dans son absence d'enjeu dramatique. Ce qui devient franchement gênant lorsque Patrick essaie de "guérir" Paulot de son homosexualité supposée en le branchant sur une femme mûre handicapée d'une jambe de bois (Cristiana Réali) lors d'une blind date dans une crêperie -une scène qui aurait pu être très amusante (et qui l'est un peu lorsque Paulot fait du pied à la jambe de bois et s'étonne de ne pas avoir de réaction) si le fond n'était pas aussi rance. Spoiler : à l'arrivée, Paulot n'est pas gay, il est "guéri". Soulagement de Patrick. Oups. C'est le problème de nombreux gags du film, qui provoquent plus la gêne que le rire comme le t-shirt "Je suis Pastis" de Jacky ou Robert (personnage noir) qu'on ne voit pas la nuit.The Full Camping
Le nexus du film, autour duquel tout gravite, c'est Franck Dubosc (aussi scénariste), et en dix ans et trois films Patrick n'a pas changé d'un iota -même bagnole, mêmes punchlines, mêmes fringues, même crevette géante gonflable. Mais même l'immobilisme du personnage n'est pas le sujet du film (à la différence, par exemple, de Gary Knight dans Le Dernier pub avant la fin du monde). Et Dubosc de fournir à Camping 3 ce qui marche le mieux : une ébauche de sociologie comique, des petits gags que l'on imagine issus d'une observation réaliste de la vie quotidienne aux Flots bleus, où l'on utilise un gant de toilette ou des coquillettes froides pour servir de bonde, où l'on récupère un reste de dentifrice trouvé sur le rebord de l'évier pour la dépanne. L'autre arc narratif important, c'est la relation entre Patrick et les trois jeunes, qui parvient à effleurer une tendresse et une chaleur certaines. Mais on reste à la surface des choses. Car on sait bien qu'au fond, Onteniente ne cherche pas tant à faire une comédie grassement beauf : son but de cinéma depuis toujours (même dans Trois-zéro, dans Disco, dans Turf), c'est d'émouvoir à la Michel Lang, ou façon socio-comédie anglaise à la The Full Monty ; partir d'un sujet rigolo (le camping, les mecs en slip) pour faire une vue en coupe de la société à un moment donné et finir dans l'émotion pure. Mais tant qu’il n'y aura pas un vrai scénario en lieu et place du chapelet de sketches façon Rires et chansons, les vacances au camping seront toujours un peu ratées. Même si on est sûrs d’y retrouver Patrick et son Benco.