Athéna confirme l’irrésistible montée en puissance d’un comédien déjà remarqué et remarquable tant dans Les Sauvages que dans le dernier 007. Retour avec lui sur son parcours.
C’est à 16 ans que votre mère vous a offert un stage au cours Florent à Paris. Qu’est ce qui vous donne envie d’y revenir des années plus tard et de tenter de devenir comédien ?
Dali Benssalah : Au moment de mon premier stage, ce n’était pas le moment de rentrer dans cette école pour suivre un cursus complet. Je devais d’abord passer le bac puis faire une licence, le schéma plus que suggéré par les parents. (rires) Mais c’est une blessure à la boxe thaïlandaise que je pratiquais à haut niveau qui m’a ramené vers Florent. Elle m’a donné un temps de réflexion que je n’avais jamais eu jusque là dans ma vie. J’ai été arrêté trois mois. Ce qui est énorme pour moi qui m’entraînais 7 jours sur 7. Et il était hors de question de me pointer à la fac avec des béquilles. Alors, je suis allé à Florent. Mais l’idée de la professionnalisation, elle, est venue en cours de route, lors de ma deuxième année sur place. Même si je me rends compte très vite que comme comédien, on n’a aucun pouvoir et que les meilleurs élèves ne sont au final pas ceux qui ont le plus bossé, comme les meilleurs en casting ne sont pas les meilleurs sur le plateau. C’est tout sauf une science exacte
Et tout change pour vous avec votre participation au clip de Territory du groupe électro français The Blaze…
Ce fut totalement inattendu pour moi ! Je suis parti faire un clip pour des jeunes talents de la scène musicale, dont j’avais aimé le précédent titre. Et il se trouve qu’ils se sont réinventés avec ce morceau qui a marqué le vrai démarrage de leur groupe. Le fantôme de ce clip n’a depuis jamais cessé de m’entrouvrir des portes, jusqu’encore récemment le casting du film américain que je viens de tourner sous la direction de Sing J. Lee, lui- même réalisateur de clips vidéo.
Puis même si vous commencez à apparaître dans des petits rôles au cinéma, c’est avec une série, Les Sauvages de Rebecca Zlotowski, que vous franchissez un nouveau palier. Quel souvenir en gardez- vous ?
Ce qui m’a frappé sur le moment, c’est la façon dont Rebecca s’est adaptée à chaque comédien. Avec des gens d’expérience vraiment différente. Sur son plateau, je ne me suis en tout cas jamais senti pressé par le temps alors qu’on nous avait prévenu en long en large et en travers que dans une série, on n’allait pas refaire les prises 15 fois et qu’il ne fallait pas rater la première. Et cela, je le dois à Rebecca qui, à chaque fois, nous proposait de refaire une prise si on le souhaitait, de prendre le temps pour nous. J’étais la tête dans le guidon mais ça m’a endurci pour la suite.
Comment se retrouve t’on dans la foulée à jouer un mercenaire prêt à tout pour tuer 007 dans Mourir peut attendre ?
Là encore grâce à Territory ! C’est grâce ce clip que Cary Fukanaga m’a repéré et permis de passer le casting. Et de vivre cette expérience très particulière : participer à un projet dont on ne sait pas au fond ce qui restera à la fin de ses scènes. Je n’ai jamais eu le scénario en entier mais en pièces détachées au fil de 7 mois et demi. J’ai dû avoir 25 pages au final en tout et pour tout. Mais Mourir peut attendre a encore plus poussé chez moi le curseur de la rigueur. Comme je ne savais pas précisément ce qu’on filmait, comme je ne connaissais pas les enjeux exacts à part les grandes lignes, il fallait être en permanence à fond dans tout ce que je faisais. Car il ne faut jamais oublier que dans ces grosses productions, il n’y a pas le temps pour tout le monde. On navigue à vue mais sans faire les choses à moitié et rester sur un questionnement. Je n’ai jamais cessé donc de balancer des propositions car je savais que si c’était à côté de la plaque, le réalisateur viendrait forcément me corriger. Ainsi, quand j’ai balancé des insultes en italien lors ma première prise et que Cary est venu vers moi pour me demander de ne plus le refaire, ça m’a au moins donné un indice : mon personnage n’était pas italien ! (rires) Après, la règle du jeu est clairement indiqué : tu n’as droit qu’à deux prises maximum et s’il y a un pépin technique dans la première, tu n’en auras qu’une. Mais, pour moi, tout était bonus. C’est une chance inouïe que ça m’arrive à ce moment- là de mon parcours et de côtoyer quelqu’un comme Daniel Craig qui s’est vraiment comporté comme un grand frère sur le plateau
Vous décrochez aussi Athena par casting ?
Non, je n’ai pas passé d’essais. Ce fut une simple rencontre avec Romain qui a suivi une lecture du scénario. Et quelle lecture ! D’une traite. Je me suis engouffré dedans. Plus j’avançais dans les pages, plus je sentais une liberté d’écriture. Ce qui me parle dans Athena, c’est d’abord la thématique de la fratrie puis l’idée du voyage de ce personnage dont on attend avec son statut de militaire, qu’il résolve tous les problèmes sans voir qu’au départ ils sont déjà beaucoup plus grands que lui. La tragédie commence dès les premières secondes. Et j’ai aimé endosser le rôle de quelqu’un déjà bien effrité à l’intérieur avant de donner des coups d’épée dans l’eau face à une situation qui le dépasse de plus en plus.
Comment créez vous ce personnage avec Romain Gavras ?
Le chemin pour créer le personnage débute de manière très concrète avec Romain. On s’échange des vidéos. On parle du scénario invisible, de d’où part le personnage quand l’action commence pour que je puisse faire ma cuisine dans un cadre assez précis. Quand est il parti à l’armée ? Quel grade a-t-il ? Puis j’ai donné la réplique aux auditions des autres rôles quand Romain me le demandait. J’étais disponible tous les jours. Enfin, une fois sur le décor, on a cherché ensemble dans ce studio à ciel ouvert qu’est la cité où on a tourné, avec Romain et son chef op’ Matias Boucard pour trouver une petite liberté dans le parcours imposé par les mouvements de la caméra, en amont du tournage. Pour caler les choses afin que ça ne diffère pas trop sur le plateau sous peine de foutre en l’air la scène. La question était de savoir comment on présente un soldat français au monde entier tout en le sachant chargé d’énormément de choses - dont son origine sociale - sans que ce soit trop marqué. Ce sont des enfants de l'immigration maghrébine mais pas seulement. Le sujet n’est pas la nationalité. Le propos est universel. Je ne me suis pas préparé que pour avoir la stature d’un soldat qui s’entraîne tous les jours mais pour être dans les meilleures conditions afin d’affronter un tournage qui s’annonçait physique et compliqué. Et qui l’a été ! (rires)
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