Oscars 2023 : Cinq surprises et déceptions des nominations
Condor Distribution / MUBI/Universal/Les Films du Losange/Paramount

Babylon, Nope ou Saint Omer ont été oubliés, mais la présence de Paul Mescal et d'Andrea Riseborough a de quoi redonner le sourire aux cinéphiles.

Chaque année, c'est la même chose : les nominations des Oscars s'accompagnent d'autant de cris de désespoirs de spectateurs qui n'y voient pas figurer leurs films et/ou artistes préférés que de joie d'autres cinéphiles qui ont la bonne surprise d'y découvrir une oeuvre ou une personnalité qui les a bluffés l'année passée et qu'ils ne s'attendaient pas à retrouver sélectionnée. A la rédaction de Première aussi, on a suivi en direct les nominations de cette 95e édition, qui se déroulera le dimanche 12 mars 2023, au Dolby Theatre à Hollywood, et nous avons évidemment poussé des cris de joie et d'effroi ! Alors décryptons ci-dessous cinq bonnes surprises et déceptions des Oscars 2023.

Oscars 2023 : toutes les nominations de la 95e édition

Déception : Babylon de Damien Chazelle

Les Oscars sont censés aimer les films sur le cinéma (ArgoThe Artist…), mais ils n’aiment manifestement pas ce film-là. Babylon de Damien Chazelle ne récolte que trois nominations (costumes, direction artistique, musique) – il faut sans doute lire dans cette maigre moisson une forme de sanction après le méchant bide du film au box-office US. Les Golden Globes ont été plus généreux avec lui (cinq nominations en tout, dont trois pour ses principaux acteurs, Diego Calva, Margot Robbie et Brad Pitt), mais c’est surtout parce que la catégorie "comédie ou comédie musicale" (dans laquelle Babylon concourrait), qui s'ajoute à la catégorie "drame", permet d’ouvrir plus grand l’éventail des nominations. On peut peut-être également interpréter cette rebuffade comme la preuve que Hollywood n’a pas beaucoup aimé le miroir que lui tendait Damien Chazelle – une vision dépressive et assez morbide de l’industrie du rêve. Une consolation peut-être pour Chazelle : l’un de ses films favoris, Chantons sous la pluie (dont Babylon est une sorte de face B cauchemardesque), n’avait reçu que deux petites nominations aux Oscars 1952…

Damien Chazelle est content que Babylon divise la critique et le public

Surprise : Andrea Riseborough (To Leslie)

Elle est rentrée dans la course dans la dernière ligne droite, pour coiffer au poteau Viola Davis, qui était dans toutes les prédictions de la presse hollywoodienne dans la catégorie meilleure actrice. Elle, c’est Andrea Riseborough, le rôle principal de To Leslie, petit film indépendant surtout discrètement aux Etats-Unis (23 000 dollars au box-office !) et toujours inédit en France. La performance de l’actrice a bénéficié d’un impressionnant lobbying sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, porté par Gwyneth Paltrow, Kate Winslet, Amy Adams, Demi Moore, Mia Farrow, Charlize Theron, Sarah Paulson, Edward Norton et bien d’autres. Cate Blanchett lui a même rendu hommage sur la scène des Critics Choice Awards, où elle recevait un prix pour Tár. 

Andrea Riseborough décroche donc la première nomination aux Oscars de sa carrière pour ce rôle de mère texane et alcoolique qui se retrouve à vivre chez son fils après dilapidé dans la boisson et la drogue les 190 000 dollars qu’elle a gagné à la loterie. Une consécration pour l’actrice de 41 ans, vue précédemment dans Oblivion, Birdman, La Mort de Staline ou Battle of the sexes, qui n’avait jamais été ainsi dans la lumière.

To Leslie affiche
Mister Smith Entertainment

Déception : Nope de Jordan Peele
Y avait-il vraiment une chance que le néo-western SF de Jordan Peele récolte des nominations aux Oscars aujourd’hui ? Nope. Pas vraiment. Il ne figurait dans aucune liste de bookmaker. Il faut dire qu’il n’a pas rencontré un retentissement aussi monstre que Get Out, le premier long-métrage de Peele – qui, en 2018, récoltait quatre nominations aux Oscars et remportait la statuette du meilleur scénario. Mais n’empêche : le fait qu’un film aussi novateur, inventif, brillant et fou, un film qui tire à lui tout seul tout le cinéma américain vers le haut, puisse être ainsi ignoré par l’Académie, est quand même bien déprimant.  

Nope : un jeu de pistes SF d’une inventivité étourdissante [critique]

Déception : Decision to leave (et Saint Omer

La catégorie meilleur Oscar international ne réussit plus trop à la France depuis quelques temps. Si bien que le Ministère de la Culture avait décidé de changer son mode de sélection cette année. Dommage, le brillant Saint Omer d’Alice Diop, récompensé à la Mostra de Venise, n’a pas eu les faveurs des membres de l’Académie. Une absence qui était malheureusement attendue. 

La nomination de Decision to leave, en revanche, semblait acquise. Mais l’envoûtante romance de Park Chan-wook a finalement dû céder sa place à l’irrésistible âne de EO, de Jerzy Skolimowski, un autre film qui était en compétition à Cannes. 

Oscars 2023 : 1 seul Français en lice, une rareté

Surprise : Paul Mescal nommé mais pas Tom Cruise

C'est "l'outsider" qu'on n'avait pas vu venir : Paul Mescal figure dans la liste des meilleurs acteurs aux côtés de comédiens qui ont tous été acclamés au cours de la saison des cérémonies : Austin Butler pour Elvis, Colin Farrell pour Les Banshees d'Inisherin (les deux gagnants des Golden Globes), Brendan Fraser pour The Whale et Bill Nighy pour Vivre. A leurs côtés, le comédien irlandais de 26 ans, révélé par la série Normal People, est en lice pour Aftersun, le premier film indé de Charlotte Wells qui était un peu passé sous le radar malgré ses excellentes critiques et sa sélection au dernier festival de Cannes. De quoi éclipser un autre comédien plus attendu dans cette catégorie, à l'inverse en tant que star d'un blockbuster ayant eu un énorme succès : Tom Cruise pour son retour en Maverick.

Sa partenaire de jeu Jennifer Connelly s'est justement prononcée sur son talent cette semaine, expliquant qu'il mériterait pleinement d'être nommé aux Oscars pour ce film qui a réuni des millions de spectateurs dans les salles. Lui qui a déjà eu cet honneur à trois reprises (pour Né un 4 juillet, en 1990, Jerry Maguire, en 1997 et dans un second rôle pour Magnolia, en 2000), n'a encore jamais remporté de statuette. Peut-être parce qu'il a surtout une image de super-producteur à Hollywood ?

En soutenant fermement la sortie de Top Gun 2 au cinéma, en faisant tout pour repousser sa diffusion en streaming et privilégier le grand écran, Cruise s'est plus que jamais imposé dans ce rôle en 2022. A défaut d'une nomination pour son travail d'acteur sur ce blockbuster d'action, il est d'ailleurs en lice pour la statuette du meilleur film, via la mention de Top Gun 2 (qui est d'ailleurs mentionné à six reprises en tout, Maverick est loin d'avoir été oublié). Ainsi, tout le monde est gagnant dans ce "combat" de David contre Goliath : Paul Mescal crée la -bonne- surprise du côté des acteurs et Cruise assure comme jamais en tant que producteur, défenseur du Cinéma avec un grand C.

Paul Mescal : « Soudain, ma vie a changé... »