Retour sur l’œuvre du grand cinéaste iranien
Abbas Kiarostami est mort en France à 76 ans, où il tentait un ultime traitement contre le cancer qui le rongeait. Dans un tweet de l’Elysée, François Hollande a salué en lui un cinéaste qui « a profondément marqué l’histoire du cinéma » et qui « avait tissé avec notre pays des liens artistiques étroits et des amitiés profondes ». Le Président de la République fait implicitement référence à sa collaboration au long cours avec Marin Karmitz, le fondateur de MK2 qui accompagna Abbas Kiarostami à partir de la fin des années 90 et qui produisit notamment Le Goût de la Cerise et Le Vent nous emportera, respectivement Palme d’Or à Cannes en 1997 et Lion d’Argent à Venise en 1999.
Le temps de la reconnaissance
Peintre, graphiste et photographe, Abbas Kiarostami était un artiste complet dont le sens de la composition, l’humanisme et l’humour (oui, oui) irriguent une œuvre monumentale, placée sous le sceau de l’expérimentation. Spécialiste de l’enfance à ses débuts (comme pour nombre de ses collègues, il était plus facile d’évoquer l’Iran de façon allégorique et faussement innocente), AK change de braquet en 1990 avec Close-up, récit d’une imposture dans lequel la fiction et le documentaire s’entremêlent de façon suffisamment subtile pour provoquer un léger effet de sidération. Quatre ans plus tard, Au travers des oliviers impose définitivement Kiarostami comme un grand réalisateur international et la coqueluche des festivals qui voient en lui un maître du pointillisme poétique. Le goût de la cerise est le point d’orgue de cette période consacrée à épurer le récit et à tendre vers l’abstraction.
La période expérimentale
En 2002, AK fait se révolution avec Ten, film tourné en numérique dans une voiture selon deux axes de caméras fixes. Antinarratif, porté par la parole libérée des « personnages » qui se succèdent dans le véhicule, Ten est un film éminemment politique en même temps qu’un manifeste de cinéma qui vise à l’effacement (évidemment c’est tout l’inverse) du réalisateur omniscient. Kiarostami poussera ce concept jusqu’à l’épuisement dans Shirin (2008) où il cadre des fascinants visages de femmes en train de regarder un film. Copie conforme (2010), puis Like someone in love (2012), amorceront ensuite un retour à un cinéma plus conventionnel.
Seul au monde
Abbas Kiarostami a-t-il une descendance ? Son ancien disciple Jafar Panahi pousse le mimétisme à refaire Ten sur un mode plus joyeux, dans Taxi Téhéran. Le turc Nuri Bilge Ceylan, photographe également, partage avec lui le goût des immenses paysages vallonnés que sillonnent des voitures minuscules et une tendance à l’introspection métaphysique. Rien de très évident. Abbas Kiarostami était unique. Le 7ème art vient de perdre l’un de ses astres.
@chris_narbonne
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