Première
par Gérard Delorme
Avec un plaisir cruel, Polanski s’amuse à décaper le vernis social de deux couples new-yorkais pour montrer leur penchant naturel à l’hostilité. Ils cherchent tous les prétextes pour s’opposer alors qu’ils prétendent réparer le mal causé par leurs enfants, sans se rendre compte que ces derniers ne font que les imiter. Petit à petit, des glissements s’opèrent, les alliances se défont, et ce n’est plus un couple contre l’autre mais les hommes contre les femmes. À part quelques détails datés (les références à John Wayne), la plupart des travers sont épinglés avec une ironie contemporaine : la prétention culturelle, l’irritante « bonne volonté » des adultes, l’addiction au téléphone portable, etc. Le tout emballé sans effort par des acteurs que mène le toujours excellent Christoph Waltz. Mais Carnage n’est pas aussi léger qu’il en a l’air. Il fait écho à une scène faussement anecdotique de The Ghost Writer dans laquelle un homme tente de balayer des feuilles en plein vent. Ce gag cruel sur l’inutilité des efforts humains à dompter la nature est typique de la lucidité caustique de Polanski. Lorsque l’espoir n’existe plus, il ne reste que le rire.