- Première
Pourquoi un moine voudrait-il se procurer un fusil ? Avec une telle question pour fil directeur, Le Moine et le fusil multiplie les couches d’humour et de complexité et introduit successivement un entrepreneur américain ou encore un contexte politique chargé. Situé en 2006, le film relate la tenue des premières élections démocratiques du pays, alors même qu’il s’ouvre à la mondialisation et l’arrivée de nombre de ses produits dans le quotidien des Bhoutanais : Coca-Cola, James Bond, Internet… Le film avance, accumule les pistes mais garde jalousement la raison de l’achat du fusil par le moine. Suspense et comique se renforcent mutuellement, et le film choral se dirige vers un final à double tension : le résultat des élections blanches (supposées enseigner le fonctionnement de la démocratie aux citoyens et citoyennes) et la réunion de tous les personnages dans le même plan. Il s’en dégage au final un regard complexe sur le processus démocratique, paradoxalement imposé à une population qui semblait bien vivre sans jusqu’alors. Mais bien plus que lorsqu’il se concentre sur la situation complexe politique du Bhoutan, c’est lorsque Le Moine et le fusil assume pleinement sa dimension fabuleuse qu’il devient irrésistible, en se moquant avec malice de la mondialisation (à travers le vendeur d’arme américain) et prônant à la place un discours quasi-spirituel, anti-armes et anti-guerre, naïf au possible, volontairement. Une comédie savoureuse qui, en déjouant toutes les attentes, sort des sentiers battus. Une curiosité.
Nicolas Moreno