Trompettiste à la gueule d'ange, Chet Baker était une bombe à l'aura photogénique, un des rares musiciens à pouvoir faire de l'ombre à James Dean (revoyez les photos N&B de William Claxton). Evidemment, ce jazzman blanc, beau comme un dieu, à la sonorité ronde, pleine et pensive, frôlant l'évanouissement à chaque note, ce "cliché", fascina le cinéma dès son explosion fifties. Presque 30 ans après sa mort, c'est le cinéaste Robert Budreau qui signe ce biopic qui s'ouvre - naturellement a-t-on envie d'écrire - sur cette fixette cinéma, puisque Born to be blue commence quand un producteur propose au musicien de participer à un film qui lui est consacré. On est au début des années 60. Chet est déjà scandaleux, alternant les séjours en taules (la drogue) et les concerts fameux. Mais BTBB entend éviter le misérabilisme et chronique une parenthèse dans ces saisons en enfer, ce moment où l'ange se reconstruit. On connait l'histoire : à la sortie d'un bar, Chet se fait massacrer la mâchoire l'obligeant à se faire arracher toutes les dents et à réapprendre à souffler dans son biniou. Convalescence, amour et renaissance. Déjà vu ? Bien sûr, mais quand il s'agit de Chet on est prêt à le réentendre des milliers de fois, night and day. Ethan Hawke compose un Baker intense, taiseux comme il faut, androgyne comme il faut. Mais on regrettera que la mise en scène de Budreau - trop lisse, parfois chichiteuse - empêche de retrouver la sensibilité de l'écorché vif, ses fêlures érotiques et la violence intérieure de l'angelot pop. Pour toucher ça il vaut mieux revoir Let's Get Lost, somptueux docu de Bruce Weber et témoignage ultime sur Chet.