DR

Sur le papier, Thor a toujours été prometteur mais surtout extrêmement casse-gueule à mettre en scène sur grand écran. Pour rappel, on parle quand même d'un personnage de comics dont la description est : dieu d'Asgard. Rien de moins. Librement inspirée de la mythologie nordique, la version Marvel diffère évidemment des récits de base et l'embarque dans des aventures où il croise d'autres personnages, héros comme méchants. Lorsque l'on adapte ça au cinéma, deux problèmes majeurs se posent. D'abord, il faut relever le défi de faire exister Asgard en tant que tel, tout en martelant constamment l'idée qu'il ne s'agit pas d'une adaptation de l'univers mythologique mais bien d'un film de superhéros. Ensuite, et c'est là l'inconvénient majeur, il faut que Thor (Chris Hemsworth) puisse être malgré tout parfaitement intégré au reste de ses collègues, histoire de ne pas faire tache dans ce qui sera sans doute la trilogie Avengers.La force de l'Asgardien fait aussi sa faiblesse. Si on va à fond dans l'exploration du quotidien d'Asgard, on fait un film épique, mais totalement déconnecté des autres projets : le grand blond au marteau ne croiserait jamais personne puisqu'ils ne sont pas du même monde. Du coup, le premier opus pouvait donner l'impression de patauger un peu. L'astuce qui consiste à priver Thor de ses pouvoirs et le bazarder sur Terre pendant la majeure partie du film permet de le cadrer (apparition du SHIELD et de Hawkeye, ouverture et références aux autres superhéros au détour de dialogues...) mais sacrifie ce qui fait l'essence même du personnage. Cela n'a pas empêché un score honorable au box office, malgré l'accueil mitigé des fans. Comparé à la franchise Iron Man, Thor apparaissait comme un sacré intrus dont on ne savait pas trop quoi faire.Les défauts de ses qualités... et vice versaLe big boss Kevin Feige semble en avoir tiré certaines leçons. D'une part, forcer l'intégration du porteur de Mjolnir au sein des Avengers en misant sur le fun plutôt que la logique (vous vous souvenez comment on explique son retour sur Terre ? Nous non plus). Banco, Thor contre Iron Man et Hulk, ça justifie amplement ces lacunes, tout comme le décalage comique avec ses confrères terrestres. L'excès de mélange des genres est également proscrit : seul Thor et son frère sont de la partie, Odin et sa suite ne subissent pas les vannes de Tony Stark (Robert Downey jr), et les moutons sont bien gardés. Il fallait ensuite transformer l'essai et c'est cette direction que prend le long-métrage d'Alan Taylor. Plus question de s'éterniser sur Terre, place au dépaysement avec les différents royaumes sous la protection d'Odin (Anthony Hopkins, dépaysé lui aussi). Monstres et créatures de toutes sortes sont de la partie, et les fans peuvent profiter à fond des pouvoirs du héros en action.Mais surtout, l'isolement de Thor lui permet une intrigue de blockbuster qui parle clairement de fin du monde sans problème de cohérence. Personne ne se demande où sont passés le SHIELD ou les Avengers, puisque précisément ils ne sont pas au courant de ce qui se passe dans un monde parallèle... Là où des esprits pointilleux raillaient le paradoxe d'Iron Man 3 où la mort présumée de Stark et l'enlèvement du président ne réveillaient ni le SHIELD ni d'autres superhéros.Enfin, Thor est pour l'instant la seule et unique franchise à avoir une ouverture totale sur d'autres mondes, ce qui en fait un élément essentiel pour cette fameuse phase 2, censée explorer la dimension spatiale et cosmique de l'univers Marvel. La scène du générique de fin qui introduit clairement Les Gardiens de la galaxie avec le personnage du Collecteur (Benicio Del Toro) ne pouvait prendre place qu'ici, n'en déplaise à Alan Taylor. Le héros d'Iron Man 3 préférait tailler le bout de gras avec son pote Banner et sauf grosse surprise, on voit mal Steve Rogers dialoguer longuement avec un extraterrestre dans Captain America : Le Soldat de l'hiver.Bref, sympa pour ce qui s'annonçait au départ comme un ovni total. En tout cas Thor s'en tire mieux que son copain Hulk, toujours en deuil niveau aventure solo.Yérim SarThor : Le Monde des Ténèbres d'Alan Taylor, avec Chris Hemsworth, Tom Hiddleston, Natalie Portman et Anthony Hopkins, demain dans les salles : Voir aussi notre review du film