Les succès de La Nuit du 12, L’Innocent, Virginie Efira et Benoît Magimel étaient attendus. Ils ont été au rendez- vous. Analyse.
Hier soir, le palmarès des César avait quelque chose du Hannibal Smith de L’Agence tous risques, celui qui n’aime rien tant que les plans qui se déroulent sans accroc. Les pronostics y ont été respectés et la plupart des favoris sont repartis avec les statuettes qui leur étaient promises, le vote des professionnels s’étant accordé avec les enthousiasmes de la critique et du public.
Nommé à dix reprises, La Nuit du 12 a ainsi été couronné par 6 trophées – film, réalisation, espoir masculin (Bastien Bouillon), second rôle masculin (Bouli Lanners), adaptation et son. Son réalisateur Dominik Moll avait déjà remporté la statuette du meilleur réalisateur pour Harry, un ami qui vous veut du bien en 2001 mais cette année- là, il s’était fait coiffer par Le Goût des autres en meilleur film. Le doublé dans les deux catégories reine – le trentième en 48 cérémonies depuis Monsieur Klein de Joseph Losey en 77, en sachant que ce cumul a été interdit entre 2016 et 2021 – résume la côte d’amour née de sa présentation à Cannes où son absence dans la compétition regrettée par beaucoup a finalement été un de ses meilleurs atouts.
Face à lui, voir En corps de Cédric Klapisch (honoré dans toute sa carrière une seule fois par l’Académie comme scénariste d’Un air de famille en 1997) et Novembre de Cédric Jimenez (qui avait déjà connu ça l’an passé avec Bac Nord) repartir sans statuettes en dépit de leurs respectives 9 et 7 nominations n’a pas non plus constitué une immense surprise. La marche était trop haute cette année et le seul qui paraissait pouvoir contrarier le triomphe de La Nuit du 12, L’Innocent, autre film présenté hors compétition sur la Croisette qui a rencontré son public, a su joliment sauver l’honneur avec les victoires de Noémie Merlant en second rôle et de Louis Garrel (et ses complices Tanguy Viel et Naïla Guiguet) en meilleur scénario, le premier qu’il co-écrivait sans son ami et mentor Jean-Claude Carrière disparu en 2021.
Côté actrices, on l’attendait et elle a été au rendez- vous. Célébrée pour Revoir Paris d’Alice Winocour (mais plus largement pour une année assez exceptionnelle, dont sa composition dans Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, LE grand absent des nominations), Virginie Efira a touché le Graal après quatre nominations infructueuses dans cette catégorie reine où avec Victoria, Un amour impossible, Adieu les cons et Benedetta, elle avait subi la loi respective d’Isabelle Huppert (Elle), Léa Drucker (Jusqu’à la garde), Laure Calamy (Antoine dans les Cévennes) et Valérie Lemercier (Aline). Mais 2023 marque l’année du couronnement mérité d’une comédienne aussi aimée par le grand public que les professionnels et même la critique la plus snob. Un parcours totalement unique en son genre qui l’a conduite de l’animation télé à cette consécration hier soir sur la scène de l’Olympia (doublée de sa présentation du César d’honneur à David Fincher en duo avec l’invité surprise du soir, Brad Pitt), tout ce qui sur le papier apparaît totalement impossible dans notre pays si épris de ses chapelles.
Et les rumeurs enthousiastes qui bruissent autour de son nouveau film, L’Amour et les forêts de Valérie Donzelli, laissent penser qu’elle pourrait être de retour l’an prochain dans cette salle de l’Olympia voire sur scène pour réaliser… ce doublé que vient de réaliser Benoît Magimel. Un doublé historique pour le héros de Pacifiction, déjà récompensé en 2022 pour De son vivant. Car jamais depuis 1976, un comédien ne s’était imposé de manière consécutive dans cette catégorie. Magimel est en ce moment au sommet de son art et n’a sans doute jamais autant été aimé et capable de recevoir cet amour. Sa victoire de ce soir rend encore plus saugrenue son absence au palmarès cannois en main dernier.
En fait dans ce palmarès qui a vu aussi triompher Saint Omer en premier long métrage, Nadia Tereszkiewicz en meilleur espoir féminin pour Les Amandiers, As Bestas en film étranger, Simone, le voyage du siècle en décors et costumes, A plein temps en musique (le premier César de cette catégorie remportée par une femme, Irène Drésel) et montage, Notre- Dame de Paris d’Annaud en effet spéciaux, les seules vraies surprises sont venues du film d’animation et du documentaire. Le remarquable Une femme afghane a en effet triomphé du duo de favoris Ernest et Célestine / Le Petit Nicolas. Et face à Allons enfants ou Jane par Charlotte, peu auraient parié sur la victoire de Retour à Reims (fragments) de Jean-Gabriel Périot (déjà nommé en 2016 pour Une jeunesse allemande, battu cette année- là par Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion), une histoire intime et politique du monde ouvrier français du début des années 50 à aujourd’hui qui trouve forcément un écho avec le climat social actuek et qui a permis par ricochet de récompenser… Adèle Haenel, voix-off de ce documentaire, déjà doublement primée pour Suzanne et Les Combattantes mais dont la sortie de salle lors du triomphe de Polanski voilà trois ans reste évidemment dans toutes les mémoires et avait ouvert, comme élément déclencheur d'un changement de direction, une nouvelle ère dans l’histoire de la cérémonie. La preuve que les absents n’ont pas toujours tort.
César 2023 : le palmarès complet
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