Dramaturge ayant donné ses lettres de noblesse au théâtre contemporain, Tankred Dorst fait partie de ceux qui créent en partant du principe de complémentarité entre les styles, les genres et les époques. Le théâtre n’aura jamais été autant choyé qu’entre ses mains, dans l’encre de sa plume.Oberlind, le 12 décembre 1925, Tankred Dorst est né dans cette Allemagne effervescente de l’entre deux guerres. Alors qu’il n’avait encore que six ans, son père, un ingénieur qui possédait une usine, décède subitement. En pleine seconde guerre mondiale, il est malgré lui enrôlé, à dix-sept ans, dans le corps militaire allemand. Lors d’une rencontre au front, les autorités britanniques et américaines le font prisonnier et il reste entre leurs mains jusqu’en 1947.Entre-temps, sa région natale était tombée sous le contrôle des soviétiques et Tankred Dorst rejoint sa famille à l’Ouest. Il réussit à reprendre ensuite tant bien que mal son éducation et valide son enseignement secondaire en 1950. Il part à Bamberg, puis à Munich, pour entamer des études de littérature allemande, puis d’histoire de l’art et enfin d’art dramatique. Son éveil est en cours et son instinct de créateur commence, peu à peu, à lui susurrer des idées novatrices.Il fait la rencontre du compositeur Wilhelm Killayer avec lequel il se retrouve sur plusieurs sujets. Leur complicité les mène à créer en 1953 un spectacle de marionnettes qu’ils appellent Das Kleine Spiel et dont la gestion est assurée par des étudiants. Les portes de la création s’entrouvrent pour Tankred Dorst, qui signe pour ce projet ses premiers textes.Les années universitaires arrivées à leur fin, il rentre dans la vie active en dénichant divers postes dans le domaine de l’audiovisuel, au cinéma, à la télévision, à la radio mais également dans des maisons d’édition. Il consacre tout de même un peu de temps à l’écriture et commence des esquisses de textes pour le théâtre. C’est dans les années 60 que ses premières pièces voient le jour. Parmi celles-ci Die Kurve, Gesellschaft im Herbst et Buffonata. Elles sont jouées à Lubeck, Heidelberg ou encore Mannheim.Tankred Dorst a toujours été féru de collaborations enrichissantes, raison pour laquelle, dès le début des années 1970, il marque une étape intéressante dans son parcours en co écrivant avec l’auteur Ursula Ehler. L’aventure s’avère être une véritable mine de réussites et c’est à travers toute l’Europe que seront jouées des pièces telles que Toller (1968), Eiszeit (1973), Die Villa (1976), Merlin oder das Wüste Land (1981), Parzival (1987), Korbes (1988), Karlos (1990), Herr Paul (1994) ou encore Die Legende vom armen Heinrich (1997). Le théâtre de Tankred Dorst ne se cantonne pas à la littérature d’expression germanique. Féru d’auteurs comme O’Casey, Diderot, ou Molière, il s’attelle à la traduction de plusieurs de leurs œuvres. Le travail de Dorst a été régulièrement récompensé par plusieurs prix, dont celui de la Ville de Florence en 1970, le Prix Littéraire de la Bayerische Akademie der Künste en 1983, le Prix Mulheim pour auteurs dramatiques en 1989 ou encore le Prix Georg Büchner en 1990 pour n’en citer que quelques uns. Aujourd’hui, c’est à Munich qu’il vit et travaille, avec la même passion des premiers jours. Plusieurs auteurs contemporains s’accordent à dire que le théâtre de Tankred Dorst est en osmose avec les soucis et les réalités postmodernes. La dimension absurde qui empreint son œuvre est souvent comparée à celle d’un Beckett, d’Ionesco ou d’un Giraudoux. Ce qui n’empêche pas l’intéressé de s’interroger sur la cohésion du théâtre avec les temps à venir. Fort heureusement, les réponses qu’il avance sont d’un optimisme à toute épreuve.
