Rencontre avec l'acteur, à l'affiche des Têtes givrées, en compétition au festival de comédie de l'Alpe d'Huez.
Dans la comédie dramatique Les Têtes givrées, en compétition au festival de l'Alpe d'Huez, Clovis Cornillac joue un professeur qui motive ses élèves de SEGPA à agir pour tenter de sauver un glacier du réchauffement climatique. Rencontre au pied des pistes.
La comédie est un genre qui vous va comme un gant. Pourquoi vous n'en faites pas plus ?
Vous tombez bien, j'en ai tourné une l'année dernière ! Pas un rôle principal, mais on est venu me chercher pour y aller à fond dans la dinguerie. C'est un film de Franck Magnier et Alexandre Charlot [duo de scénaristes qui avaient déjà réalisé Les Têtes de l'emploi en 2016, NDLR]. Pour l'instant, le titre est Kholop, et au casting il y a notamment Kad Merad et Isabelle Carré. Je joue un réalisateur complètement barré. J'y suis allé fort, j'ai pris des risques et ils m'ont laissé la place de faire de le dingo. Ca n'avait d'intérêt que si je tentais un truc. Après, je ne sais pas si ce que j'ai fait est rigolo et ça ne me dérange pas s'ils coupent au final plein de choses, mais au moins ils auront de la matière !
Le timing comique, c'est de l'inné ou de l'acquis ?
Je pense que c'est comme le sens du rythme ou de la musique : ça ne s'apprend pas. Certains acteurs ou actrices ne l'ont pas mais au cinéma, tu peux le fabriquer sur la longueur des plans. Le montage permet de créer un timing qui n'existe pas sur le plateau. Par contre sur scène, impossible. J'ai joué du Feydeau par exemple, et là tu dois être dans une rigueur presque métrique. Tu ne peux pas aller à la recherche du public façon Christian Clavier. En fait, ce qui me fait marrer, c'est quand les acteurs croient profondément à ce qu'ils sont en train de faire. Dans Anchorman par exemple, qui me fait crever de rire, tout le monde joue premier degré. C'est totalement investi et c'est ça qui est poilant. Pareil dans La Chèvre, avec Gérard Depardieu et Pierre Richard.
Donc vous faites l'inverse de Christian Clavier, si je comprends bien ?
Attention, je trouve que c'est un acteur remarquable. J'ai fait un film avec lui il y a quelques années qui n'était pas du tout une comédie, La Sainte Victoire. Il était extraordinaire. Le truc, je crois, c'est qu'il a un fonds de commerce, et c'est comme s'il n'avait pas voulu agrandir le magasin. C'est dommage, parce qu'il en a la capacité, comme peu d'acteurs l'ont. C'est quelqu'un que j'irai peut-être chercher un jour pour un film que je réaliserai. Mais en lui disant : « Est-ce que tu joues le jeu avec moi ? Parce qu'on va vraiment y aller ».
Qu'est-ce qui vous fait accepter un film ? Le rôle ou le scénario ?
Le projet global du film. Pour moi, être acteur, c'est avant tout travailler pour quelqu'un qui fait un film. Pas pour me faire plaisir. J'essaie d'incarner un personnage le mieux possible, mais je veux surtout comprendre vers quoi le réalisateur souhaite aller. Et ce qui est troublant, c'est que très souvent, tu n'es pas dirigé. La plupart du temps, en fait.
C'est-à-dire, pas dirigé ?
Ben... Beaucoup de projets n'ont pas de point de vue. Donc les films se font presque au montage, plus que sur le plateau. Quand tu filmes tous les axes et toutes les valeurs de plans, ensuite tu peux presque en faire ce que tu veux. Mais le résultat sera toujours un peu plat, sans angle saillant. Après, mon boulot d'acteur est d'arriver avec une proposition, du biscuit, et d'y aller à fond. Par contre, quand je réalise, j'essaie d'emmener les comédiens dans mon univers. Ce qui m'importe, c'est qu'ils bossent collectivement pour le film, tout comme mon chef opérateur, mon ingénieur du son...
Ce qui est un boulot normal de réalisateur, en fait. Non ?
Oui, mais ce n'est pas la réalité au quotidien. Ce n'est pas très grave hein, le chaos produit de temps en temps des films assez médiocres dans leur fabrication, et qui pourtant cartonnent et que les gens adorent. Et à l'inverse, il y a des films que je trouve absolument remarquables et que personne ne va voir. Il n'y a pas de méritocratie dans ce métier, donc il faut être très humble et faire du mieux qu'on peut à chaque fois. Qu'on n'aime pas mon travail, je le conçois absolument. On peut me critiquer - même me dire que je suis à chier -, je l'entends. Si des gens t'aiment, alors forcément d'autres ne t'aiment pas, ça fait partie du jeu. En revanche, je pourrais me mettre très en colère si on disait que je me fous de la gueule des gens. Non ! Je donne mon maximum. Si on me reproche de ne pas avoir bossé, alors je peux me fâcher.
Les Têtes givrées, de Stéphane Cazes, avec Clovis Cornillac, Claudia Tagbo et Marwa Merdjet Yahiaest, est présenté en compétition au Festival du film de comédie de l'Alpe d'Huez. Il sortira au cinéma le 8 février prochain.
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