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« Je suis allé avec un pote à un casting. »
Originaire de Montpellier, Shain Boumedine, 21 ans, se destinait à une carrière d’ingénieur dans les Travaux Publics. Un gars sérieux, donc, qui accompagne, pour le fun, un ami à un casting il y a trois ans pour de la figuration – sur un projet qu’il a oublié. « J’avais rempli un document et laissé une photo », se souvient-il. Pas de nouvelles jusqu’en 2016 où on le contacte pour faire des essais mystérieux. « Je ne savais pas de quoi il s’agissait. J’y suis allé une fois, puis deux, ainsi de suite. Le processus a pris du temps, si bien que j’ai décidé d’arrêter mon job d’été pour m’y consacrer, sans aucune garantie. » Bonne pioche. À l’arrivée, Shain (prononcer « Cha-i-ne ») hérite du rôle principal de Mektoub My Love, celui d’Amin, jeune homme platoniquement amoureux de la voluptueuse Ophélie, sa copine d’enfance.

« Je rêvais de faire du cinéma mais je ne m’en donnais pas les moyens. »
Une carrière au cinéma tient à un fil. Ophélie Bau, 25 ans, aurait ainsi dû être infirmière à Besançon. « Après mon Bac ST2S, j’ai passé les concours d’éducateurs spécialisés et d’infirmières tout en visant la prépa aux concours sociaux. Comme ça n’aboutissait pas comme je le souhaitais, j’ai tout plaqué pour intégrer le cours Florent de Montpellier. » C’est dans l’Hérault qu’en 2015, elle passe un casting pour la série Candice Renoir. Une démarche innocente qui va sceller son sort. « Neuf mois plus tard, la directrice de casting m’a rappelée. C’était la même qui bossait sur Mektoub My Love ! Les essais étaient énormes : on passait par groupes de cinq en faisant de l’impro. De fil en aiguille, j’ai obtenu le rôle d’Ophélie qui s’est précisé au cours des différentes étapes de sélection. » La bombe du film, c’est elle. Ophélie Bau y fait montre d’une sensualité folle que Kechiche capte avec un intérêt supérieur, tel un peintre obsédé par les courbes callipyges de son modèle. Les fesses de l’actrice, sans lui faire injure, sont d’ailleurs l’objet d’un film dans le film… « La façon insistante dont Abdellatif filme nos formes ne me dérange pas. C’est comme dans la vie : on est regardées de haut en bas, la séduction est permanente. Que ce soit une caméra à la place ne change rien. »

« Abdellatif nous connaît mieux qu’on ne se connaît nous-mêmes ! »
De tout le reste du casting amateur, Alexia Chardard, 20 ans tout rond, quinze ans de danse et quatre de théâtre derrière elle, est sans doute celle qui avait le plus le feu sacré. « Je comptais aller à Paris [elle est native d’Aix-en-Provence] pour démarcher des directeurs de casting quand j’ai découvert une annonce sur Facebook pour ce qui serait Mektoub My Love. » Comme les autres, elle est passée par plusieurs étapes avant de rencontrer pour de bon Kechiche à Sète. « Il voulait connaître nos personnalités pour voir si elles concordaient avec les personnages. Il nous a identifiés à eux, et réciproquement. Les histoires d’amour que Charlotte a eues sont celles que j’ai pu vivre ; le rapport à mon père et aux études aussi. » Alexia Chardard interprète Charlotte, jeune fille sensible et réservée que le hâbleur Toni (Salim Kechiouche) va séduire, puis abandonner. Un rôle dramatique tout en délicatesse qui apporte un semblant de noirceur à un film plutôt solaire mais guetté par les éclipses.

« J’avais adoré La Vie d’Adèle. »
Après le Bac, obtenu du côté de Sète, Lou Luttiau, 22 ans, a enchaîné les petits boulots puis a commencé à courir les castings, comme ça, pour voir. Le hasard a ensuite bien fait les choses. Comme Ophélie Bau, mais sans le savoir, Lou Luttiau a passé un casting infructueux pour la série Candice Renoir en 2015 qui lui a valu d’être rappelée l’année suivante pour celui du Kechiche. « Quand j’ai compris de quoi il s’agissait, que j’allais peut-être tourner avec lui, j’étais follement émue. La Vie d’Adèle m’avait bouleversée à un point inimaginable… »  Lou Luttiau apparaît dans la vie comme dans le film : directe et désinvolte, avec un brin d’espièglerie mutine. Autant de traits de caractère qui définissent Céline, la meilleure amie de Charlotte, attirée par les beaux mecs, mais pas seulement… « J’ai aussi ce petit côté libre mais, à l’arrivée, Céline est assez différente. Depuis le début, je fais la part des choses entre elle et moi. Ce n’est que du jeu. »

« Kechiche a changé l’adaptation pour moi. »
Avec Hafsia Herzi (qui tient un second rôle marquant), Salim Kechiouche, bientôt 39 ans, est le seul acteur professionnel du film et le seul à avoir tourné deux fois sous la direction d’Abdellatif Kechiche. La première, c’était dans La Vie d’Adèle, où il incarnait Samir, le jeune comédien vaguement épris de l’héroïne. « Ma réactivité par rapport à sa manière de travailler a plu à Abdellatif, je crois. C’est pour cette raison qu’il a fait de Toni le cousin aîné d’Amin et non son pote. » Beau gosse à la félinité explosive qui lui permet de jouer les petites frappes rouées comme les tombeurs imparables, (Gaël Morel et François Ozon en ont parfaitement tiré parti) Salim Kechiouche avait l’air tout désigné pour incarner Toni, le séducteur inconséquent du film. « Avec Abdellatif, on s’est dit que Toni serait le personnage positif de l’histoire, celui qui veut tout le temps aller de l’avant et vivre au jour le jour sans penser au lendemain. C’est lui le détonateur de l’intrigue, lui qui met le feu aux poudres. À un moment donné, la question s’est tout de même posée de savoir si ce n’était pas un connard ! Je pense qu’en fait, c’est sans doute le personnage le plus sincère et le plus en phase avec lui-même. »

Ils sont jeunes, beaux et inconnus. Portraits par eux-mêmes des acteurs de Mektoub my love, la nouvelle déflagration d’Abdellatif Kechiche.

Portrait d’un groupe de jeunes gens au mitan des années 90 sous le soleil méditerranéen écrasant de la région de Montpellier, Mektoub My Love : Canto Uno, lointaine adaptation de La Blessure, la vraie de François Bégaudeau, est une ode aux corps et aux sens. Un hommage à la peinture impressionniste dont chaque scène serait le tableau lumineux d’un quotidien banal (la plage, la drague) et où les dos cambrés et les torses bombés dessineraient les contours fascinants d’un érotisme naissant. Au centre de la toile, cinq acteurs démentiels (quatre amateurs et un pro). On fait les présentations. 


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