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Deux ans après sa disparition, à 63 ans, Laurent Delahousse livre un portrait intime et émouvant de ce comédien exigeant. Ce dernier explique à Télé 7 jours : "Bernard Giraudeau a eu plusieurs vies, très denses, mais n’a été en paix qu’à la fin de son existence".

À bord de la Jeanne d’Arc, au milieu d’hommes virils et forts en gueule, un frêle moussaillon sort du lot. Inédites, ces images de Bernard Giraudeau sont d’autant plus émouvantes qu’il est à l’aube de sa vie. Jeune marin de 17 ans, il a pour tout bagage un amour fou de liberté. Deux tours du monde ne suffiront pas à étancher son goût du risque. "La vie ne m’intéresse que quand elle est dangereuse", disait-il.À 20 ans, il quitte la Marine Nationale pour assouvir un nouveau désir : faire du théâtre. Avec le secret espoir de prouver à un père militaire et rigide qu’il a trouvé sa voie. À la Maison de la culture de la Rochelle, sa ville natale, son magnétisme fait mouche. Colette Milner, sa professeur de danse, chez qui il a un temps vécu, n’a pas oublié sa rage : "Lorsqu’il échouait, il devenait violent. D’une violence qu’il retournait contre lui."Volcan perpétuel, Bernard Giraudeau avait un talent incandescent. Chair de poule garantie devant les images de sa prestation déclamant, en 1974, le monologue de Figaro pour le concours de fin d’année du Conservatoire de Paris. Il décrochera d’ailleurs le premier prix. Son ami et copain de promo Daniel Russo en est encore ému aux larmes : "En une scène, il a scotché tout le monde. Il était déjà fait. Il avait tout." Tout sauf cette aptitude au bonheur qui lui aurait rendu la vie plus douce. "S’il se posait, il mourait. Il fallait toujours qu’il soit contre quelque chose ", confie Annie Duperey qui partagea sa vie pendant 18 ans et lui donna deux enfants, Gaël et Sara.Hanté par le complexe du beau, redoutant d’être préposé aux rôles de séducteur après les succès de Viens chez moi, j’habite chez une copine, Les Spécialistes ou L’Année des méduses, le comédien se met constamment en danger pour faire oublier sa belle gueule. Et se taille une réputation de " chieur, intolérant, super exigeant", comme le résume son frère François. L’annonce de son cancer du rein en 2000 ne l’étonne pas. "Bien sûr qu’il s’est créé ce cancer, avoue Annie Duperey. Il disait toujours qu’il allait mourir jeune" Une rechute, en 2005, aura sur lui une conséquence radicale : il met fin à sa carrière d’acteur, se transforme et s’ouvre aux autres. "C’est comme si les masques de la colère étaient tombés, se souvient Annie Duperey. Dire qu’il a fallu ça !" Adouci, apaisé, il peut enfin se laisser aller à pleurer, même en public. Personne n’a oublié ses larmes d’amour, d’émotion et fierté quand, en 2007, sa fille Sara reçoit le Molière de la révélation féminine. Le 27 mai 2010, alors que la Jeanne d’Arc rentre de sa dernière mission, Bernard Giraudeau confie à ses anciens compagnons : "Je suis sur la dernière ligne droite, comme la Jeanne". Le 17 juillet 2010, à 63 ans, le comédien baroudeur mettait définitivement les voiles.Trois questions à Laurent DelahousseA-t-il été facile de convaincre les proches de Bernard Giraudeau de témoigner ?Il a fallu leur laisser le temps de digérer sa disparition. Sara, sa fille, a refusé. Elle ne se sentait pas encore prête à parler de son père. Ce document a nécessité près d’un an de travail pour réunir, notamment, des images inédites et livrer ce portrait intime et dense.Qu’avez-vous appris sur lui ?Sa beauté l’embarrassait. Il brouillait constamment les cartes quitte à faire souffrir ses proches. Il a eu plusieurs vies, très denses, mais n’a été en paix qu’à la fin de son existence.Comment s’annonce cette nouvelle saison sur France 2 ?Ma priorité, c’est le JT et la nouvelle collection d’Un jour, un destin avec une dizaine de portraits : Yves Mourousi, Renaud, Bernadette Chirac, Mazarine Pingeot...Emmanuelle Touraine du magazine Télé 7 jours