Rambo/Frankenstein : même combat !
Tamasa Distribution/Universal

First Blood fête ses 40 ans, et pour Sylvester Stallone, c'est une relecture du mythe de Prométhée, déjà revisité par Mary Shelley avec Frankenstein.

Rambo : First Blood fête cette semaine ses 40 ans : le film de Ted Kotcheff porté par Sylvester Stallone et Brian Dennehy est sorti précisément le 22 octobre 1982 aux Etats-Unis (et en mars de l'année suivante en France). Alors qu'il sera rediffusé ce soir sur C8, Première vous propose de replonger dans sa création. Rambo premier du nom est en effet au coeur de Première Classics n°9 (octobre-décembre 2019), dans lequel nous revenons sur sa longue fabrication. Car à l'origine, ce soldat américain revenu traumatisé du Vietnam aurait dû mourir dès le premier film. Il aurait pu être interprété par Jeff Bridges, Robert Redford, John Travolta ou Dustin Hoffman, avant que Sylvester Stallone ne soit embauché pour l'incarner. Face à lui, Kirk Douglas a été approché pour jouer le colonel Trautman, mais il est finalement joué par Dennehy. Voici un extrait de ce dossier complet, à retrouver dans notre kiosque en ligne. Un passage consacré à l'arrivée de Stallone sur ce projet, à son implication importante (notamment concernant les réécritures du scénario), ainsi qu'à une comparaison intéressante entre son héros abîmé et un personnage culte de la littérature et du cinéma : Frankenstein.
Par Romain Thoral.

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(...) Leur star, comme on le sait tous, sera Sylvester Stallone dans le rôle de Rambo. C’est le premier choix de Kotcheff, dont le script nécessite un acteur aux capacités athlétiques hors-norme, et un vrai pari pour Carolco: en dehors de la saga des Rocky, dont le deuxième volet vient juste de sortir, Sly a la réputation, même pas usurpée, de ne pas rapporter un dollar au box-office. La star hésite longuement, et finit par signer tout en avouant avoir secrètement espéré que le film ne puisse pas se monter: « Ça faisait presque dix ans que le tout-Hollywood s’était cassé les dents sur ce foutu projet et moi j’avais signé un contrat pour jouer dedans sur un coup de tête! J’étais certain d’avoir fait une énorme erreur et je n’avais aucune idée de la manière dont j’allais pouvoir m’en sortir. Un soir mon ami Burt Reynolds, qui avait refusé le rôle de Rambo quelques années plus tôt, m’a invité chez lui uniquement pour me convaincre de ne pas jouer dans ce film… “Ne le fais pas, surtout pas, ça va être mauvais et même si tu es bon dedans tout le monde ne retiendra que ça: c’était mauvais.” J’étais livide. Avec le recul c’est probablement un des conseils les moins avisés qu’on m’ait jamais donné, ha ha ha! Merci Burt! »

Kotcheff va alors tout faire pour mettre sa star la plus à l’aise possible: « Stallone a tenu à retravailler le script à mes côtés et j’ai accueilli cette idée avec beaucoup d’enthousiasme. Je me suis alors rendu compte que c’était un excellent scénariste. Il a suggéré deux modifications essentielles au rôle. D’abord, selon lui, Rambo ne devait tuer personne. Il devait simplement mettre les antagonistes hors d’état de nuire. Ça se justifiait: il revenait du Vietnam, traumatisé, abîmé par la violence qui y régnait, et n’allait effectivement pas se mettre à buter tout le monde. Par ailleurs, les mecs qui le poursuivaient n’étaient pas de dangereux criminels. C’étaient simplement des types de la Garde nationale. Un ancien béret vert ne va pas se mettre à dessouder ce genre de gars, ça serait absurde. Au-delà de tout ça, ça crée un sentiment d’empathie beaucoup plus évident vis-à-vis du personnage. Le deuxième véritable apport de Stallone au script, c’est d’avoir fait de Rambo un taiseux. On a d’abord essayé de couper tous ses dialogues, pour voir, mais ça ne fonctionnait pas. Théoriquement pourtant l’idée nous séduisait, ça devenait d’un coup du pur cinéma. En pratique c’était différent, ça sonnait totalement artificiel. On a décidé alors d’y aller à l’os, de ne conserver que l’essentiel. Et ça a rendu les dialogues de Rambo encore plus iconiques, comme le fameux: “They drew the first blood, not me” (“C’est eux qui ont versé le premier sang, pas moi”) qui donne son titre au film.» Rambo parle donc peu, ce sont les autres qui parlent de lui, c’est ce qui lui confère toute sa dimension mythologique. Un angle d’attaque très conscient pour Stallone qui avouera notamment sur le commentaire audio du film: « Pour moi, le colonel Trautman est le docteur Frankenstein et Rambo sa créature. Il l’a fabriquée et il ne se doute pas qu’elle est douée d’une telle intelligence. Elle va alors s’échapper dans la forêt, puis être poursuivie par les villageois tout en ne comprenant pas pourquoi elle est persécutée puisque son seul but et de s’intégrer à la société. On ne va pas se mentir : c’est exactement la même histoire. Une pure réinterprétation d’un mythe, qui réinterprétait lui-même un autre mythe, Prométhée. L’arbre généalogique de Rambo remonte donc à la Grèce antique. (...) »