Martin Scorsese à l'honneur du 20e festival de Marrakech : "On m’a confié une mission précieuse"
Abaca

"Il est la seule personne en vie à savoir d'où je viens", affirme le cinéaste. Ils se sont en effet connus à 16 ans, bien avant de tourner des films.

Ces jours-ci, l'amitié entre Martin Scorsese et Robert De Niro revient plus que jamais à la une de l'actualité. Et pour cause : Mean Streets, leur première collaboration pour le cinéma, fêtera son 50e anniversaire ce week-end, et Killers of the Flower Moon, qui marque leur 10e long métrage en commun, s'apprête à sortir sur grand écran (rendez-vous dans les salles obscures dès le 18 octobre).
 


Mean Streets : Un uppercut, gigantesque. [critique]

En pleine promotion de ce drame historique, qui met aussi en scène son autre acteur fétiche, Leonardo DiCaprio (pour leur 7e collaboration), Scorsese n'échappe logiquement pas aux questions sur son ami de longue date. Auprès d'Hindustan Times, il se livre sur leur parcours et sur ce qui les lie depuis un demi-siècle, expliquant que même dans les périodes où ils n'ont pas tourné ensemble, ils gardaient le contact.

"Avec Bob De Niro, on a une relation qui nous a tous les deux formés, explique le réalisateur de 80 ans. Car elle remonte à nos 16 ans. On s'était perdus de vue rapidement, alors je ne savais pas qu'il voulait devenir acteur et lui n'était pas au courant de mes ambitions de cinéaste. Quand on a fait Mean Streets (1973), on a été de nouveau présentés par Brian De Palma. En tournant ce film, ainsi que Taxi Driver (1976), on a découvert qu'on était attirés par les mêmes sujets, les mêmes conflits internes et émotions chez les gens, dans nos personnages et en nous-mêmes. Une certaine confiance s'est développée entre nous."

"J'ai résisté à Raging Bull pendant des années, ajoute-t-il à propos de son biopic du boxeur Jake LaMotta, sorti en 1980. J'avais mes raisons, mais il n'a cessé d'insister, de me dire que ce film serait bon pour moi. Il est la seule personne en vie à savoir d'où je viens, puisqu'on se connaissait gamins, enfin quand on était jeunes. Ce qui nous lie, c'est la confiance, l'absence de peur et notre peu de vanité. 

(…)

Vous savez, à l'époque, il était très puissant, il venait de gagner un Oscar pour Le Parrain II. On avait conscience qu'un studio pouvait vous retirer le contrôle de votre film. Je n'avais pas le pouvoir de négocier un 'final cut'. Et normalement, un acteur devait se plier aux demandes d'un studio. Mais pas lui, il vous soutenait. Et ça m'a persmis d'obtenir ce pouvoir, aussi. Il m'a protégé, et il a protégé mes films. 

Bob s'intéresse au look de ces personnages, à leur maquillage, leur apparence, mais il ne cherche pas spécialement à être beau, ni mis en valeur par l'éclairage. Il m'a déjà dit : 'Si la caméra est dans mon dos pour filmer le visage d'un autre acteur, parce que tu penses que ça rendra mieux, fais-le.'"

Killers of the Flower Moon sortira d'abord au cinéma en France
Abaca

Martin Scorsese raconte alors avoir retrouvé le même côté "intrépide", sans peur, chez Leonardo DiCaprio : "J'ai senti chez lui cette même sensibilité qu'on avait avec Bob. Il n'a peur de rien, il va tenter des choses, et surtout, ce qui compte le plus, il y a énormément de confiance entre nous. On se pousse à dépasser nos limites, et ça, c'est un cadeau."

En mai dernier, le cinéaste avait déjà évoqué ses multiples collaborations avec De Niro auprès de Deadline, ainsi que les films qu'ils n'avaient pas tourné ensemble, révélant que le comédien avait par exemple refusé de participer à Gangs of New York ou Les Infiltrés. S'il avait signé pour l'un de ces films, alors il aurait donné la réplique à DiCaprio devant la caméra de Scorsese bien avant Killers of the Flower Moon -en dehors de la filmographie du cinéaste, ils s'étaient d'ailleurs déjà croisés dans Blessures secrètes, en 1993.

Pourquoi Martin Scorsese a mis si longtemps à réunir De Niro et DiCaprio à l'écran ?

"On avait parlé de ces films avec Bob, mais il ne voulait pas les faire, racontait alors Scorsese. Je lui avais demandé : 'Que penses-tu des Infiltrés ?' 'Nan, je ne veux pas tourner ça.' 'Ok.' Je n'ai pas travaillé avec Bob pendant dix ans après Les Affranchis (1990), on avait pris des directions différentes. Puis on a refait deux, trois films ensemble, et encore une autre pause, de 19 ans cette fois... Donc après Casino (1995), avec Bob, on a refait une pause, je suis parti faire Kundun (1997), A Tombeaux ouverts (1999) et puis Gangs of New York (2002). Il prenait des nouvelles, à chaque fois."

A propos du casting de Gangs of New York, il précisait également : "Il voulait vraiment savoir ce que je préparais, il prenait des nouvelles. 'Tu fais quoi, en ce moment ?' 'Je prépare ça, ça t'intéresse ?' 'Nan'. 'Ok.' On a toujours parlé de nos projets car il est le seul autour de moi à savoir d'où je viens, à me connaître depuis qu'on avait 15 ou 16 ans. Il connaît ma vie à New York."

Scorsese parlait alors aussi des idées de films proposées par De Niro qu'il a lui-même refusées : "Il voulait que je filme Mafia Blues (1999), mais je lui ai répondu : 'On a déjà fait ce film, ça s'appelle Les Affranchis.' Moi, je lui parlais d'autres films, et à un moment donné, il m'a dit : 'Tu sais au fond le genre de films que je voudrais tourner avec toi.' J'ai répond : 'Ok.' et c'est devenu The Irishman (2019), qui a mis neuf ans à se monter. Donc oui, on cherchait toujours un projet à faire ensemble."

"Ce qui se passe, c'est qu'on se connait si bien qu'on arrive à atteindre un niveau de confiance qui nous permet d'aller très loin, concluait-il. Ce n'est pas toujours facile et c'est compliqué à verbaliser, mais ensemble, on sait qu'on peut y arriver. Ce qui n'a pas empêché de longues périodes sans projets communs, car, vous savez, les gens changent. Il voulait quand même faire certains trucs. Casino a vraiment solidifié notre relation. C'est le film ultime si vous voulez comprendre quel type de projets sont faits pour lui et moi. "

Martin Scorsese et Robert De Niro ont aussi travaillé ensemble sur New York, New York, en 1977, La Valse des pantins, en 1983, et Les Nerfs à vif, en 1991, qu'il ne nomme pas précisément au cours de ces deux interviews.

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