Tous les matins, entre le film, l'interview et la star du jour, le point à chaud en direct du 74ème festival de Cannes.
Après une arrivée en ordre dispersé et la découverte d’un Cannes année zéro (pass sanitaire ou test salivaire ?), place au cinéma. Jodie, drôle (“ca fait du bien de sortir”), impériale et comme toujours parfaite, a laissé l’écran à Annette de Carax. Avec une Marion Cotillard phénoménale, le film désarçonne et laisse un peu froid par ici. Mais c’est peut-être la marque d’une bonne ouverture : polariser, intriguer, diviser. Celui qui mettra tout le monde d’accord en revanche, c’est Arthur Harari avec son film de guerre zen qui ouvre la section Un Certain Regard : Onoda est l’événement du premier jour du festival.
Le film du jour : Onoda d’Arthur Harari (Ouverture Un Certain regard)
Ce deuxième long d’Arthur Harari (Diamant noir) arrive précédé d’une aura quasi mystique. Onoda et son sous-titre accrocheur : 10 000 nuits dans la jungle, est une fresque intimiste sur fond de Guerre du Pacifique, entièrement vue depuis le camp japonais. Il marche ainsi sur les pas d’Eastwood (Lettres d’Iwo Jima) ou de von Sternberg (Fièvre sur Anatahan), deux exemples de cinéma occidentalisé ayant osé regarder le monde avec des yeux nippons. Le pacte cannois semblait acquis pour ce faux film français ambitieux inspiré de faits réels. Cela n’a pas empêché Thierry Frémaux de le snober le jour J de la conférence de presse. Tweets outrés de quelques privilégiés. Onoda est finalement entré quelques jours plus tard par une autre fenêtre, l’ouverture de la section Un Certain Regard. Est-ce la place qui convient le mieux à ce film monumental dans sa durée (près de trois heures) et minimal dans sa dramaturgie (épure zen) ? Qu’importe, Onoda, ne vit plus retranché comme son héros, il est là, nu sur la croisette, dans le viseur du festivalier.
Cannes 2021 : Onoda est un vrai choc [critique]
La star du jour : Jodie Foster
Depuis qu’elle n’est plus qu’actrice à temps partiel (seulement trois films ces dix dernières années), les meilleures façons d’admirer Jodie Foster en action sont ses discours de remerciements. Il y avait eu le Golden Globe spécial en 2013 et son génial vrai-faux coming-out (« Je le dis haut et fort. Je suis… célibataire ! »). Et il y a eu, hier, la remise de sa Palme d’or d’honneur. Foster était au naturel, drôle, sans chichis, sonnant le déconfinement du cinéma mondial et le retour d’un glamour raisonné (« Dans 2 heures, je serai en pyjama devant ma TV »), s’exprimant dans ce français parfait qui rend jaloux Spike Lee et qui avait fait d’elle, dès 1976, au moment des présentations cannoises de Bugsy Malone et Taxi Driver, la petite fiancée de la France de VGE et Danièle Gilbert. 45 ans après, la love story continue.
L'interview du jour : Marion Cotillard, héroïne de Annette de Leos Carax
Aimiez-vous le cinéma de Carax avant de travailler avec lui ?
Certaines scènes de ses films sont gravées en moi pour toujours comme la danse de Denis Lavant dans Mauvais sang. Et il y a ceux qui m’ont éblouie du début à la fin comme Boy meets girl ou Holy motors. Ce que j’aime dans son cinéma, c’est qu’on ne sait jamais ce qui va se passer ni où il va nous amener. On est pourtant sûr qu’il y aura toujours de la grâce et de la fougue...
Carax donne l’impression d’être très timide. Quel est son rapport avec les comédiens ?
Il y a quelque chose en lui de beaucoup plus joyeux que la cérébralité à laquelle on l’associe. Il aime le grotesque qu’il transcende et transforme en beauté. J’ai souvent vu son œil s’éclairer comme un petit garçon joyeux et surtout capable de communiquer son joie. Car, derrière son calme apparent, il vit son cinéma intensément. D’autant plus sur ce film dont il a rêvé depuis tant d’années.
Au point d’avoir des demandes extravagantes ?
Chaque jour, j’ai été confrontée à une difficulté nouvelle. Comme chanter perchée sur des talons de 20 cm en évoluant sur une planche d’à peine 20 cm de large ! Mais il y a toujours chez moi une excitation à répondre positivement à toute demande rocambolesque. Malgré tout, une fois, j’ai dit non. Je devais chanter un air d’opéra dans un costume improbable sur une surface où je risquais vraiment l’accident. Or Leos n’est pas du genre à pousser le comédien dans ses limites. Ce n’est pas un manipulateur. L’échange est très simple avec lui. Il a même été particulièrement généreux avec moi quand je demandais de manière disons assez intensive des prises supplémentaires dans un plan de travail très serré.
Que vaut Annette, le nouveau Carax ?
La phrase du jour
« Il est probable que Bezos m’ait baisé. Mais c’est sans doute ce qu’on mérite quand on fait un film cher, “au-dessus de ses moyens”. Le film sortira bien partout en salles, mais Amazon qui le distribue aux Etats-Unis, l’éjectera aussi vite que possible des cinémas américains pour le placer sur sa plateforme (ainsi appelée parce qu’effectivement, c’est la forme la plus plate que les businessmen aient réussi à imaginer pour exploiter les films). »
Leos Carax dans Libération d'hier.
Le coup de chaud
Cette année, le grand bazar cannois a ceci de spécial que l'angoisse habituelle de louper un bon film pour cause d'emploi du temps trop chargé se cumule avec l'inquiétude de croiser le variant Delta en pleine zumba sur la Croisette. Mais alors qu'on se rassure comme on peut avec le pass sanitaire et nos deux doses de Moderna (et donc une excellente connexion 5G pour envoyer nos articles, c'est déjà ça de pris), on allume la télé pour regarder la cérémonie d'ouverture. Petite hallucination : les plans sur le public ressemblaient à un étrange film de science-fiction, avec ces centaines de visages à l'air dans un Grand Auditorium Lumière blindé. Rassurant de voir qu'entre les stars et nous, il y a toujours un delta.
L'image du jour
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