Tu ne tueras point de Mel Gibson
Le premier film de Mel Gibson en tant que réalisateur depuis Apocalypto (2006) est un furieux mélo guerrier dont le succès public et critique a permis à Mad Mel de faire un come-back à Hollywood. La preuve par six nominations aux Oscars...Ce qu'il peut avoir : Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur pour Andrew Garfield. Trois nominations techniques complètent la feuille de score (Meilleur montage, Meilleur montage sonore et Meilleur mixage sonore).Ce qu'il risque d'avoir : Ca ne s'annonce pas terrible : malgré son talent Andrew Garfield est mal parti face aux poids lourds concurrents (Denzel Washington et Casey Affleck sont largement en tête des pronos), le nom de La La Land paraît déjà gravé sur la statuette du Meilleur film... Restent donc les récompenses techniques (facultatives au film puisque le come-back de Gibson est déjà entériné) mais Premier contact semble mieux placé d'avoir ces lots de consolation.Ce qu'on aimerait qu'il ait : Meilleur réalisateur pour Mel Gibson, c'est possible ? La catégorie est très disputée entre jeunes génies (Damien "La La Land" Chazelle), chouchous Première made in Québec (Denis "Premier contact" Villeneuve), favoris de l'Académie (Barry "Moonlight" Jenkins et Kenneth "Manchester" Lonergan). Mais voir Gibson repartir avec son deuxième trophée de Meilleur réal depuis le carnage d'un certain Braveheart en 1996 nous ferait tellement plaisir qu'on le laisserait faire Suicide Squad 2 (oui, c'est officiellement en cours) après avec plaisir.
Premier contact de Denis Villeneuve
Ce film d’anticipation, dans lequel Amy Adams joue une linguiste chargée de comprendre le langage extra-terrestre, a divisé notre rédaction mais demeure une vraie proposition de cinéma. Le fait qu’il ait séduit l’Académie est une victoire en soi.Ce qu’il peut avoir : potentiellement huit statuettes, dont les très convoitées du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur. Le film concourt aussi pour la Photo, le Scénario (adaptation), le Montage, le Montage Son, le Mixage Son et les Décors.Ce qu’il risque d’avoir : Ses chances de remporter un Oscar majeur sont, soyons clairs, quasiment nulles. Impossible pour lui de taquiner les favoris La La Land et Manchester by the sea. Ce n’est même pas un outsider -titre réservé à Moonlight ou aux Figures de l’ombre. Bref, un Oscar technique serait sans doute le bout du monde. On parie sur celui du Mixage Son.Ce qu’on aimerait qu’il ait : L’absence d’Amy Adams dans la liste des nominées est un scandale. Avec un peu plus d’audace, les votants auraient pu lui accorder sa chance à la place de Meryl Streep, en lice pour la centième fois.
Comancheria de David McKenzie
Un western moderne où deux frères braquent des banques pour rembourser… leur banque.Ce qu’il peut avoir : Hell or High Water, en VO, est nommé dans trois catégories principales et une dite technique : meilleur film, acteur dans un second rôle (Jeff Bridges), scénario original (Taylor Sheridan) et montage (Jake Roberts).Ce qu’il risque d’avoir : Pas grand-chose, malheureusement. C’est déjà une victoire en soi que ce petit film indépendant soit nommé à l’Oscar principal, mais son montage reste moins marquant que ses dialogues ciselés, et Jeff Bridges a peu de chance face à Mahershala Ali (parfait dans Moonlight) ou Michael Shannon (déjanté dans Nocturnal Animals). A côté, Jeff Bridges fait sourire à force d’en faire des tonnes, mais on aurait franchement préféré voir l’un des frangins (Chris Pine et surtout Ben Foster) en lice pour une statuette.Ce qu’on aimerait qu’il ait : Reste son scénario impeccable, qui risque cependant d’être éclipsé par la tornade La La Land. Au-delà de la mise en scène et de l’interprétation, Comancheria est avant tout parfaitement écrit. Ce serait en plus une belle revanche pour Taylor Sheridan, injustement oublié l’an dernier pour Sicario.
Fences de Denzel Washington
Un grand drame sur la condition noire dans les années 1950, adapté par Denzel Washington d’une pièce du dramaturge August Wilson (La leçon de piano), qu’il a déjà jouée sur les planches. Un huis-clos au texte fort mais sentencieux, cannibalisé par un Denzel (trop) habité par son rôle.Ce qu’il peut avoir : 4 Oscars. Meilleur film, meilleur acteur pour Denzel Washington, meilleure actrice dans un second rôle pour Viola Davis, meilleur scénario adapté pour August Wilson (à titre posthume, l’auteur ayant adapté sa propre pièce avant de mourir en 2005).Ce qu’il risque d’avoir : On l’imagine mal remporter l’Oscar du meilleur film, d’autant qu’il s’agit ici d’une adaptation de pièce de théâtre avec un tel souci de fidélité à l’œuvre d’origine que Denzel en a un peu oublié d’y mettre du cinoche. En revanche, il a tout donné pour son rôle, celui d’un Noir working-class blessé par la vie, patriarche sentencieux, séduisant mais tyrannique, et bouffe entièrement le film. L’Académie pourrait bien aimer ça. Washington a déjà reçu 2 Oscars, du meilleur second rôle en 1989 pour Glory et du meilleur acteur en 2001 pour Training Day. Ce qui est presque acquis, c’est l’Oscar du meilleur second rôle pour Viola Davis. En deux scènes – deux séquences de respiration où l’émotion explose enfin -, l’actrice donne une véritable leçon d’acting. Quant au scénario adapté, l’Académie pourrait décider de distinguer August Wilson à titre posthume, dramaturge important à l’œuvre imposante, mais Moonlight, également adapté d’une pièce, à la structure elliptique plus remarquable, est un concurrent très sérieux.Ce qu’on aimerait qu’il ait : L’Oscar pour Viola Davis, plutôt deux fois qu’une.
Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan
Le magnifique drame de Kenneth Lonergan a été l’un des gros chouchous de la critique en 2016 (dont Première, qui l’a classé troisième de son Top 10). Une réception dithyrambique qui marquait la résurrection de son auteur, après la post-production douloureuse de son deuxième long, Margaret, tellement chaotique qu’elle aurait pu mettre un terme à sa carrière.Ce qu’il peut avoir : nommé six fois, Manchester by the Sea concourt dans plusieurs des catégories reines : Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Casey Affleck), meilleure actrice dans un second rôle (Michelle Williams), meilleur acteur dans un second rôle (Lucas Hedges), meilleur scénario (Lonergan).Ce qu’il risque d’avoir : L’Oscar du meilleur acteur sera sans doute l’un des prix les plus disputés de la soirée, les bookmakers s’écharpant pour savoir qui de l’acteur-réalisateur de Fences (Denzel Washington en majesté) ou de l’interprète principal de Manchester… (Casey Affleck, dans son plus beau rôle depuis L’Assassinat de Jesse James) finira sur le podium. Kenneth Lonergan, lui, est a priori assuré de repartir avec l’Oscar du scénario original, catégorie certes assez disputée (Comancheria, The Lobster…) mais dans laquelle le script de Manchester… se distingue par sa finesse émotionnelle et la sophistication de sa construction.Ce qu’on aimerait qu’il ait : Meilleur scénario et meilleur acteur pour Casey Affleck, ça nous va très bien. Michelle Williams n’a pas beaucoup de chances face à Viola Davis, mais elle aurait elle aussi mérité une statuette pour sa performance totalement déchirante.
Lion de Garth Davis
Distribué par la Weinstein Company, Lion, cette « incroyable histoire vraie » est un efficace tire-larmes, mais sans véritable personnalité (ni beaucoup de cinéma dedans).Ce qu’il peut avoir : De manière assez surprenante, au rayon nominations, Lion a réussi à se tailler la part du… heu, lion, en en récoltant pas moins de six : meilleur film, meilleur acteur dans un second rôle (Dev Patel), meilleure actrice dans un second rôle (Nicole Kidman), meilleur scénario adapté, meilleure photo, meilleure musique.Ce qu’il risque d’avoir : Malgré le soutien d’Harvey Weinstein, l’un des plus gros « rainmakers » de l’industrie, Lion n’est en tête des pronostics dans aucune catégorie. Il pourrait éventuellement se frayer un chemin vers le podium dans la catégorie meilleur scénario adapté, la force du film étant avant tout son hallucinante histoire (vraie).Ce qu’on aimerait qu’il ait : Pour être honnête, pas grand-chose. Le film est objectivement l’un des plus faibles de la compète, beaucoup moins marquant que les favoris La La Land ou Manchester by the Sea. Ceci dit, on aime bien la photo du chef op’ Greg Fraiser (Bright Star, Foxcatcher, Rogue One). Mais c’est quand même moins puissant que le travail de Rodrigo Prieto sur Silence…
Les Figures de l’ombre de Theodore Melfi
L’ « extraordinaire » histoire de trois scientifiques noires de génie qui contribuèrent au programme spatiale américain à une époque où, même à la Nasa, les femmes noires avaient encore leurs toilettes réservées. Une comédie dramatique appliquée, édifiante et très feel-good, qui a fait un carton (mieux que La La Land) outre-Atlantique.Ce qu’il peut avoir : 3 Oscars. Meilleur film, meilleur scénario adapté, meilleure actrice dans un second rôle pour Octavia Spencer.Ce qu’il risque d’avoir : Difficile à dire. Le film est un grand carton populaire (plus que critique) aux Etats-Unis, mais on ne l’imagine pas rafler l’Oscar du meilleur film à La La Land – il n’en a certainement pas l’étoffe. Celui du meilleur second rôle est quasi pré-réservé pour Viola Davis. Reste le scénario, une histoire « extraordinaire » comme l’étalent les affiches et le synopsis, édifiante et plaisante, qui mêle droits civiques, girl power et conquête spatiale. Mais sur le terrain de l’incroyable mais vrai, Lion est un sérieux concurrent.Ce qu’on aimerait qu’il ait ? Joker.
La La Land de Damien Chazelle
Ils se rencontrent sur un échangeur d’autoroute, s’aiment et se quittent sur un air de piano. Pas besoin de vous refaire un dessin.Ce qu'il peut avoir : « Impossible de ne pas aimer ce film ! ». « Le meilleur film de l’année ». Si les votants écoutent les colonnes Morris et le buzz qui court depuis Toronto, avec ses 14 nominations, le film est non seulement favori, mais devrait égaler le record de Titanic. Dans l’ordre, La La Land concourt dans les catégories : réalisateur, film, acteur, actrice, scénario (les Big Five), meilleure bande originale, meilleure chanson (deux fois), meilleure photo, meilleur mixage son, meilleur montage, meilleur production design, meilleur montage son et meilleur costume.Ce qu'il risque d'avoir : Vu le nombre de nominations accordées par l’Academie, ce serait presque incompréhensible que La La Land ne reparte pas avec l’Oscar du meilleur film (et le précédent de The Artist – nostalgie hollywoodienne + relecture postmoderne - est dans toutes les têtes). Evidemment, on ne voit pas non plus comment la meilleure musique originale, le meilleur mixage son (catégorie déjà remportée par Chazelle avec Whiplash), le meilleur montage (il suffit de voir le nombre de vidéos youtube qui reviennent là-dessus), la meilleure chanson (deux tubes du films nommés dans la catégorie), le meilleur production design (L.A. comme vous ne l’avez jamais vu) et le meilleur montage son pourraient lui échapper. 7 oscars quasiment assurés ! Pour la meilleure photos, les chances de Moonlight sont élevées, même si le finale est un morceau de cinéma bariolé, pop et incroyablement éclairé dont la beauté reste vivace des semaines après la séance. Pareil pour le meilleur costume traditionnellement réservé aux films historiques. Mais les robes de Mia sont époustouflantes. La La Land peut-il battre le scénario de Manchester by the sea écrit par Kenneth Lonergan ? Les Golden Globes ont tranché en faveur de Chazelle, mais ici, les paris restent ouverts.
Restent les catégories reines : même si Isabelle Huppert est devenue au cours des dernières semaines une rivale de plus en plus crédible d’Emma Stone, les chances restent du côté d’Emma. Sa voix, un peu éraillée, et ses yeux qui grandissent et rétrécissent à volonté devraient suffire à la faire triompher. Ce qu’elle fait dans la séquence de casting, au tout début du film (crescendo d’émotion, vibrato de larmes, trémolo de cils) mérite en soi la statuette. C’est moins évident pour Ryan Gosling écrasé par sa partenaire, surtout qu’il a face à lui Denzel impérial et Casey émouvant. Quant à la catégorie du meilleur réalisateur, il suffit de voir la manière dont Chazelle réussit à marier le divertissement irrésistible et le geste artistique majeur, fluide, évident malgré sa complexité, pour savoir que l’Academie n’a pas beaucoup le choix…
En tout, le film risque d’avoir 9 statuettes.Ce qu'on aimerait qu'il ait : La nouvelle mélodie du bonheur marquait-on sur la couverture du magazine Première de janvier-février ; on ne va pas se dédire à quelques heures de la cérémonie. Ce serait un scandale si le film ne repartait pas avec la statuette de meilleur réalisateur, de la meilleure actrice, de la meilleure chanson, du meilleur montage son et de la meilleure photo. Mais cela aurait assez de panache que La La Land réussisse à égaler le record de Titanic, de Ben-Hur ou du Seigneur des Anneaux avec 11 Oscars. La comédie musicale de Chazelle rentrerait dans l’histoire.
La La Land, Moonlight, Les Figures de l'ombre... On évalue les chances des principaux nommés.
Si le mystère ne peut que demeurer jusqu'à la dernière minute, certains indicateurs permettent quand même d'évaluer les chances de chacun des nommés aux Oscars de remporter une ou plusieurs statuettes.
On évalue celle des neuf principaux concurrents de la course aux Oscars 2017.
Commentaires