Première
par Thierry Chèze
Quand nombre de cinéastes utilisent leur vécu comme source d'inspiration de leur premier film, le Coréen Lee Isaac Chung a attendu la quarantaine pour replonger dans son passé. L'histoire de Minari, c'est la sienne. Ce père de famille coréen qui entraîne, sans les prévenir, sa femme et ses deux enfants dans un déménagement de Californie vers l'Arkansas pour embrasser une vie de fermier, c'est le sien. Cette grand- mère (Youn Yuh-jung, Oscarisée à juste titre) venue de Corée sans parler un mot d'anglais aider au quotidien ces parents obligés de bosser double pour ne pas sombrer dans la précarité, c'est la sienne. Et cet enfant, tout à la fois observateur et acteur de ce moment de bascule familial, c'est lui. La puissance émotionnelle dégagée par Minari naît forcément de ce lien entre ce qu'on voit et ce qu'il a vécu. Mais ce qui frappe ici est la manière dont Lee Isaac Chung part de l'éminemment personnel pour tendre vers l'universel. Chronique familiale, drame sociétal sur les difficultés vécues par le monde rural sous Reagan et réflexion sur le rêve américain et ses dommages collatéraux, son film mêle les genres avec une dextérité jamais prise en défaut. Comme il le fait, tout au long de son récit, avec les cultures coréenne et américaine ou sa manière de filmer la nature qui évoque aussi bien Miyazaki que Malick. Lee Isaac Chung explique avoir été écrit ce film comme s'il s'agissait du dernier avant de passer à une autre vie. Le résultat emballant lui assure d'une certitude : le cinéma va encore occuper sa vie pour un petit bout de temps.