Une plongée sans phare au coeur de la guerre des gangs au Salvador qui est le dernier travail du cinéaste.Un "documentaire tout bonnement fracassant" qui "enregistre une réalité crue, cruelle et parfaitement absurde." Cet avis, c'est celui d'Isabelle Danel, auteure de notre critique consacrée à La Vida Loca. Un documentaire pour lequel Christian Poveda s'est totalement immergé, caméra à l'épaule, dans le monde des gangs de San Salvador au Salvador. Un des pays les plus violents du monde.Selon un rapport du secrétariat de la Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement publié en 2011, ce petit pays d'Amérique Latine était d'ailleurs la nation la plus violente au monde à l'époque, devançant même l'Irak, avec une moyenne de 60 morts au compteur pour 100 000 habitants. C'est cette réalité que le cinéaste franco-espagnol a voulu montrer dans La Vida Loca. Pendant 16 mois, il a suivi l'un des gangs les plus dangereux de San Salvador et les plus redoutés du pays : les Mara 18. Une bande rassemblant de nombreux jeunes qui s'est fait une spécialité du trafic de drogue et autres activités criminelles.Une immersion fataleSorti en septembre 2009 en France, La Vida Loca est la dernière réalisation du photo-reporter. Alors qu'il préparait un nouveau documentaire, toujours au Salvador, Christian Poveda a été abattu à une quinzaine de kilomètres de San Salvador. Et ce à quelques jours de la sortie de son film. Son corps sans vie a été retrouvé le 2 septembre 2009 gisant à côté de sa voiture. Il a été tué de quatre balles tirées dans sa tête. Une mort qui a provoqué une vague d'émotion auprès des rédactions du monde entier. S'il a réussi pendant 16 mois à filmer les tragiques événements et la violence rythmant le quotidien de ces gamins paumés - dont certains ont perdu la vie pendant le tournage -, Christian Poveda a finalement été victime de la suspicion du gang. Selon les premiers résultats de l'enquête, il a été éliminé car les Mara 18 le soupçonnaient d'être un espion envoyé par la police. Mais l'affaire est loin d'être aussi simple.Le rôle de policeLe gang des Mara 18 n'est pas le seul responsable de la mort de cet ancien reporter de guerre engagé - il a suivi plusieurs guerres civiles notamment en Amérique Latine. L'enquête a montré que ce sont les forces de l'ordre qui ont fait courir le bruit, auprès du gang, qu'il était l'un de leurs indics. Une dénonciation encore bien mystérieuse. Alors que le procès des responsables du meurtre s'est déroulé en mars 2011, aucune explication n'a été donné sur cette manipulation policière.Ce procès a d'ailleurs laissé de nombreuses questions en suspens mais également un goût amer auprès des défenseurs de la liberté de la presse. Son côté expéditif (ainsi que le verdict) a été dénoncé par Reporters Sans Frontières. L'audience a duré 24 heures seulement, dont une grande partie à huis clos, alors que 31 personnes étaient inculpées. 11 prévenus ont été condamnés et 3 seulement ont écopé de lourdes peines. Le policier suspecté d'avoir dénoncé le journaliste au gang a été condamné, ainsi que 7 autres personnes, à quatre ans de prison pour "associations de malfaiteurs portant atteinte à la paix sociale."Son dernier coup d'éclatChristian Poveda travaillait, peu de temps avant sa mort, comme médiateur entre deux gangs, Salvatrucha et Mara 18. "Je ne suis chargé d'aucune mission par le futur gouvernement. Par contre, cela reste encore très confidentiel, les deux gangs, la Mara Salvatrucha et la 18 ont décidé de s'asseoir à une table pour entrevoir la possibilité d'une paix et m'ont demandé d'être leur médiateur, ce que j'ai accepté", écrit-il en mars 2009 dans un message retranscrit par nos confrères du Monde.Une mission qu'il n'a pas pu mener jusqu'au bout. Ce qui n'a malgré tout pas mis un terme à ce processus de paix. Les deux gangs ont signé une trêve officielle en 2012. Une victoire posthume pour le cinéaste. Mais une victoire fragile. La population continue à s'entretuer. En mars 2015, 841 meurtres ont été comptabilisés pour 6 millions d'habitants. Soit le mois le plus sanglant de la décennie.P.H. L'histoire du film diffusé ce lundi à 22h55 sur Ciné + Club :On les appelle les Maras. Construits sur le modèle des gangs de Los Angeles, ces groupes de jeunes sèment la terreur dans toute l’Amérique Centrale. Plongée dans les banlieues de San Salvador dans le quotidien des membres d’une armée invisible. Nouveau fléau mondial qui détruit par la violence aveugle les principes démocratiques et condamne à mort une jeunesse privée de tout espoir d’avenir.La bande annonce du film :
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