Première
par Frédéric Foubert
Le Silence de Martin Scorsese n’était pas à proprement parler un remake. Plutôt une nouvelle adaptation du magnifique roman de Shusaku Endo (1966) racontant la traque de missionnaires jésuites dans le Japon du XVIIe siècle. En découvrant aujourd’hui seulement le film de Masahiro Shinoda (présenté au Festival de Cannes en 1972 mais resté inédit dans les salles françaises), on est pourtant frappé par la ressemblance entre les deux œuvres, leur évidente gémellité. Ça ne signifie pas que Scorsese a réalisé un copier-coller en cachette, non (il y a quelques différences de taille entre les deux films, notamment leurs conclusions), mais on comprend en les regardant en miroir que l’écriture d’Endo appelle inévitablement ce traitement-là : hiératique, impérieux, austère, radical, ultra-violent. Les « vrais » remakes signés Scorsese (Les Nerfs à vif et Les Infiltrés) étaient des exercices de style, ouvertement commerciaux, un rien cyniques. Ici, « Marty » cherchait plutôt à établir un dialogue avec son prédécesseur, prolongeant son geste, corrigeant certaines scories (le père Ferreira incarné par Liam Neeson en impose plus que Tetsuro Tanba, bizarrement grimé), amplifiant l’écho des interrogations immenses que Shinoda mettait en scène (la foi, le doute, la frontière entre résistance et collaboration, l’ambiguïté de l’héroïsme...). Une découverte indispensable pour les « scorsesophiles » enragés qui estiment, comme nous, que Silence est l’un des films les plus impressionnants de leur réalisateur italo-américain préféré.