Révélée par Martin Scorsese il y a 30 ans, mise sur orbite par John Dahl il y a 20 ans, la jolie brune a disparu des écrans. Où en est-elle aujourd'hui ?
Il existe de nombreux artistes qui connaissent un immense succès pendant une courte période. Ce succès peut se caractériser par exemple par quelques films qui ont triomphé à une certaine époque, une couverture médiatique énorme à un moment donné, ou un Oscar de la meilleure actrice pour un rôle isolé. Et puis soudain, plus rien (ou presque), ces artistes tombent subitement dans l'oubli et l'anonymat aussi vite qu'ils ont attiré la lumière. Ils disparaissent de l'écran radar sans rien laisser d'autres que des souvenirs plein la tête, des souvenirs nostalgiques de cinéphiles.
Parfois dû à un retrait choisi, tout simplement pour changer de vie, élever des enfants, ou évoluer vers d'autres sphères. Ou à l'opposé, ce retrait peut être provoqué à cause du vieillissement, du temps qui passe, et donc, du manque d'intérêt des studios et des productions. Ces disparitions soudaines sont d'autant plus surprenantes qu'elles se développent d'une façon exponentielle avec le temps. En effet, aujourd'hui, combien de Mary Elizabeth Mastrantonio, de Meg Ryan, ou de Rebecca de Mornay presque oubliées pour une Meryl Streep toujours au sommet ? Une carrière est un travail de longue haleine, un investissement perpétuel. Et il faut compter sur une bonne dose de chance aussi.
A travers cette rubrique baptisée "Mais qu'est devenu(e)... ?", nous vous proposons régulièrement de vous replonger dans une époque, une période, une filmographie, une histoire. Celle d'un comédien ou d'une actrice qui aura marqué le septième art de son empreinte avant de disparaître aussi vite qu'il ou qu'elle était venu(e).
Mais qu'est devenue... Linda Fiorentino ?
Il ne lui aura fallu qu'un rôle, incarné il y a vingt ans, pour devenir une icône du cinéma hollywoodien des années 90. A l'instar de Sharon Stone avec Basic Instinct, Linda Fiorentino aura marqué les esprits avec le rôle de Bridget/Wendy dans le sulfureux et venimeux Last Seduction dans lequel elle incarnait la femme fatale par excellence, pour un bijou de film noir encore dans toutes les mémoires.
Cette mémoire, c'est bien tout ce qu'il reste aujourd'hui de la formidable Linda Fiorentino.
Née le 9 mars 1958 à Philadelphie, en Pennsylvanie (États-Unis), Linda - qui fête donc aujourd'hui ses 58 ans - grandit dans la banlieue de cette immense cité située entre New York et Washington, et étudie sur les bancs du Rosemont College dont elle sort diplômée à la fin des années 70. Par la suite, passionnée par l'image et les techniques de prises de vues, elle étudie la photographie à l'International Center of Photography de New York City.
C'est à cette époque, à Manhattan, qu'elle gravite autour de cinéastes et de comédiens, et elle enchaîne alors les apparitions au cinéma dans quelques films remarqués.
Ainsi, en 1985, à tout juste 27 ans, on peut la voir dans pas moins de trois films : Vision Quest de Harold Becker avec Matthew Modine, Gotcha ! de Jeff Kanew avec Anthony Edwards, et surtout After Hours de Martin Scorsese avec Griffin Dunne et Rosanna Arquette où, en colocataire de cette dernière, elle s'impose en sculptrice avant-gardiste dans le Greenwich Village nocturne des années 80. Cheveux ébène coupés courts, peu farouche et totalement impudique, Linda affiche déjà un style bien à elle, sans compromis, qui lui vaudra de nombreuses embrouilles lors de la suite de sa carrière avec différentes productions qui la qualifieront d'actrice "difficile". Mais son talent et sa présence parlent encore pour elle à ses débuts et elle enquille alors les projets.
Après une participation dans la série Alfred Hitchcock présente, puis des rôles dans quelques téléfilms, Linda se voit proposer d'incarner le personnage qui allait la faire littéralement exploser. Nous sommes en 1994, elle a 36 ans, et le réalisateur John Dahl qui sort de deux petits bijoux de films noirs - Kill me Again et Red Rock West - prépare son nouveau polar, une histoire de couple, de magouilles et de sexe d'un cynisme inouï intitulée Last Seduction.
Véritable mante religieuse sans aucune morale et à la sexualité totalement débridée (certains dialogues crus sifflent encore aux oreilles des plus chastes), le personnage de Bridget Gregory (qui utilise le pseudo de Wendy Kroy - New York à l'envers - pour échapper aux recherches de son mari arnaqué) lui ouvre les portes de la notoriété. Son interprétation est tout bonnement exceptionnelle et elle livre l'une des performances féminines les plus marquantes depuis celle de Sharon Stone dans Basic Instinct.
Amoral jusqu'au dénouement final qui la voit se jouer de tous les hommes de son entourage en appuyant sur leurs points faibles sans aucun état d'âme, ce personnage devenu culte lui offre de nombreux prix à travers le monde comme l'Independent Spirit Award de la meilleure actrice, le London Film Critics Circle Award de l'actrice de l'année, ou encore le New York Film Critics Circle Award de la meilleure actrice.
Favorite des critiques et du public pour l'Oscar de la meilleure actrice en 1995, elle ne pourra même pas être nommée par l'Académie, Last Seduction ayant été diffusé sur l'antenne de HBO avant son exploitation en salles aux Etats-Unis, ce qui lui interdit de concourir pour les Oscars.
L'année suivante, elle surfe sur le succès de son image sulfureuse en jouant dans Jade, un nouveau thriller érotique réalisé par William Friedkin (L'exorciste) qui buzze dès le tournage puisqu'il s'agit du premier scénario de Joe Eszterhas depuis Basic Instinct. Mais le cocktail "scénariste le plus sulfureux du moment" + "actrice la plus sulfureuse du moment" déçoit beaucoup et débouche sur une petite série B sexy mais ratée. A l'instar de Sharon Stone qui avait explosé avec le film de Paul Verhoeven avant de se saborder avec Sliver l'année suivante, Linda suit le même chemin et l'avenir le confirmera.
Car par la suite, hormis un petit rôle sans vraiment d'importance dans le carton planétaire Men in Black, un autre dans le Dogma de Kevin Smith (qui lui vaudra une embrouille avec le réalisateur, ne souhaitant pas faire la promo du film pour un improbable problème d'affiche et se faisant qualifié par Smith d'actrice "taciturne"), puis un dernier dans Ordinary Decent Criminal, Linda s'éloigne lentement mais sûrement des plateaux de tournages, et ce n'est pas son médiatique procès (gagné) contre les producteurs de Till The End Of Time (où elle devait incarner Georgia O'Keefe et pour lequel elle avait refusé par avance d'apparaître nue alors que les scénaristes avaient prévu des scènes d'amour lesbien) qui viendra calmer le jeu de sa réputation d'actrice ingérable.
Ingérable mais géniale, c'est définitivement l'image qui s'impose quand on évoque Linda Fiorentino, absente du grand écran depuis près d'une quinzaine d'années - excepté pour Mémoires Suspectes et la main tendue de John Dahl (son réalisateur de Last Seduction) - et qui aujourd'hui, à 58 ans, reste l'éternelle Wendy Kroy d'un petit film noir devenu culte qui hante encore la plupart d'entre nous. N'est-ce pas Trish ?
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