Son échec a sonné la fin des 80s et des stars bodybuildées. Retour sur une comédie devenue finalement très populaire avec le temps, qui fête aujourd'hui ses 30 ans.
En juin 2021, Last Action Hero sortait en Blu-ray UHD. L'occasion de revenir sur son commentaire audio incroyable, dans lequel il se fait découper en rondelles par... son propre réalisateur. Nous repartageons cet article pour fêter cette fois les 30 ans du film porté par Arnold Alberschweitzer. Pardon, Schwarzenegger (à vos souhaits !).
Arnold Schwarzenegger revient sur le flop de Last Action Hero : "Ça fait mal"Bide historique à sa sortie, cette fantaisie au titre génialement prophétique mettait fin d’un coup au règne des "gros bras" hollywoodiens et de leurs méga blockbusters méga inflationnistes. Croqué tout cru par les dinos numériques de Spielberg durant l’été 93, Last Action Hero embrassait alors pleinement son destin d’œuvre terminale, engloutissant à la fois son réalisateur, sa vedette, sa bande-son, son esthétique, sa méthode de fabrication, sa stratégie de promo et toutes les tables de la Loi des 80s. Il y était question d’un gamin new-yorkais tristounet qui se retrouvait propulsé par magie dans un film aux excès typiquement californiens et habité par sa star préférée : Arnold Beckenbauer, pardon, Schwarzenegger. Last Action Hero, c’était ça : du Pirandello pour les petits, La Rose pourpre du Caire version blockbuster de l’été ; un véritable enchantement, une totale anomalie, un flop monstre. Ce n’était pas la queue d’une comète qui venait passer en silence au-dessus de nos têtes, mais plutôt un Big Bang, vraiment très "big" et violemment "bang", d’où allait émerger un nouveau monde, précisément celui dans lequel nous vivons, c’est-à-dire sans stars, sans bourre-pifs, sans artificiers et sans John McTiernan. L’histoire retiendra donc que le dernier héros d’action s’appelait Jack Slater, qu’il aimait les calembours et les cigares et qu’il aura fini sa course agonisant salement à l’arrière d’une ambulance new-yorkaise. Aux suivants.
VOTE POPULAIRE
Presque trente ans plus tard, le film est enfin devenu un véritable objet pop dont les grosses poussées de fièvre "méta" excitent beaucoup les spectateurs du XXI siècle – alors que ceux du siècle précédent n’y comprenaient rien. Il se retrouve d’ailleurs très joliment édité en UHD aujourd’hui, à la faveur d’un vote populaire lancé par son studio Sony-Columbia sur internet. Last Action Hero a raflé la mise et s’est retrouvé à quelques encablures de bons gros classiques adorés par les Américains comme Mr. Smith au Sénat, Une équipe hors du commun ou Jerry Maguire, excusez du peu. De fait, l’édition qu’on retrouve aujourd’hui dans les bacs est dite "prestige" c’est-à-dire que le lifting du film est très soigné et que le travail éditorial a été mené consciencieusement. On y retrouve donc une bonne dizaine de minutes de scènes coupées, que personne n’avait jamais vues jusque-là, et surtout un commentaire audio enregistré tout récemment par Sa Majesté John McTiernan en personne – dont on n’avait plus de nouvelles depuis au moins... Houla ! Autant dire que la dernière fois qu’on avait vu un programme aussi excitant figurer sur le dos d’une jaquette remonte à loin. Disons au moins à l’édition française du 13e guerrier de... John McTiernan.
John McTiernan : "Comment est-il possible de regarder un film qui s’appelle Captain America ?"N’y voyez pas une obsession de notre part : le cinéaste, pourtant peu chouchouté par les studios, a effectivement dans sa besace plusieurs éditions vidéo de référence. Elles sont souvent peuplées de commentaires audio incroyablement pédagos (on prétend que ceux de Predator et de Piège de cristal valent toutes les écoles du cinéma du monde), de scènes inédites looooongtemps fantasmées (la fin alternative d’Une journée en enfer où McClane et Gruber jouent à la roulette russe avec un lance-roquettes) ou de documentaires géniaux (la minutieuse enquête menée autour de la version director’s cut du 13e guerrier, évoquée quelques lignes plus haut). Parce que la facture de ses films est souvent splendide, que leur fabri- cation fut mouvementée et qu’il est le meilleur exégète de son œuvre, John McTiernan est probablement l’un des meilleurs clients possible pour toute édition collector digne de ce nom.
À ce jour, on attend toujours une hypothétique version longue de son Rollerball, mais on va se contenter pour l’heure de cette belle édition de Last Action Hero, un film que son auteur a, ironiquement, toujours voulu raboter. C’est d’ailleurs par ce sujet très épineux que le cinéaste va lancer son commentaire audio. Après s’être présenté très brièvement et alors que Slater multiplie déjà les punchlines en VO comme en VF ("T’aimes les omelettes ? Tiens, je te casse les œufs"), McT commence à battre sa coulpe : "On a monté le film alors qu’on était encore en train de le tourner... Huit mois et demi entre le premier clap et la sortie en salles. Je n’ai pas eu le temps de le fignoler. Tout est de ma faute, les monteurs n’y sont pour rien. Et je tiens à m’en excuser." Un passage rapide dans la section scènes coupées, justement, le confirme : pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est une très jolie séquence où un Jack Slater confus se fait aborder par des gamins qui viennent lui causer de Total Recall et une nouvelle fin qui se concentre sur les rapports entre le jeune héros du film et sa maman – le tout emballé via un très (très) beau plan de grue. Pas mal, mais il semble effectivement que, pour une fois, le chutier de McTiernan était du genre léger.
BARNUM
On retourne donc sur le commentaire audio où le numéro d’autoflagellation du cinéaste va encore durer pendant 120 bonnes minutes : "Ce film est beaucoup trop sérieux, il manque de gags, d’ironie. Il aurait dû ressembler à du Kurt Vonnegut, mais ce n’est pas le cas, et je tiens à m’en excuser » ; « Le cinéma, c’est de la prose et je n’ai pas trouvé la bonne ici, et je tiens à m’en excuser" ; "On ne sait pas si le film est une comédie ou un film d’action, il aurait fallu choisir, et je tiens à m’en excuser" ; "Je voulais raconter une histoire d’amitié pleine de candeur et je me suis retrouvé à gérer un immense barnum avec des figurants et des explosions partout, je me suis mal débrouillé, et je tiens à m’en excuser..." ; "Vous vous attendiez peut-être à moins de commentaires négatifs de ma part sur le film puisque vous venez de l’acheter... Je tiens sincèrement à m’en excuser."
Tout ceci finit par provoquer de grands moments comiques involontaires. Notamment lorsque le cinéaste reste de marbre face à des séquences parfaitement délirantes (la fumée qui sort des oreilles du commissaire, "Ce chat est un de mes meilleurs hommes", les dobermans qui finissent en pyramide, "Léo The Prout va lâcher les gaz"...) qu’il exécute toutes d’un laconique : "Pfff, ce film est beaucoup trop sérieux... and I’m sorry for that." Évidemment McT a raison : il y a un vice de forme énorme dans cet objet-là, un déséquilibre profond entre sa nature (un conte de fées postmoderne) et sa facture (une kaboomerie à 100 millions de dollars). Mais ces griefs ne valent que lorsqu’on le regarde avec les lunettes de son époque. Aujourd’hui, les "gros bras" sont devenus de vieux messieurs rigolos, ils ne rapportent plus un kopeck, ne se retrouvent plus en figurines dans les Happy Meals, et Last Action Hero laisse apparaître une candeur et une naïveté qui ont toujours été là, mais qui étaient autrefois ensevelies par la machinerie hollywoodienne. Ce n’est pas tout à fait Mr. Smith au Sénat, on est bien d’accord, mais c’est indiscutablement un "film mignon pour les petits" tel que McT a toujours bataillé pour le faire. Il ne le sait pas encore, visiblement, mais il lui suffisait d’attendre trente ans pour remporter cette victoire-là. Et cette fois, il n’y a vraiment pas de quoi s’en excuser.
Last Action Hero : le flop devenu culte de John McTiernan
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