Première
par Sylvestre Picard
On ne cherchera pas à vous mener en bagnole. A vous faire croire que Fast & Furious 7 est autre chose qu’un produit de (très) grande consommation, on ne cherchera pas à théoriser sur la symbolique du levier de vitesse et la place de la voiture dans les rapports de classe. "FF7", c’est du porno industriel, une succession de scènes de poursuites voraces en caisse entrecoupées de minces intrigues plaquées là, parfois embarrassantes comme celle de l'amnésie de Michelle Rodriguez. Dans son optique de destruction massive, "FF7" n’atteint que rarement des extrêmes : soit les sommets de délire façon "Torque" de Joseph Kahn ou "La Course à la mort" de l’an 2000, soit le réalisme terre-à-terre et violent des films de caisse old school à la Point limite zéro. "FF7" est semblable, ô surprise, à "FF5" et "FF6".
Tout est à sa place, on en a pour son pognon (et que je te parachute des bagnoles, et que je te ravage Los Angeles à coups de drone Predator) même si on pourra toujours chipoter sur des tics crispants : une gestion de l’espace complètement WTF, et les scènes de corps à corps, forcément PG13, sont surdécoupées et ne rendent pas hommage aux talents martiaux des invités Ronda Rousey et Tony Jaa. (...) Les éternels plans de fesses féminines dans des bikinis avec du gros rap en fond sonore sont là ; les dialogues fortune cookie de Vin Diesel aussi, les mimiques de Dwayne Johnson itou (la scène dite du plâtre est déjà culte), Jason Statham est un gros méchant comme on aime. Du même niveau que ses prédécesseurs, on le répète, "Fast & Furious 7" agit dans un espace fantasmé, autoparodique, où la violence n’a pas de conséquences (trois taches de sang en 120 minutes). Ce n’est pas du grand cinoche pop, c’est du cinéma "Fast Food & Furious" : on est habitués depuis toujours à ce genre de produit violemment carné, qu’on dévore en groupe pour mieux se répartir la culpabilité.
Une donnée vient dérégler la machine. La mort de Paul Walker en novembre 2013. Il faut vouloir chercher les tours de passe-passe pour se rendre compte de son absence dans certaines scènes. Et c’est là que le film trouve, de façon un peu morbide, sa raison d’être. Ce moment rare où l’on dit adieu à un acteur via l’écran, où le cinéma se connecte au réel et retrouve ainsi l’une de ses plus anciennes et puissantes magies dans une dialectique totale avec son public : si vous avez aimé un tant soit peu Paul (il y a de quoi : "Bleu d’enfer", "Une virée en enfer", "La Peur au ventre"…), l’épilogue du film en forme d’adieu à Walker risque -comme ça nous est arrivé- de vous faire verser des larmes à la vision, forcément maladroite, forcement mélo, de l’ultime regard bleu acier de l’acteur. A ce moment "Fast & Furious 7" commet le bel exploit de l’empathie totale avec la salle. Ce qui nous rappelle que la vraie star du film, au fond, c’est son public.