C'est Fritz Lang qui la fait débuter à l'écran, alors qu'elle vient de divorcer de l'acteur de théâtre Fritz Daghofer, dans Madame Butterfly / Hara Kiri (1919) et les Araignées (id.), rôles exotiques, ici d'une prêtresse inca, là d'une geisha qui se meurt d'amour. Mais c'est surtout le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene qui, la même année, la révèle : c'est elle qu'emporte sur les toits de la ville endormie, en chemise de nuit vaporeuse, Cesare le somnambule. Ses grands yeux apeurés, sa vulnérabilité, sa photogénie lui valent une notoriété qui s'étendra hors des frontières de son pays puisque, après avoir été dirigée de nouveau par Lang (les Trois Lumières, 1921 ; Mabuse le joueur, 1922), par Murnau (Phantom, 1922 ; Tartuffe, 1926), par Arthur von Gerlach (la Chronique de Grieshuus, 1924), elle ira tourner des films en Suède, en France (Monte-Cristo, 1929, d'Henri Fescourt, où elle est une séduisante comtesse de Morcerf, le Tourbillon de Paris, de Julien Duvivier 1928) et, au début du parlant, aux États-Unis (la Dame de Monte-Carlo, M. Curtiz, 1932). Elle passe avec aisance des brouillards expressionnistes à l'opérette filmée (Le congrès s'amuse, E. Charell, 1931), au film historique (Elizabeth von Österreich, Adolf Trotz, id. ; l'Espion de Napoléon / Haut Commandement Der höhere Befehl, 1935, de Gerhard Lamprecht), à la comédie musicale (Accord final, 1938, de Detlef Sierck Douglas Sirk) et au film de propagande (Friedrich Schiller, Herbert Maisch, 1940 ; Bismarck, W. Liebeneiner, id.). Après la guerre, elle apparaîtra encore, parfois en guest star, dans une vingtaine de films, dont une adaptation (par A. Weidenmann) des Buddenbroks, en 1959. En 1974, Hans Jürgen Syberberg lui confie l'un des rôles clefs de son Karl May. Maximilian Schell, qui l'avait déjà dirigée dans le Piéton (1973), lui offre son dernier rôle dans Légendes de la forêt viennoise (1978), aux côtés d'autres fantômes surgis du passé, Käthe Gold, Kristina Søderbaum et Helmut Käutner.