37°2 le matin : Les censeurs ne font pas l’amour
Gaumont

Arte rend hommage à Jean-Jacques Beineix, disparu le 13 janvier.

Exceptionnellement, Arte diffusera un film en ce samedi soir. Qui plus est un film interdit aux moins de 16 ans à sa sortie au cinéma, en 1985. 37°2 le matin fut une oeuvre importante pour Première, qui l'avait défendu à l'époque, puis qui a rencontré Jean-Jacques Beineix lors du lancement de Première Classics, fin 2017. Pour le premier numéro, le cinéaste, qui vient de disparaître à l'âge de 75 ans, revenait sur la création de cette histoire d'amour sulfureuse entre Béatrice Dalle et Jean-Hugues Anglade, pour Denis Parent. Voici un extrait de ce long dossier à retrouver dans les kiosques : ci-dessous, nous publions seulement la partie consacrée au tournage de 37°2 le matin.

Jean- Jacques Beineix, mort d’un indocile

C’est un tournage heureux. Treize semaines dans le sud-ouest de la France, pendant l’été indien de 1985. Heureux oui, mais avec quelques coups de tonnerre dans un ciel serein. Jean-Hugues Anglade, nostalgique, racontera que « ce  qui se passait autour du film était aussi dans le film ». Ainsi les colères de la Dalle qui se révèle une diva capricieuse avant même d’être une star. Beineix a la réalisation avide. Il n’est pas seulement près de la caméra, il est parfois dedans. Il cadre souvent et exige beaucoup. Il prend un soin maniaque à tout coordonner et donne les indications très précises à ses chefs de poste. Une des forces du film sera d’ailleurs sa puissance visuelle. La lumière bien sûr, celle très chaude et parfois saturée que Jean-François Robin l’opérateur travaille. Mais aussi la puissance coloriste. Le cinéaste veut constamment assortir l’idée à l’apparence. Betty est un paradoxe : la femelle excentrique nuit à l’amoureuse. Un personnage brillamment défini par une étonnante phrase de Djian, qui servira en voix off et par la voix de Zorg dès les premières minutes du film : « Elle m’a fait penser à une fleur étrange, munie d’antennes translucides et d’un cœur en skaï mauve… »

Mais Béatrice renâcle, plus Betty que jamais, et ne dit pas oui à tout. C’est ainsi que, non seulement elle refuse le fameux short rose qu’elle doit porter lors du tournage d’une séquence, mais aussi que, par défi, elle le brûle. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que la costumière, une professionnelle de la profession, en a prévu deux autres, raccord. C’est donc le bras de fer entre le prédateur et sa créature. Lors de la scène où Betty, en pleine crise de rage, balance tout ce qui lui tombe sous la main par la fenêtre, l’actrice vise systématiquement son réalisateur.

Évidemment Beineix a tourné large, comme toujours. L’ivresse des cimes. Au montage il faut tailler dans la masse. Cela fait des victimes, celles perdues dans les ellipses : Simon de la Brosse et Dominique Pinon. Mais ils auront leur chance, vingt ans plus tard, au moment de la version longue. Et puis le cinéaste, à force de resserrer, fait tomber toute 
la première partie, celle de la rencontre. Il commence par la scène d’amour, qui va dessécher les lèvres des premiers spectateurs. Une entrée en matière, si j’ose dire, risquée mais qui donne la température du fi lm. Les acteurs sont nus avant d’avoir parlé. Ils se donnent du plaisir. Évidemment l’interdiction au moins de 16 ans tombe. Les censeurs ne font pas l’amour.

Trois choses à savoir sur… 37°2 le matin