Lord of War : les secrets d'un générique explosif
SND

Impossible d'oublier le générique choc du film d'Andrew Niccol, diffusé ce soir sur M6 en deuxième partie de soirée.

"On estime à environ 550 millions le nombre d’armes à feu actuellement en circulation, autrement dit, il y a 1 homme sur 12 qui est armé sur cette planète. La seule question c’est : 'Comment armer les 11 autres ?'". Ce sont ces mots qui ouvrent le Lord of War d'Andrew Niccol, sorti en salles en 2005, et par lesquels le marchand d'armes sans scrupule Yuri Orlov présente son funeste travail. Le film revient ce soir sur W9.

Campé par un Nicolas Cage en pleine forme, aussi glaçant que fascinant, Yuri Orlov est le symbole d'un marché des armes clandestin complètement hors de contrôle, au centre de la dénonciation virulente qu'en fait le cinéaste. Sous couvert d'un personnage bigger-than-life inspiré par plusieurs véritables trafiquants d'armes, principalement par le véritable "Lord of War" Viktor Bout, marchand d'armes russes condamné à 25 ans de prison en 2012, Niccol dresse le tableau d'une situation à laquelle il devait être urgent de remédier.

Lord of War ne manque donc pas de phrases choc ("La Kalachnikov est le produit russe le plus exporté après la vodka, le caviar et les ecrivains suicidaires"), ni de séquences coup de poing, mais peu ont autant marqué les mémoires que les toutes premières minutes du film et son générique glaçant, surnommé Life of a Bullet, et dans lequel on peut suivre toutes les étapes de la conception d'une balle, de sa fabrication en usine à son impact mortel, en passant par tous ses intermédiaires. Un exemple parfait de storytelling en trois minutes, qui retrace la "vie" d'une balle de fusil à travers les différents trafics et champs de guerre à travers le monde.

 

 

Une machine de précision numérique

Cocorico, cette séquence de générique est l'œuvre d'un studio français, l'E.S.T. (Étude et Supervision des Trucages). Pour arriver à ce résultat à l'écran, les équipes d'effets visuels supervisées sur le film par Yann Blondel ont dû essentiellement travailler à partir d'images composées et générées par ordinateurs ainsi qu'avec des techniques d'imagerie à grande gamme dynamique (ou HDRI). Une nécessité pour des plans aussi complexes et minutieux à créer, mais qui ont à l'époque créé quelques problèmes supplémentaires, comme l'expliquait Blondel au site MaxDiamondHead en 2007.

"Tout ce qui est à l'intérieur de la machinerie est en images de synthèse jusqu'à ce que l'on ressorte sur le tapis roulant. Le tapis roulant et les balles le sont aussi. Mais toutes les images en arrière-plan ont également dû être reconstruites en images de synthèse car la caméra bougeait un peu trop, et nous voulions que la balle conserve une trajectoire parfaitement droite. Sur les plans où l'on voit la balle être prise à la main, l'acteur et sa main ont été filmés contre un fond vert puis incrustés dans un arrière-plan en images de synthèse".

La grande complexité des mouvements opérés par la balle au cours du générique ont contraint les équipes de l'E. S. T. à devoir sans cesse jongler entre prises de vues réelles, fonds verts et images numériques : "Lorsque le coffre arrive en Afrique, c'est encore une autre histoire. On a été obligé de tout refaire en images de synthèse lorsque la balle tombe et roule sur le sol. On avait réussi à tourner un bon mouvement, mais on n'arrivait pas à bien se positionner par rapport au sol. On a dû recréer tout l'arrière-plan en images de synthèse, juste à cause de quelques centimètres !"

L'ironie tragique de la guerre

Aujourd'hui, si ces effets numériques (y compris d'accélération et de ralentissement des plans) peuvent avoir un peu vieilli, ils participent encore pour beaucoup de l'effet ironique de ce générique. En trois minutes, il résume l'esprit du film d'Andrew Niccol, qui expose avec souvent beaucoup d'humour grinçant, tous les rouages des trafics d'armes clandestins à travers la planète. L'utilisation à contre-emploi du très pacifique For What It's Worth de Buffalo Springfield, protest song emblématique des opposants à la guerre du Vietnam et hymne de la contre-culture écrit à l'époque des émeutes entre hippies et policiers sur la Sunset Strip des années 60, y est évidemment pour beaucoup.

Dans son analyse du générique de Lord of War, le site Art of the Title pointe une comparaison inattendue mais pourtant formellement très ressemblante entre le générique du film et ceux de la série des Y a-t-il un flic ?, classiques parodiques du trio Zucker – Abrahams – Zucker. Dans les trois premiers volets de la saga des Naked Gun (eux-mêmes inspirés de la série Police Squad, qui avait introduit le gimmick), on peut suivre tout au long du générique le trajet d'un gyrophare de police, un trajet qui finissait généralement dans des situations absurdes (au sommet d'une montagne russe, sur un patinoire de hockey ou même à la surface de l'Étoile Noire).

Cette comparaison est à l'image du générique dans son ensemble, qui fait appel à un sens de la référence pop appuyé, entre l'esthétique et les images numériques des first-person shooters et le plan final filmé de l'intérieur du canon d'un fusil rappelant le "gun barrel shot" signature de tous les James Bond. Un générique clinquant, pop et virtuose, qui n'éclipse cependant jamais la cruauté de la réalité qu'il dépeint. Un générique à l'image de Yuri Orlov.

L'histoire de Lord of War : Né en Ukraine avant l'effondrement du bloc soviétique, Yuri arrive aux États-Unis avec ses parents. Il se fait passer pour un émigrant juif... Audacieux et fin négociateur, il se fait une place dans le trafic d'armes. Les énormes sommes d'argent qu'il gagne lui permettent aussi de conquérir celle qui l'a toujours fasciné : la belle Ava. Parallèlement à cette vie de mari et de père idéal, Yuri devient l'un des plus gros vendeurs d'armes clandestins du monde. Utilisant ses relations à l'Est, il multiplie les coups toujours plus risqués, mais parvient chaque fois à échapper à Jack Valentine, l'agent du FBI qui a juré sa perte...