The Responder sur Canal + : "Ce n'est pas un cop show !"

Ancien flic de la Merseyside, Tony Schumacher a roulé sa bosse pendant des années dans les rues de Liverpool. Son expérience, il la raconte dans cette nouvelle série policière britannique inspirée par ses années de patrouille, seul, à répondre aux appels d'urgence...

PREMIÈRE : Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire une série policière, inspirée de votre vécu ?
Tony Schumacher : Déjà, ce n'est pas un cop show ! Dès le départ, j'ai eu cette volonté de ne pas faire, spécifiquement, une série policière ! Parce que j'étais un policier justement. J'avais envie de raconter l'humain derrière le flic. De mettre l'accent sur les autres personnages qu'il rencontre. Martin Freeman est formidable, mais l'idée est de raconter tout ce qui se passe autour de lui. De plutôt faire une peinture de la ville de Liverpool en réalité...

Quelle part de la série est tirée de votre propre vie ?
Le craquage mental qui arrive à Chris, le personnage principal, je peux dire que c'est quelque chose que j'ai vécu personnellement. Il devient de plus en plus dur. De plus en plus écorché vif. Après, les affaires dont ils s'occupent sont des choses que j'ai réellement vécues, mais que j'ai modifiées, rassemblées, évidemment, pour que personne ne se reconnaisse. Je ne voulais pas risquer de blesser des gens, alors j'ai fait en sorte de rester plus vague.

C'est quoi un Responder exactement ?
C'est quelqu'un qui ne délivre que des mauvaises nouvelles aux gens. En résumé. Le Responder, c'est celui qui arrive quand les gens pleurent encore. Celui qui commence à essayer de recoller les pots cassés. Le Responder, c'est aussi le type avec le gyrophare qui arrive en premier sur les lieux. C'est très excitant. C'est un job passionnant. Mais après, pour réussir à faire ça pendant des années, il faut avoir cette capacité à faire la part des choses. A laisser le boulot derrière quand on rentre à la maison. Ce que je ne savais pas faire. Moi, j'avais toujours besoin de soigner tout le monde.

C'est pourquoi vous avez démissionné ?
J'ai quitté le job parce que j'étais en train de devenir fou. Je faisais même une petite dépression nerveuse, on peut le dire. Je crois que j'étais trop sensible, trop vulnérable. Je n'en pouvais plus à la fin. C'était trop. Peut-être que j'aurais dû tenir un journal, à l'époque, cela m'aurait sûrement aider à supporter tout ça. Après, je crois qu'au fond on n'a surtout pas envie de repenser à tout ce qu'on a vécu, le soir, une fois rentré à la maison... même si l'odeur des cadavres reste dans le nez longtemps après... Aujourd'hui, j'ai pris du recul par rapport à tout ça et c'est pour ça que j'ai pu écrire cette série. Je n'ai rien oublié. Je peux encore me souvenir de cette odeur... elle ne s'en ira jamais... mais je suis dans une position où je peux la raconter sans difficulté.

Il y a un message que vous aviez envie de faire passer à travers cette série sans concession ?
Chris craque souvent parce qu'il est obligé de travailler seul. Il n'y a pas assez d'argent alloué à ce genre de mission. Quand on regarde la série, on se dit que c'est dingue de voir un agent bosser comme ça, tout seul, la nuit. Mais en réalité, 40% d'entre eux travaillent en solitaire. Parce que le partenaire est malade. Parce que le partenaire démissionne et n'est jamais remplacé. Parce qu'il n'y a pas assez d'argent. Je voulais mettre cela en lumière avec la série. Moi, à titre personnel, j'adorais travailler seul. J'ai fait 90% de ma carrière de nuit ! Mais a posteriori, je me dis que si j'avais eu quelqu'un sur le siège passager à côté de moi, quelqu'un avec qui parler, avec qui échanger, avec qui digérer tout ce qu'on voit, ça aurait été sûrement moins dur.

Martin Freeman joue ici avec un accent typique de la ville Liverpool. C'était son choix ?
Martin, c'était l'idéal pour nous. Comme c'est un acteur brillant, complexe, il a toujours cette envie d'aller vers des rôles qu'il n'a jamais incarné auparavant. Donc quand on lui a proposé le job, il a répondu oui très rapidement. Ensuite, on a discuté ensemble de ce "Scouse accent" de Liverpool. Il aurait pu faire la série sans. Parce qu'après tout, des policiers venus de n'importe où en Angleterre peuvent être mutés à Liverpool. Ce n'était pas obligé que Chris soit un gars du coin. Mais il a jugé plus sincère de le jouer comme ça. Et je dois dire qu'il fait un "Scouse accent" parfait. C'est vraiment comme ça que parlent les gens de la Mersey.