Pourquoi l’acteur est-il passé à la réalisation ?Parce qu’être acteur, c’est être dans l’attente du désir des autres. J’ai quitté l’école à 14 ans. Je me suis posé des questions sur moi-même et j’ai couché sur papier l’histoire de ma vie. Cela a donné L’Envol, mon premier film. La trentaine de récompenses obtenues dans le monde m’a donné l’envie de continuer. J’ai un caractère de bâtisseur, je suis à ma place lorsqu’il faut se battre pour des projets dont je suis convaincu.Et à la mise en scène de théâtre, d’opéra ?Je trouve ça formidable de pouvoir alterner le cinéma, le théâtre et l’opéra. Le cinéma, c’est le réel et l’éternité, le théâtre, le moment présent, l’opéra, le lyrisme et le battement du cœur. Pouvoir travailler dans ces trois branches, c’est le luxe suprême.On peut parler d’une belle histoire entre Francis Huster et vous ?Elle a commencé il y a longtemps et bizarrement. Pour faire court, j’étais à Rungis où je gagnais ma vie en transportant des tonnes de viande. On me dit que pour devenir comédien, il n’y a qu’une chose à faire : la classe libre du cours Florent. Je me rends aux auditions. Dans le couloir, je croise une fille à qui je demande de me donner la réplique. C’est Cristiana Reali. On commence. Huster et Florent avaient décidé de parler durant le passage des élèves, histoire de les déstabiliser. Je prends cela pour un manque de correction. Enervé, je sors un flingue et je tire deux balles dans le plancher.Ce qui a dû faire son effet !Florent est tombé dans les pommes et on m’a jeté dehors. N’empêche que, deux jours après, Francis me téléphone et m’apprend que je suis admis. Je l’ai choisi pour L’Envol, alors qu’à l’époque personne ne voulait de lui. Je l’ai mis en scène au théâtre dans Bronx, Le Journal d’Anne Frank et aujourd’hui dans L’Affrontement. On avance ensemble comme deux amis, comme deux frères.Et vous faites ensemble La Flûte enchantée.Je trouve cela intéressant de travailler à deux sur l’opéra. Il y a 80 personnes sur scène. Francis s’occupe du pourquoi et moi du comment. Il se charge de la tête et moi des jambes. Les solistes trouvent que l’on forme un couple improbable et imbattable.Comment attaque-t-on à deux un Mozart ?En regardant et en écoutant tout ce qui a été créé… Francis a adapté le livret pour le rendre accessible à des gens qui n’ont jamais vu d’opéra, en toute humilité.L’humilité ! C’est ce que l’on trouve dans L’Affrontement, la pièce de Bill C. Davis ?J’adore cela. La pièce parle des choix de vie et du chemin qu’on parcourt. Après Anne Frank, c’était bien d’aller dans une église. Ce sont neuf tableaux sur la foi qui racontent comment devenir ce qu’on est, rester qui on est. Il s’agit d’une quête entre le bien et le mal, ce qu’on connaît tous, parce que l’homme est composé des deux. C’est un affrontement humain entre deux êtres qui se confessent et se comprennent. C’est une transmission à l’envers, car c’est le jeune qui apprend à l’ancien. Le trio, la pièce et les deux comédiens, fonctionne.Votre mise en scène, aussi !Moi, j’accompagne. Je boulonne. Je suis un mécanicien.C’est si bien huilé, que ça roule pour le public !C’est vrai qu’il termine debout ! Il passe du rire à l’émotion. On refuse régulièrement du monde, en ce moment c’est un luxe. La pièce a été écrite il y a vingt ans et elle est plus actuelle que jamais.Et l’acteur dans tout ça ?Je viens de terminer Young Perez de Jacques Ouaniche, avec Brahim Asloum, ancien champion de boxe, et Davy Sardou. Le film sort en octobre et raconte l’histoire de deux frères qui naissent en Tunisie et meurent à Auschwitz. Cela faisait huit ans qu’on ne m’avait pas proposé de rôle au cinéma. La France est le pays des étiquettes, donc si tu es derrière la caméra, c’est que tu n’as plus besoin d’être devant. Dans cette période où on est perdu, aller au ciné, au théâtre, au concert donne une force énorme pour s’élever. On fait un métier magnifique.
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