Costa Gavras
Abacapress

Rencontre avec le réalisateur lors des European Film Awards 2020.

 

Les 33ème European Film Awards  auraient dû avoir lieu à Reykjavík, mais Covid-19 oblige, les prix du cinéma européen se déroulent depuis hier et jusqu’au 12 décembre, virtuellement. Nous avons discuté avec l’un des cinéastes en lice, nommé cette année pour son dernier film Adults in the Room : le réalisateur grec Costa-Gavras (Z, L'Aveu, Music Box, Amen) sur l’avenir du cinéma.

Première : L’avenir du cinéma qui parait de plus en plus embrumé…

Costa Gavras : C’est plus qu’embrumé ! Je pense qu’on rentre dans un cycle nouveau pour le cinéma. On est sorti d’un cycle et on en a commencé un nouveau avec les plateformes, le numérique d’une manière générale et là c’est probablement un nouveau cycle, mais je ne sais pas où ça va aller. La seule chose positive, au moins pour la France, est que le CNC et le gouvernement Français prennent des positions favorables. Mais le grand danger est que les spectateurs quittent les salles, que les gens s’habituent à regarder des films de chez eux comme quand ils étaient confinés.  

Avec la fermeture des salles, le CNC engrange beaucoup moins de recettes. Cela risque d’être problématique pour l’avenir ?

C’est certain que les recettes qui provenaient des salles vont diminuer. Il va donc falloir trouver cet argent ailleurs. Je ne sais pas où. Certainement en se tournant vers l’état. Mais le problème est aussi pour les salles. La société va certainement changer radicalement après le Covid, mais les gens auront toujours besoin du spectacle : de voir des beaux films. Evidement, si les distributeurs et les producteurs ne recherchèrent que le profit, on va arriver à la décrépitude du cinéma.

Vous discutez avec d’autres réalisateurs où d’autres personnes du milieu du cinéma de cet avenir troublé ?

Je vois un peu les jeunes réalisateurs à l’Arc, à la Cinémathèque et oui ils sont inquiets. Non seulement par rapport aux structures vers lesquelles se tourner mais aussi du pouvoir que prennent les plateformes qui risquent de diriger la créativité. La liberté et la diversité, deux choses essentielles pour le cinéma, risquent de diminuer, voire de disparaître.

Quand on voit que Scorsese, Cuarón ou Fincher font des films spécifiquement pour les plateformes, c’est une source d’inquiétude pour vous aussi ?

C’est un problème de financement. Avant, le système était plus favorable aux réalisateurs, surtout en France d’ailleurs. Mais effectivement, ça devient pas vraiment favorable. Il faut maintenant se tourner vers Netflix et autres, et le problème, c’est que ces plateformes n’ont pas vraiment de politique culturelle. Ils ont juste une politique financière. Il faudrait faire pression pour qu’elles optent pour une vraie politique culturelle. La France est l’un des seuls pays européens à avoir commencé à faire pression. Vous savez, fondamentalement, le problème est que ces plateformes recherchent surtout un grand nombre d’abonnés et pas forcément un grand nombre de spectateurs. L’abonné rapporte de l’argent qu’il regarde des films ou non.

De votre côté, vous avez déjà été sollicité par les plateformes ?

Pour le moment, je travaille sur un projet qui n’est pas encore prêt pour être à la recherche de financement, mais c’est vrai aussi que le premier réflexe est de se tourner vers les plateformes qui sont à la recherche de réalisateurs connus ou plus ou moins connus.  Alors oui, les conditions de tournages seront sûrement favorables, mais qu’est-ce qu’il se passe après pour le film ? Ça, on ne sait pas !  Il rentre dans leur catalogue et ça disparait. On ne peut pas aller le montrer, on ne sait pas combien de personnes ont vu le film -ce qui est à mon sens inacceptable- et on ne peut pas amener le film dans les écoles de cinéma, les cinémathèques, le présenter au public…

Justement en parlant de cinémathèque : vous-même à la Cinémathèque Française que vous présidez, vous avez décidé de diffuser quelques-uns de ces films de plateforme ?

On va continuer ! On va continuer la politique qui est la nôtre et qui marche puisque le public vient en nombre. Nous collaborerons avec les plateformes s’il y a des bons films. Le problème n’est pas la Cinémathèque, mais les salles. Il faut qu'elles fonctionnent. Que le public aille aux salles.