Pour son quatrième long, Justine Triet signe un suspense autour d'une femme écrivaine accusée du mort de son mari. Un film de procès mais pas que...
A l’ACID, à la Semaine de la Critique ou en compétition, tous les longs métrages de Justine Triet (La Bataille de Solferino, Victoria, Sibyl et donc cet Anatomie d’une chute) ont connu une sélection cannoise, sans jamais pour autant y avoir glané la moindre récompense. A en juger par les réactions enthousiastes à la sortie de la projection (où Nuri Bilge Ceylan avait fait le déplacement), la donne pourrait changer avec ce quatrième long, co- écrit comme le précédent par Arthur Harari qui a aussi brillamment campé en début de festival George Kiejman dans Le Procès Goldman.
Et, hasard ou coïncidence, comme chez Cédric Kahn, un procès se retrouve aussi au coeur de ce récit à suspense au titre “Premingerien”... Celui d’une femme écrivaine, mère d’un fils malvoyant, accusée du meurtre de son compagnon avec qui elle s’était installée loin de tout, dans un chalet à la montagne. Mais que s’est- il réellement passé ? Homicide ou suicide ? C’est à la justice de trancher et… à Justine Triet de multiplier les strates pour ausculter, disséquer ce qui était à l’oeuvre à l’intérieur de ce couple où le quotidien avait fini par faire naître le lent poison du désamour.
La cinéaste explore ici la judiciarisation de l’intime, la difficulté voire l’impossibilité de faire naître LA vérité tout en ambitionnant formellement de faire voler en éclats les codes filmiques du films de procès (plans fixes, lignes symétriques…) par un jeu de zooms, de contres-plongées et de mouvements de caméra permanent. Tout ne convainc pas. Les 2h30 auraient gagné à être raccourcies. Certains symboles y sont trop appuyés (l’enfant quasi aveugle qui devient… celui qui voit le mieux la situation), l’ambiguïté proclamée de certaines scènes pas vraiment lisibles.
L'ombre de la sensation implacable laissée par le récent Saint Omer plane aussi de façon quelque peu écrasante sur tous les moments à l'intérieur du tribunal. Mais l’énergie, l’envie de cinéma diablement contagieuse de Justine Triet et surtout un duo d’acteurs majeurs - Sandra Hüller et Swann Arlaud dans les rôles respectifs de l’accusée et de son avocat - gomment nombre de ces imperfections.
Entre The Zone of interest et Anatomie d’une chute, la comédienne allemande a pris une longueur d’avance dans la course au prix d’interprétation. Ce ne serait que justice pour celle qui était si injustement repartie bredouille avec Toni Erdmann en 2016.
De Justine Triet. Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Antoine Reinartz... Durée: 2h30. Sortie le 23 août 2023.
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