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Si on ne sait pas trop quoi penser de Bohemian Rhapsody en sortant de la salle, c'est sans doute parce que le film ne sait pas non plus trop quoi dire. Est-ce le biopic de Freddie Mercury ? En partie. Le récit du concert du Live Aid en 1985 ? Un peu mais pas que ça. L'histoire du groupe Queen ? Des fois mais pas vraiment. Le coming out de Mercury ? Pas trop ça non plus. L'histoire derrière Bohemian Rhapsody, considérée comme l'une des meilleures chansons jamais composée ? A un moment, oui, mais ça passe vite. Un film sur une icône pop et queer ? Vite fait. Mais alors de quoi parle Bohemian Rhapsody, bon sang ? Structurellement, le film est pourtant clair, et ressemble bigrement à Walk the Line : un concert historique ouvre et ferme le métrage, constitué de gros fragments de la légende dorée de Queen et de son singulier chanteur, Farrokh Bulsara alias Freddie Mercury. Et ces fragments distendus ne parviennent pas à donner une forme bien nette au film, qui coche les cases du biopic musical sans guère d'originalité (Mercury qui obtient le job de chanteur de Queen après un concert en faisant la démonstration de ses cordes vocales devant Brian May et Roger Taylor, sérieusement ?) ni de lyrisme (A Star is Born surclasse sans peine Bohemian dans le registre mélo musical qui fait pleurer). Les tubes de Queen sont plaqués ça et là au gré des scènes, sans que ce collage ne soit même un enjeu de cinéma.
Un passage très curieux où Mike Myers, lourdement grimé en producteur de musique, se plaint de la longueur de la chanson Bohemian Rhapsody en disant que "jamais les ados ne feront du headbang en voiture sur cette musique"alors que Myers consacrait justement une légendaire scène de headbang en voiture sur cette musique dans son fameux Wayne's World laisse entrevoir que Bohemian Rhapsody aurait pu un s'envisager comme un grand opéra méta et pop. Mais non, ce moment ne sera qu'un clin d'oeil glissé dans le film pour faire rire les initiés. Bohemian Rhapsody n'est jamais assez gay, assez flamboyant, jamais assez pop pour faire taper des pieds et des mains et foutre le feu à la salle. la réalisation de l'ouvrier Dexter Fletcher (le réalisateur d'Eddie the Eagle a remplacé Bryan Singer pour terminer le film) ne parvient jamais à transcender à ce point le script signé de cet autre ouvrier qu'est Anthony McCarthy (auteur des scénarios ronflants de Une merveilleuse histoire du temps et Les Heures sombres). Même si les quinze derrière minutes consacrées à la performance de Queen au stade de Wembley pour le Live Aid hérissent les poils grâce à une mise en scène inspirée, même si les performances de Rami Maleket des acteurs incarnant les trois autres membres de Queen sont tout à fait respectables, on ne cesse de penser qu'il y a, au fond, un film dément à faire autour de toute cette histoire. Simplement, Bohemian Rhapsody n'est pas ce film-là.