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Haut et Court

Le comédien québécois revient sur sa composition impressionnante dans son premier film sous la direction d’un réalisateur français depuis plus de dix ans.

Comment se retrouve-t-on à tenir le premier rôle du deuxième long métrage de Xavier Legrand, ce jeune directeur artistique d’une maison de haute couture française que le décès de son père, qu’il n’a plus vu depuis des années, oblige à retourner d’urgence dans son Québec natal ?

Xavier Legrand : Pour beaucoup, grâce à… Denis Ménochet ! On a tourné ensemble la série Spotless en 2015 et une amitié très forte est née entre nous. On est devenu comme des frères ! Dans la foulée, Denis a tourné Jusqu’à la garde. Je me suis évidemment précipité le découvrir à sa sortie et j’ai trouvé le film aussi puissant, aussi incroyable que lui qui m’a fait tellement peur ! C’est pendant la promo que Denis a parlé pour la première fois de moi à Xavier en lui glissant qu’il pensait qu’on pourrait bien s’entendre. A cette époque, il pensait déjà adapter L’Ascendant d’Alexandre Pastel et cherchait un endroit où situer le récit ailleurs qu’en France, à la différence du roman. Il voulait augmenter l’éloignement pour que ce jeune directeur artistique ne puisse pas rentrer facilement chez lui tout en restant dans un pays francophone. Comme la Belgique et la Suisse étaient trop proches, il a donc opté pour le Québec. Il se trouve que je suis passé à Paris juste avant la pandémie, un peu par hasard. Et comme on a le même agent, celle- ci nous a fait prendre un café ensemble. C’est là que Xavier m’a expliqué qu’il allait peut être faire un film qui se passe au Québec sur un Québécois bossant à Paris qui retourne sur place suite au décès de son père. Mais il ne me propose rien à ce moment- là. Plusieurs années vont passer, sans avoir de nouvelles de lui. Jusqu’au jour où il m’a contacté… pour me proposer le rôle principal

LE SUCCESSEUR : UN THRILLER AUSSI CAPTIVANT QUE DESTABILISANT [CRITIQUE]

Quel souvenir gardez-vous de la première lecture de ce scénario ?

Je n’avais jamais rien lu de tel. Je l’ai vécu comme les spectateurs le vivent. En me demandant à chaque page jusqu’où la descente aux enfers de ce personnage va l’entraîner. Mais une fois arrivé au bout, je crois avoir sous-estimé le niveau d'intensité. Ce que j'imaginais être les bas-fonds allaient se révéler encore plus profonds. Car Xavier allait m’amener à chaque fois très loin.

Comment avez- vous abordé le tournage ?

J'étais un peu tétanisé en à l'idée d'être le premier rôle masculin de Xavier Legrand, après Denis. J’avais peur qu'il soit déçu. Mais on a eu la chance de tourner en ordre chronologique. Ca m'a aidé à construire le personnage, notamment grâce à la fatigue qui s'installe et te fragilise beaucoup comme acteur, enlevant une à une tes couches de protection pour aller dans les tréfonds là où Xavier a voulu emmener le personnage. Pour moi, tout en s’inspirant de la tragédie grecque, Xavier a fait un film punk. Sans chercher une seconde à faire plaisir au public, voire en le malmenant. Avec ce côté « Qui m'aime me suive » qui m’épate !

Le Successeur
Haut et court

Comment vous y êtes-vous préparé ?

J'ai regardé deux documentaires sur la mode pour m’inspirer de quelques directeurs artistiques. Mais au fond, tout a été ici très instinctif. Il y a une vraie rencontre avec Xavier et je me suis un peu mis à nu dans un mélange d'abandon et de confiance. Dans la scène finale où il est écrit que mon personnage pleure de façon incontrôlable, j’ai demandé à Xavier ce qu’il entendait par là. Il m’a expliqué qu’il ne voulait aucune retenue, que je ne sois pas conscient qu'on me voit, pas conscient de mon image. Je n’ai jamais autant pleuré dans un film… sans vouloir faire pleurer les gens. Car contrairement à Jusqu’à la garde, Le Successeur empêche de se projeter dans ce que mon personnage traverse tellement cela paraît hors de toute limite. Il y a quelque chose de sauvage, de laid. Xavier m’a emmené à des endroits où je n’aurais jamais pensé aller.

Cela fait plus de dix ans qu’on ne vous avait pas vu dans un film mis en scène par un réalisateur français, alors qu’entre 2008 et 2011, dans la foulée du Premier jour du reste de ta vie, vous les aviez enchaînés. C’est le hasard des propositions ou un désir de passer plus de temps dans votre pays natal ?

Un peu des deux. En fait, après le tournage de Spotless, je suis rentré à Montréal, j'ai eu ma fille et j’ai voulu rester auprès d’elle et de ma compagne. Il aurait fallu un immense coup de cœur pour me faire changer d’avis. Il n’est pas arrivé. A partir de là, j’ai tourné une série géniale au Québec qui a duré deux ans puis des films. J’ai enchaîné les projets sur place et, logiquement, en France, faute d’être présent, on m’a un peu oublié. Je n’en ai pas souffert car au fond pendant toutes ces années, je n’ai pas été disponible. J’ai eu deux autres enfants, j’ai commencé à produire des séries, en plus de mon métier de comédien. Mais évidemment j’espère qu’il y aura d’autres opportunités dans les années à venir.

Le Successeur. De Xavier Legrand. Avec Marc- André Grondin, Yves Jacques, Anne- Elisabeth Bossé… Durée : 1h52. Sortie le 21 février 2024


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