Histoires de famille dysfonctionnelle, d’enfance brisée, d’émancipation féminine… Cinq films à (re)voir pour mieux apprécier le film d’Ida Panahandeh.
Le premier film d’Ida Panahandeh, en salles cette semaine, raconte les difficultés dans lesquelles se débat une mère de famille divorcée, à la fois pour élever son enfant aux portes de la délinquance et pour s’affirmer dans une société qui la juge sans connaître réellement sa situation.
Très complexe, Nahid propose plusieurs niveaux de lecture que la liste de films suivante se propose d’éclairer.
Une Séparation (Asghar Farhadi, 2011)
Nous n’avons pas choisi le chef d’œuvre d’Asghar Farhadi parce que Sareh Bayat, l’héroïne de Nahid, joue dans les deux films. Nous l’avons choisi parce que, dans les deux cas, les réalisateurs évoquent la condition particulière de la femme iranienne, à la fois relativement indépendante (elle peut divorcer, peser économiquement, vivre à égalité avec son mari au sein du foyer) et comptable de sa probité envers une société patriarcale qui observe ses faits et gestes. La question de la classe est également importante : dans Une Séparation, il y a une femme de la bourgeoisie et une autre du peuple qui défendent chacune leur droit au bonheur avec des arguments estimables ; dans Nahid, l’héroïne oscille entre son ex-mari rustre et un homme bien éduqué (qu’elle a aimé/aimera) avec un indéfectible sentiment de culpabilité.
Les Quatre Cents Coups (François Truffaut, 1959)
Les premiers pas d’Antoine Doinel au cinéma révèlent la nature exceptionnelle de Jean-Pierre Léaud qui interprète un enfant malheureux, partagé entre une mère mal-aimante et un beau-père transparent. Dans Nahid, il est également question d’enfance chahutée par la vie : le fils de l’héroïne se sent incompris par celle-ci et est attiré par la transgression qu’incarne son père, ex-junkie toujours dans les mauvais coups. En résulte une fuite en avant de l’enfant qui commet des actes répréhensibles et qui se détache inexorablement de sa mère. Le jeune Milad HasanPour est lui aussi formidable de conviction et de naturel.
Portrait de femme (Jane Campion, 1996)
Belle, intelligente, orgueilleuse, Isabel Archer veut choisir son destin que l’Angleterre victorienne ne semble pas à même de lui offrir. Son destin est comparable à celui de Nahid qui cherche par tous les moyens, et sans grand succès, à s’émanciper de la pression sociale imposée par le patriarcat et par les femmes de son entourage. Isabel Archer étouffe dans un corset, Nahid sous son voile. L’amour de cette dernière pour un autre homme qu’elle ne peut assouvir - en raison d’une clause dans le contrat de divorce lui interdisant de se remarier - lui coupe les ailes. La tragédie de ces deux femmes est d’être libres dans leurs têtes mais entravées en pratique.
Un homme et une femme (Claude Lelouch, 1966)
Comme dans le classique de Lelouch, l’action de Nahid se passe en partie au bord de la mer. C’est sur une grande plage que l’héroïne a régulièrement rendez-vous avec Massoud, son amant de cœur qui dirige un hôtel balnéaire. Le ciel est bas, les perspectives immenses, le vent violent. La petite ville de la mer Caspienne, décor de Nahid, ressemble à s’y méprendre à Deauville qui abritait jadis les retrouvailles de Jean-Louis Trintignant et d’Anouk Aimée. Qu’y a-t-il de plus romantique, mais aussi de plus frustrant (la sensation de liberté y est illusoire), qu’une plage ? Seule différence, de taille : les amants iraniens sont tenus à une réserve que leurs homologues français ne respectent évidemment pas.
Red Road (Andrea Arnold, 2006)
La question du regard est au cœur de Red Road qui débouche sur un cas de conscience de son héroïne, opératrice pour une société de vidéosurveillance confrontée à l’image d’un homme qu’elle pensait avoir oublié et qu’elle va se mettre à épier. Elle-même soumise au regard des uns et des autres (voisins, belle-famille, frère), Nahid surveille, de façon plus ou moins directe, son fils qui, de son côté, observe des joueurs de backgammon dont il devient, à force, un expert. Les caméras de l’hôtel balnéaire dans Nahid ont la même fonction que celles de Red Road : elles produisent des images potentiellement accusatrices. Les moyens et les fins sont identiques mais pas le symbole, le film d’Ida Panahendeh rappelant la nature policière de l’Iran.
@chris_narbonne
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