Première
par Thierry Chèze
Après Les Chansons que mes frères m’ont apprises et The Rider, Chloé Zhao poursuit son exploration des invisibilisés du pays de l’Oncle Sam avec un regard d'une humanité poignante. Grand vainqueur des Oscars 2021, Nomadland suit les traces de Fern, une sexagénaire qui, en l’espace de quelques mois, a tout perdu. Son mari Bo, victime d’un cancer et son boulot dans une usine d’une petite ville minière. Il ne lui reste plus en sa possession qu’un van, avec lequel elle va traverser les Etats- Unis, de parking en camping, au gré des petits boulots qu’elle arrivera à glaner ici et là mais aussi des rencontres qu’elle fera au fil des étapes avec ceux qui ont fait leur cette vie de nomade. A travers elle, à travers eux, Chloé Zhao plonge donc une nouvelle fois dans l’Amérique des laissés pour comptes. Comme toujours, elle évolue sur une ligne de crête extrêmement fine entre une naïveté assumée qui la pousse à préférer scruter la lumière au bout du tunnel plus que la noirceur violente du quotidien et cette part documentaire (en faisant notamment appel majoritairement à de vrais nomades pour camper ses personnages) qui inscrit son propos dans cette réalité rude. Depuis son premier film, Chloé Zhao revendique cette part de poésie que permet la fiction. Son cinéma ouvre grand les bras aux spectateurs, quitte à froisser les tenants d’une radicalité cinématographique. Et son actrice principale symbolise ce grand écart qu’elle exécute avec un naturel à chaque fois fascinant : Frances McDormand.