Alors que TCM Cinéma propose à 20h50 la version de 1994, retour sur les quatre adaptations phares de l’œuvre de Louisa May Alcott, de 1933 à nos jours.
Les Quatre filles du Docteur March de George Cukor (1934)
Publié en deux volumes en 1868 et 1869, le roman de l’américaine Louisa May Alcott avait connu une adaptation au temps du muet en 1918 sous la direction de Harley Knoles. Seize ans donc avant que George Cukor ne signe la première version parlante des aventures de ces quatre sœurs March, des liens indéfectibles qui les unissent comme de leurs rivalités et de leurs jalousies au cœur de la guerre de Sécession. Pourtant, lorsqu’on propose cette adaptation à Cukor qui sort du tournage de Haute société, il commence par la prendre de haut. Il n’y voit qu’un roman pour gamines à l’intérêt limité. Mais quand il décide de s’y plonger, il revient totalement sur son avis initial. Convaincu par la puissance romanesque sans mièvrerie ni sentimentalisme du propos, il va donc accepter de mettre en scène pour la RKO l’adaptation écrite par Sarah Y. Mason, entrée dans l’histoire du cinéma quinze ans plus tôt en inventant le métier de scripte sur le plateau du Lieutenant Douglas de Douglas Fairbanks. Et ce sera la deuxième des dix fructueuses collaborations sur grand et petit écran entre Cukor et Katherine Hepburn – géniale en garçon manqué au fort tempérament -, deux ans après la toute première sur Héritage. Couronné de l’Oscar du scénario, Les Quatre filles du Docteur March sera un immense succès en salles et poussera Cukor à enchaîner par la suite d’autres adaptations de grands classiques: David Copperfield, Roméo et Juliette, Le Roman de Marguerite Gautier…
Les Quatre filles du Docteur March de Mervyn Le Roy (1949)
Après le noir et blanc, Les Quatre filles du Docteur March prennent vie en technicolor dans ce remake quasi plan par plan du film de Cukor signé par Mervyn LeRoy, juste avant qu’il mette en scène Ville haute, ville basse. Ce n’est plus la RKO mais la MGM qui s’y colle après en avoir racheté les droits à Selznick en 1940 après la fermeture de son studio. Cette adaptation s’inscrit dans la catégorie des grands films familiaux en technicolor MGM de l’époque. Elle déborde tout autant de couleurs que de bons sentiments, ne cherchant à aucun moment à respecter une quelconque vérité historique dans les costumes ou les décors. Le but ici est d’attirer le plus grand nombre devant le grand écran. Ce que ce film parviendra à faire en dépit d’une critique sévère, notamment en comparaison de la version de Cukor. Avec La Vie est belle de Capra, Les Quatre filles du Docteur March de Le Roy va devenir pour de nombreuses années le grand classique des films de Noël à la télé américaine. Et cette version vaut surtout pour l’opposition entre Amy, la plus peste des sœurs March et Beth, l’aînée mature et sérieuse. Un face à face entre deux des grands espoirs de la MGM : Elizabeth Taylor qui venait de cartonner avec Le Courage de Lassie et Janet Leigh qui, trois ans plus tard, décrochera son premier vrai grand rôle dans Scaramouche.
Les Quatre filles du Docteur March de Gillian Armstrong (1994)
Après trois versions sur le petit écran (1958, 1970 et 1978), il faut donc attendre 45 ans pour revoir les sœurs March occuper le grand écran. Et la productrice Denise Di Novi, pourtant tout auréolé des succès des Edwards aux mains d’argent, Batman et Batman, le défi de Tim Burton va galérer pour financer son film. Tous les studios apparaissent frileux à l’idée d’un film entièrement composé de femmes en têtes d’affiche. Et seule la Columbia donnera son feu vert, séduit par le casting réuni par l’australienne Gillian Armstrong : Winona Ryder (alors au faîte de sa gloire), Kirsten Dunst (dans la foulée d’Entretien avec un vampire), Claire Danes (en parallèle de la série Angela- 15 ans qui la révèlera) mais aussi Susan Sarandon, Christian Bale ou encore Gabriel Byrne. Et l’adaptation signée Robin Swicord (future co- scénariste de Benjamin Button) fait la part belle, comme celle de Cukor, au personnage de Jo que campe Winona Ryder en gommant son aspect garçon manqué tel que l’avait incarnée Katherine Hepburn pour mettre en avant talents d’écrivaine. Winona Ryder décrochera d’ailleurs en meilleure actrice l’une des 3 nominations aux Oscars du film avec les costumes de Colleen Atwood et la musique de Thomas Newmon.
Les Filles du Docteur March de Greta Gerwig (2019)
Un an après l’adaptation – totalement sous les radars – de Clare Niederpruem qui en a transposé l’intrigue de nos jours, l’œuvre de Louisa May Alcott a de nouveau l’honneur du grand écran. Mais c’est dès 2013 que la productrice de Pentagon papers, Amy Pascal, en a posé les premiers jalons avec l’idée de revenir aux sources du livre au ton plus satirique que l’image quelque peu sentimentaliste qu’on peut en avoir. En 2015, elle charge Sarah Polley de réfléchir à cette adaptation avec Olivia Milch (la future scénariste d’Ocean’s 8) dans le but de la porter elle- même à l’écran. Mais le résultat ne convainc pas Sony. Alors Greta Gerwig - qui n’a pas encore réalisé son premier long, Lady Bird – fait acte de candidature et sait trouver les mots pour convaincre Amy Pascal. Notamment par sa volonté de réhabiliter le personnage d’Amy (qu’incarnera Florence Pugh), trop souvent associée à une simple petite prétentieuse alors que Gerwig voit en elle une ambitieuse. Ce changement de paradigme raconte aussi l’époque dans laquelle ce film voit le jour. Celle de la montée en puissance du mouvement #Metoo et du combat des femmes pour obtenir une place digne de ce nom au cœur du système hollywoodien. D’ailleurs les choses vont s’accélérer côté production et Greta Gerwig doit quitter Bergman Island, le film de Mia Hansen- Love - dont elle était censée tenir le rôle féminin central - pour réaliser ces Filles du Docteur March. Largement salué par la critique, le film obtient un franc succès des deux côtés de l’Atlantique avant de décrocher un Oscar pour ses six nominations. Celui des costumes créés par la britannique Jacqueline Durran, déjà récompensée pour le Anna Karénine de Joe Wright
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