Metropolitan FilmExport

Il ne devait pas venir, ce fut la star du show. Sylvester Stallone était présent à Paris, la semaine dernière, en compagnie de ses complices mercenaires et testostéronés. Malgré la disparition tragique de son fils, celui qui s'était battu pour s'imposer dans le rôle-titre de Rocky en 1976, le has been ressuscité à la force de ses biceps dans Rocky Balboa et John Rambo, est venu présenter Expendables 2. Il ne pouvait pas abandonner le combat et devait être fidèle à sa légende. L'underdog ne serait pas KO, l'expendable ne se sacrifierait pas…

Expendables 2 : Van Damme est extraordinaire dans le rôle du méchant (critique)

Un cinquième Rambo

Vendredi 10 août. La clim est à fond à l'hôtel George-V car le soleil tape fort (comme un Expendable) sur les Champs-Elysées. A l'extérieur la meute des fans est là, massée en attendant les papys bodybuildés. A l'intérieur, les journalistes se pressent dans le salon décoré aux couleurs (sombres) du film de Simon West. On attend quatre légendes bodybuildées, quatre mythes qui ont défini le cinéma d'action des 80's. Des dinosaures ? Pas seulement, car depuis quelques années, Sly tente justement de rappeler que leur idéal de cinoche bourrin était aussi une forme d'art authentique dont les codes pourrait encore servir aujourd'hui.   

La conférence de presse qui devait initialement débuter à 12h45 commence avec 30 minutes de retard. On en a profité pour laisser traîner nos oreilles, entendre quelques journalistes répandre des analyses éclairées (ou pas) sur le cinéma de la Cannon et dispenser quelques rumeurs glanées au cours des interviews précédant la conférence. On apprend ainsi que Stallone aurait confié être en train de plancher à un cinquième volet de Rambo… Remous dans la salle, agitations des attachés de presse. Ils arrivent : Dolph Lundgren (le plus grand des quatre), Schwarzenegger et Van Damme sont vêtus de costumes gris et de chemises claires. Stallone, en leader, se démarque avec son costume blanc et sa chemise noire. C'est évidemment à lui que s'adressera la première question.

Qui est ce petit garçon devenu une star internationale ?

"L'énergie atomique est moins compliquée que les femmes"

Règle numéro 1 : la qualité d'une conférence de presse ne se mesure pas à la pertinence des questions. La preuve : "Comment gérer autant de fortes têtes sur le tournage ?" demandera un collègue bien intentionné (oubliant au passage que c'est Simon West et non Stallone qui a réalisé Expendables 2) ? Ce qui n'empêche pas Sly de répondre. "Sur le plateau, tous les acteurs étaient des athlètes", remarque l'acteur. "Ils ont l'esprit de compétition chevillé au corps". Allez comprendre… Une journaliste enchaîne en posant la question qu'il faut sur le rapport de nos mercenaires à la gente féminine. Pourquoi est-ce que les mercenaires d'Expendables 2, qui peuvent dealer avec des terroristes surarmés et des bombes nucléaires, ont autant de mal avec les nanas ? Réponse synthétique de Stallone : "l'énergie atomique est moins compliquée que les femmes". Pendant ce temps, Van Damme est concentré sur son bloc de papier sur lequel il trace des lignes. Schwarzy, cigare (éteint) au bec, écoute et ne quitte pas son sourire équivoque. Lundgren observe…

Le muscle, c'est la vie

Mais lorsque tombe la question sur l'héroïsme, tout le monde intervient. Comment définir cette notion et surtout quelle différence entre le héros et le guerrier ? "Le héros est un compétiteur. Il se bat pour qu'on se rappelle de lui", explique doctement Stallone. Faut-il y voir une façon déguisée de dresser son autoportrait - lui qui a souvent dû se battre pour imposer ses projets et se rappeler au bon souvenir des producteurs et du public ? Il n'en dira pas plus, mais le premier Expendables (un peu moins celui-là) fonctionnait clairement comme un autoportrait, portraits nostalgiques de types brisés, laissés au bord du chemin, et qui pourtant en ont encore sous le capot… Sur le sujet, l'ancien gouverneur Schwarzie est un peu plus fleuri : "accomplir l'impossible, le rendre possible, comme disait Mandela. Le héros devient héros en tuant le méchant". Sic. Van Damme est plus sage : "un héros se bat pour ce qu'il croit... Même si il a peur de se battre, il se bat quand même. C'est parce qu'il a peur et qu'il se bat qu'il est un héros". Enfin, quelqu'un s'interroge sur le secret de leur forme physique. N'est-ce pas trop dur, à leur âge, de continuer le fitness ? Dolph rigole en disant que cela fait partie de sa vie, d'ailleurs il doit se magner car il a muscu dans cinq minutes. "Non, sérieusement, il faut que je me dépêche !" Schwarzenegger, de son ton posé, explique que "l'exercice physique rend accro" et se félicite que les acteurs des films d'action comme eux ont fait beaucoup pour répandre la bonne parole du muscle saillant. "Il y a 40 ans, on ne trouvait aucun équipement de fitness dans les hôtels : aujourd'hui, c'est devenu indispensable et c'est grâce à nous", se satisfait l'ex-Monsieur Univers qui a toujours été un businessman dans l'âme. "L'exercice physique, c'est comme manger, dormir, faire l'amour : c'est la vie", conclut-il.

Van Damme dessinateur

Soudain, JCVD brandit son bloc de papier sur lequel il griffonnait depuis le début, montrant des caricatures de Schwarzenegger exagérément musclé. "Voilà à quoi il ressemble quand il fait du sport" ! Puis une autre représentant un bonhomme filiforme. "Et voilà quand il n'en fait pas !" Et Van Damme de se vanter de vendre aux enchères les dessins dans un but humanitaire... C'est fini. Quatre acteurs, autant de réponses en anglais à chaque question, qui doivent être traduites par l'interprète : la demi-heure de conférence a filé à toute allure. Le temps d'une courte séance de dédicaces avec le public et ils disparaissent  derrière le panneau Expendables 2. Pas le temps de parler à Sly de la suite de Rambo, des remakes/suites dans lesquels JCVD est impliqué (Bloodsport), ou du retour au cinoche de Schwarzie (The Last Stand, par exemple). Pas le temps non plus de parler cinq minutes avec le notoirement cool Dolph Lundgren.

Jean-Claude Van Damme : "Stallone, il a des yeux dans les fesses"

Tatouages de fans

En sortant de l'hôtel, on tombe sur les fans qui attendent calmement de voir une de leurs idoles. L'occasion est trop belle pour ne pas les interroger sur leur relation entre eux et Schwarzie et Stallone. Que ce soit Stallone, Schwarzenegger ou Van Damme, ils les admirent tous pour la même raison : partis de rien, arrivés au sommet de la gloire et de la fortune, idoles tataneuses, incarnations du self made man, ils symbolisent le rêve américain dans ce qu'il a de plus viril. Un cliché qui touche toujours, d'autant plus qu'il est simple et efficace. Un homme aux yeux fous nous retrace l'admirable parcours de Schwarzie, de simple culturiste à gouverneur de Californie. Il nous explique qu'à ses yeux, Arnold est "le meilleur businessman depuis le tremblement de terre de 1971" [NDLR : en février 1971, le tremblement de terre de San Fernando a ravagé Los Angeles. Schwarzenegger en profita pour faire fortune grâce son entreprise de maçonnerie installée à LA depuis 1968 et qui dut faire face à une grosse demande]. Dans son admiration pour Stallone, "y a pas que les muscles", nuance-t-il. Il est fasciné par "sa sensibilité d'acteur. Rocky, y aurait jamais eu de suites si ça avait été Clint Eastwood dans le rôle". L'homme admire également Van Damme, parti de rien et qui a gagné son premier rôle en faisant la démonstration de son fameux high kick à la face d'un producteur, quelque part dans les années 80. "Arriver à un entretien, mettre un coup de pied fouetté et gagner le rôle, c'est très fort...". A l'abri du soleil dans un relais de taxis proche, un couple de trentenaires venus de l'Isère ("on est venus en train de Lyon : 1h50, c'est pratique !") argumente. Lui adore Schwarzenegger, elle est plutôt Stallone ("pour son côté artistique, il écrit des scénarios, il réalise..."). Le pire Schwarzenegger, selon lui, reste Junior, le film d'Ivan Reitman où il se retrouve enceint. Tiens, on l'avait oublié celui-là… Enfin, un jeune homme venu de Liège exhibe fièrement ses tatouages, l'un représentant Rocky Balboa, l'autre le symbole des Expendables. Il attend en plein cagnard de voir son idole depuis 9h30 ce matin. Il est près de 14h30. "Et encore, hier soir on a fait la queue six heures pour avoir une bonne place au Grand Rex, devant la scène", précise-t-il. Ses parents rigolent et lui amènent un menu de fast food et à boire. "Arrête ! ou ma mère va tirer, c'est le pire Stallone", rigole-t-il. "Il n'est pas bon dans la comédie". Et Demolition Man, lui fait-on remarquer ? "C'est différent. Y a quand même de l'action". En le quittant, il n'aura toujours pas aperçu son idole. Il repartira dans la soirée en Belgique. Pour rien au monde, il n'aurait raté l'expendable... 

Sylvestre Picard