Bilan quotidien de la 15ème édition du festival du film francophone d’Angoulême
Le film du jour : Les Survivants de Guillaume Renusson
Pour son premier long métrage (à découvrir en salles le 4 janvier 2023), Guillaume Renusson a choisi de s’emparer d’un thème d’une actualité souvent tragique - le sort réservé aux réfugiés clandestins à la frontière franco- italienne - mais avec la judicieuse idée de faire se percuter deux histoires de survivants. Une femme qui a fui l’Afghanistan et tente de traverser la frontière en échappant à la surveillance d’une bande de fachos qui a décidé de faire sa police et un homme qui, rongé par la culpabilité après la mort de sa femme, part s’isoler dans un chalet perdu au milieu de nulle part, dans la montagne. Les Survivants transcende tout à la fois le drame intime et le film sociétal qu’il semble de prime abord développer pour se métamorphoser en survival alpestre où le duo va devoir rivaliser de courage pour échapper aux griffes de leurs poursuivants prêts à tout pour les stopper dans leur périple. Mis en scène sans fioriture, à l’os, efficace mais jamais simpliste, Les Survivants s’appuie aussi sur un duo majeur, deux des piliers majeurs de cet été ciné : Denis Ménochet, le héros d’As bestas et Peter van Kant et Zar Amir Ebrahimi, le prix d’interprétation féminine cannoise pour Les Nuits de Mashhad.
L’actrice du jour : Lyna Khoudri dans Houria
Présente dans Cher frangin, découvert hors compétition à Cannes, où Rachid Bouchareb revient sur l’assassinat en 1986 de Malik Oussekine par un prisme particulièrement original, Lyna Khoudri est aussi de retour devant la caméra de Mounia Meddour et en compétition, deux ans après Papicha, multi- récompensé ici à Angoulême, où ella avait elle- même reçu le prix de la meilleure actrice avant de remporter le César de la révélation quelques mois plus tard. Dans Houria (en salles le 15 mars 2023), elle incarne une jeune Algéroise qui voit ses rêves de devenir une grande danseuse, brisés par une violente agression en pleine rue commise par un ancien terroriste. C’est peu de dire que l’après Papicha était attendu de pied ferme et si Mounia Meddour se montre à la hauteur dans ce récit d’une reconstruction pétrie de sororité et d’une sublimation des corps brisés par la danse, elle le doit aussi à son interprète. Charisme dément, finesse absolue, grâce renversante, Lyna Khoudri virevolte dans ce film avec ce talent de savoir faire naître des émotions sans jamais donner l’impression de les jouer. Simplement de les vivre. Une immense actrice.
Le quatuor du jour : Benjamin Lavernhe- Sara Giraudeau- Judith Chemla- Damien Bonnard dans Le Sixième enfant
Deux couples. L’un aisé qui souffre de ne pas avoir d’enfant. L’autre en galère, déjà quintuple fois parents, qui n’a pas les moyens financiers d’assumer le sixième bébé à venir. Et entre les deux - qui n’auraient jamais dû se rencontrer si le mari du premier, avocat, n’avait pas assuré la défense de celui du second, membre de la communauté des gens du voyage, après un menu larcin - va alors naître l’idée d’un improbable échange aussi hors des clous qu’hors la loi. La mécanique scénaristique que développe pour son premier film Léopold Legrand (accompagné au scénario de Catherine Paillé, la co- autrice des Magnétiques, César du meilleur premier film 2022) dans cette adaptation de Pleurer des rivières d’Alain Jaspard, se révèle une mécanique de précision redoutable, notamment dans sa gestion des rebondissements et son écriture des personnages qu’on ne juge jamais car Legrand ne le fait lui- même jamais, prenant le temps – dans un geste tout sauf scolaire – d’éclairer les logiques et les motivations de chacun. Mais cette mécanique de précision finirait rapidement par s’effriter si elle ne s’appuyait pas sur un quatuor d’acteurs aussi emballant, fin, précis et puissant que Benjamin Lavernhe- Sara Giraudeau (présente aussi en compétition avec La Page blanche de Murielle Magellan)- Judith Chemla- Damien Bonnard. Le Sixième enfant tient sur un fil et leurs numéros d’équilibristes forcent l’admiration. Le film (en salles le 28 septembre) fait en tout cas partie des favoris à un prix au palmarès qui sera décerné dimanche et à l’intérieur duquel leur présence serait tout sauf volée.
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