Isabelle Huppert - Prix Lumière 2024
Institut Lumière O. Chassignole

Vendredi soir, dans un Palais des Congrès de Lyon en surchauffe, l’actrice a reçu le Prix Lumière et s’est fendue d’un beau discours. Le voici...

Vendredi soir à Lyon, Isabelle Huppert a reçu le Prix Lumière de mains d’Alfonso Cuaron. Elle succède ainsi à Wim Wenders. C’est la troisième personnalité française à recevoir ce trophée que Thierry Frémaux aime à qualifier de « Prix Nobel du cinéma », après Gérard Depardieu et Catherine Deneuve. La cérémonie s’est déroulée dans un Palais des Congrès en surchauffe, plein comme un œuf. Le grand ordonnateur du raout et directeur de l’Institut Lumière a la sens de la fête.  Les invités sont d'abord passés par le traditionnel photocall. Leurs visages retro-projetés sur le grand écran de la salle sur fond d’Ennio Morricone spaghetti, incitent au délire. Emmanuelle Béart, Camélia Jordana, Claire Denis, Noémie Merlant, Sandrine Kiberlain, Ludivine Sagnier, Anthony Delon, James Franco...

Puis la musique a brutalement changé. « Il n y a pas de saison pour que vive la musique, au fond, pas de saison pour que vive le son (...) Eeeeeeeeeettttt....  tu chantes, chantes, chantes, ce refrain qui te plaît... » Isabelle Huppert a surgi, galvanisée par le tube 80’s décrété hymne de la soirée (Sandrine Kiberlain en fera une version piano-voix)... On nous le répète à l’envi, Nuit de folie est la chanson favorite d’Huppert. Oubliée donc l’actrice cérébrale, place à la reine du dancefloor...

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Entre des clips vantant la richesse d’un festival qui se veut aussi patrimonial que people tout en restant bonne franquette, on a vu Camelia Jordana redonner ses lettres de noblesse au I Will Survive de Gloria Gaynor qu’on croyait définitivement perdu à la cause footballistique, Julien Clerc susurrer son tube Ma préférence ou encore Alfonso Cuarón dire tout le bien qu’il pense d’Isabelle Huppert. Et puis, l’actrice chabrolienne a déplié un petit papier et délivré ceci :

« D'habitude, les textes des autres, je les apprends par cœur...  Enfin, en principe. Mes mots à moi, je préfère vous les lire. Ce soir, je reçois un prix. Je ne vais pas vous le cacher, j'aime beaucoup recevoir des prix. Les prix, quand on y réfléchit, c'est un peu pour calmer les artistes turbulents, mais aussi pour dire à celle ou à celui qui le reçoit qu'il n'a pas travaillé pour rien. Donc vu comme ça, vous comprenez pourquoi j'aime recevoir des prix ? Parce que me le donnant et en le recevant, j'entends ce que l'on me dit : « Isabelle, tu as bien fait ton travail. Tu n'as pas travaillé pour rien... » C'est important le travail. Est-ce vraiment un travail ? Peut-on vraiment l'appeler comme ça ? Ça, c'est une autre histoire.

Donc ce soir, je reçois un prix. Pas n'importe lequel. Celui-là est très spécial parce qu'il s'appelle : le Prix Lumière. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas seulement parce que ce prix porte le nom des géniaux inventeurs du même nom - oh combien prédestinés. Avant eux, il y a eu la peinture depuis eux, ça bouge.

Me voilà donc en pleine lumière. La lumière, ça raconte plein de choses. On dit des années-lumière, on dit : « à la vitesse de la lumière ». La lumière, ça va vite. C'est du temps, de l'espace. Mais il n'y a pas de lumière sans ombre. Il n'y a pas d'ombre sans lumière. Ce qui nous réunit tous ici, c'est cette étrange invention, cette alchimie subtile entre la lumière et l'obscurité, entre ce que l'on voit et ce que l'on devine. Un jeu infini entre le visible et l'invisible, entre le réel et le rêve, entre le bruit et le silence. C'est ce voyage interstellaire que l'on vit avec passion. Cet espace infini de découvertes, de questionnements qui parvient à capturer des fragments de vie, à révéler des mystères, à donner corps à des émotions invisibles.

Avec le cinéma, j'ai fait le tour du monde mais je n’ai pas fait le tour de la question. J'ai beau continuer à en faire, je n'en finit pas de me dire : « Qu'est-ce que j'ai encore à dire? » En fait, je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'un écran, ça montre et ça cache. Ça dit ce qu'on ne veut pas dire et ça ne dit pas ce qu'on veut dire. Ça protège et ça expose. Ça pose des questions. Pas un écran de fumée, non, plutôt un écrin qui garde précieusement toutes celles et tous ceux que j'ai rencontrés, qui ont marqué mon parcours de manière indélébile, avec lesquels j'ai établi un pacte vertueux et qui ne m'a jamais fait défaut et sans lesquels, comme on dit, je ne serai pas là. Mais si on le dit, ça doit être vrai. Tous, ils m'ont fait le plus précieux des cadeaux. Ils m'ont regardé. C'est mieux qu'aimer. L'amour aveugle parfois, c'est bien connu. Non, non, Ils m'ont juste regardé. Et c'est ce que le cinéma fait. Le cinéma nous regarde. Ça aide à vivre, d'être regardé. Le cinéma, ça entretient la mémoire aussi. C'est important, la mémoire et les souvenirs...

Par exemple, demain je me réveillerais et ce moment lumineux sera un merveilleux souvenir pour toujours. Ça n'empêche pas de penser au futur. Le passé, c'est bien, mais l'avenir c'est pas mal non plus. Le passé n'est pas le futur. Mais ce soir, ce que j'aime par-dessus tout, c'est ici et maintenant. C'est ce moment joyeux et merveilleux, plein d'émotions où je vous dis à tous. Il y a toute. Du fond du cœur, merci. »


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