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Au moment où les premières critiques de 007 Spectre tombent outre-Atlantique, Sam Mendes défend sa vision de la mythologie bondienne. Un avant goût d'un entretien à retrouver dans le hors série Première consacré à 007 Spectre en kiosque dès lundi 26 octobre.

"Inégal", "rouillé" ou "intelligent" : le nouveau James Bond divise la critique

Votre Bond est très loin du canon originel. Des aventures exotiques et colorées, on est passé à une odyssée freudienne très sombre
« Odyssée freudienne » ! J’adore cette expression ! Bond est une mythologie, au même titre que certains personnages de Homère ou de Shakespeare. C’est le dernier mythe, à la fois très contemporain et très daté – le personnage a plus de 50 ans d’existence et tu te dois d’en tenir compte. Le problème avec les Bond les plus récents, c’est qu’on essayait de lui faire réintégrer le monde contemporain. D’en faire un rival de Bourne, si vous voulez. Mais vous ne croiserez pas Bond dans la rue. Il existe dans son propre univers, avec sa propre énergie. Il vaut mieux le voir comme une figure littéraire. Dans un Bond, il est hors de question de nommer un politicien précis, une figure publique connue, une organisation terroriste identifiée. On ne doit pas toucher le monde réel de manière trop spécifique.

J’ai l’impression que, en lui donnant une épaisseur psychanalytique, vous contribuez à figer votre Bond ?  
Je vous arrête tout de suite. Ce n’est pas MON Bond, c’est celui de Daniel Craig. 007 est différent depuis que Daniel en a pris le contrôle. Chaque Bond se définit moins par ce que les réalisateurs amènent (même quand ce sont des « auteurs »…) que par ce que les acteurs véhiculent. Dans trois ans, vous serez peut être en train d’interroger un réalisateur à propos de son Bond de 21 ans. Chaque interprétation est une variation sur la mythologie, une création. Regardez les films. Certains sont vraiment géniaux. Les premiers Sean Connery comme GoldfingerBons baisers de Russie : le personnage est riche et compliqué, il évolue sur le plan émotionnel. Mais quand tu arrives à Moonraker, Bond n’est plus qu’un ciment, une colle qui tente de lier ensemble des décors exotiques somptueux, des filles sublimes et des super méchants. Il ne lui arrive rien, il ne grandit pas. C’est ce qui l’a longtemps caractérisé : il reste inchangé alors que le monde autour de lui évolue. C’est ce personnage hautain, supérieur, qui résout tout avec une blague… Il était temps que ça change.

Certains vous ont justement reproché de Nolaniser Bond. Vous répondez quoi ?
Que j’adore le travail de Chris Nolan et que je n’ai aucun problème à ce qu’on compare Skyfall ou Spectre à ses Batman. Je ne prends pas ça péjorativement ; ce qui me fascine, c’est que les gens l’aient suivi alors que ses films sont très durs. C’est extraordinaire. De fait, Skyfall était très sombre pour un Bond. 007 était à la poursuite du vilain, mais ne maîtrisait plus grand chose, il avait vieilli, il devait protéger M mais elle mourrait dans ses bras… Dix ans plus tôt, personne n’aurait greenlighté un truc pareil. En cela, le travail de Nolan est très inspirant. D’autant qu’il s’agit d’un des plus grands filmmakers de l’époque. Donc, la comparaison me va. Bon… j’ai quand même l’impression que son succès a entraîné une espèce de délectation du dark pour le dark. Ce qui peut devenir lassant. Aujourd’hui, tous les films se passent de nuit, sous la pluie. Tout est très… très sérieux. Intense. Concerné. C’est une mode, rien de plus. Spectre est différent. Plus flamboyant. Le personnage respire plus. Mais, même si ça reste une pretty dark shit et que c’est bien l’œuvre du même réalisateur, Spectre a une plus grande variété de ton.

Ce sera plus fun alors ?
Vous trouvez que mes films manquent de fun ? Mais ça veut dire quoi, « fun » ? Ça veut dire des blagues beauf et des filles en bikini ? Si c’est ça, ok, Skyfall et Spectre ne sont pas très « fun ». Le personnage lutte pour de bon, ce qui tranche sans doute avec certains éléments clefs des vieux Bond – le côté fanfaron, cool guy, sur lequel tout glisse. Mais une bonne histoire est toujours excitante. Et vous verrez que Spectre est sacrément fun.

Entretien Gaël Golhen

007 Spectre de Sam Mendes avec Daniel Craig, Léa SeydouxChristoph Waltz sort en salles le 11 novembre prochain

Retrouvez l'intégralité de notre interview avec Sam Mendes + des interviews de Léa Seydoux, Christoph Waltz, des producteurs, des scénaristes ainsi que des photos et infos exclusives + un cahier critique entièrement consacré à la saga Bond dans notre hors série Spectre lundi 26 octobre en kiosques.