En 98, les Têtes raides sortaient un album qui annonçaient des lendemains qui chantent. Chamboultou plongeait le spectateur au cœur d’un drôle de paradoxe : mélanger musique populaire et délire arty (la langue précieuse et absconse) pour finalement tout laisser en ordre et... ne rien chambouler. C’est la même impression d’étrangeté qui domine devant le Chamboultout (avec un t cette fois-ci) d’Éric Lavaine. Ça commence comme une « dramédie ». Un type a un accident et se réveille aveugle, avec des pertes de mémoire et surtout la fâcheuse tendance à dire tout haut ce que tout le monde exprime normalement tout bas. C’est un festival José Garcia, un segment vachard, drôle et acide, où l’on rigole bien malgré le contexte. Jusqu’au deuxième film qui commence vite, celui de Béatrice, sa femme qui sort un livre sur sa nouvelle vie. Le bouquin va susciter l’inquiétude et la controverse auprès de sa famille et des copains qui vont tous chercher le moindre indice trahissant leur présence parmi les personnages. Cette partie-là fonctionne comme un jeu de massacre. Pour dire vite, on passe d’une comédie italienne à un drame très français, le règlement de compte entre potes, interrogeant l’autofiction et ses limites. Tous ces personnages souvent incultes, décérébrés ou odieux, sont enfermés dans une maison du Sud-Ouest (toute ressemblance avec Les Petits Mouchoirs de Canet semble fortuite) et nous entraîne dans leur propre jalousie, dépression ou médiocrité. Ce n’est pas vraiment de la satire, ni une réflexion sur les liens d’amitié. Et surtout ça ne chamboule pas grand-chose. Reste le numéro de José Garcia, le mauvais esprit de Lavaine et Alexandra Lamy toujours solaire.