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Gaumont

Le film de Justine Triet aurait certainement gagné la statuette, s'il avait été choisi par la France. Mais le comité a misé sur le mauvais cheval. Comment un tel raté a-t-il pu se produire ?

Cela fait 30 ans que la France attend un nouvel Oscar du Meilleur film étranger. Depuis 1993 et Indochine de Régis Wargnier, aucun film français n'a remporté cette statuette forte en symboles. Evidemment, il y a bien eu des succès tricolores majeurs qui sont venus minimiser le camouflet. Notamment le carton de The Artist en 2012. Mais la catégorie spécifique du Meilleur film du reste du monde continue d'échapper au cinéma hexagonal. Pire encore : depuis 2020 et Les Misérables, aucun long-métrage tricolore n'a été nommé !

Et ce ne sera pas pour cette année non plus. Car La Passion de Dodin Bouffant n'a pas été retenu par les votants de l'Academy, hier. Un désaveu accentué par son zéro pointé dans les catégories majeures des César ce matin ! Une énorme désillusion pour Trần Anh Hùng et son excellent film historique. Mais surtout pour le cinéma français, qui avait, dans son autre poche, le ticket gagnant...

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Le Pacte

Oui, il ne fait aucun doute (ou presque) qu'Anatomie d'une chute, s'il avait été retenu par le comité de sélection, aurait été nommé comme Meilleur film étranger aux Oscars 2024, en plus d'être nommé dans la catégorie reine du Meilleur film (exactement comme Parasite en 2020). Pire encore, le polar judiciaire de Justine Triet, aurait été l'incontestable favori pour la statuette, devant Le Cercle des Neiges (Espagne) et Past Lives (Corée du Sud). Déjà sacré aux Golden Globes, aux Critics Choice Awards, et récemment aux Lumières, Anatomie d'une Chute aurait très probablement fait le grand chelem et remporté l'Oscar du Meilleur film étranger, le 10 mars prochain, à Los Angeles !

Oui, mais voilà, la France a misé sur Dodin Bouffant. Le comité français des Oscars, composé de sept professionnels du cinéma, réunis en septembre dernier, a préféré (parmi cinq films présélectionnés) la romance culinaire de Trần Anh Hùng à la Palme d'Or en titre. Une hérésie ?

Il y a 5 mois, le choix de Dodin Bouffant ne paraissait pas aussi saugrenu qu'aujourd'hui, au lendemain des nominations. En effet, il faut se souvenir qu'en 2022, la France avait choisi d'être représentée par Titane - logique, puisque Palme d'Or à Cannes - au détriment de L'Evénement (Lion d'Or à Venise), pourtant en plein buzz aux USA dans la foulée du débat sur le droit à l'avortement. Résultat : pas de nomination pour le film de Julia Ducournau ! Cette fois, le comité a ainsi souhaité contourner une forme de systématisme, en misant sur une ode gastronomique, sorte de vitrine de la culture française incarnée par Juliette Binoche, l'une des rares actrices hexagonales à être célèbre outre-Atlantique.

Un choix pas totalement ubuesque sur le papier, d'autant que Dodin Bouffant avait aussi été honoré à Cannes (Prix de la mise en scène), bénéficiant d'excellents retours de la presse étrangère. Une combinaison d'atouts à laquelle s'ajoutait le discours très politique de Justine Triet sur la scène du Festival de Cannes, peu apprécié par la ministre de la Culture de l'époque...

Titane
Diaphana

Au final, le comité a donc abouti à ce qui est, aujourd'hui, la mauvaise décision. Une erreur de jugement, qu'explique plus précisément une source proche du comité, citée par Variety : "Certaines personnes du comité ont gardé l’image des votants de cette catégorie (Meilleur film étranger) comme des gens âgés et nostalgiques, et n’ont pas pris en compte le fait que les votants des Oscars ont changé ! Ils sont plus jeunes et plus diversifiés qu’avant. Ils aiment être mis au défi..."

Reste à savoir comment éviter ce genre de raté à l'avenir. Comment sélectionner le bon film, celui permettra enfin d'offrir à la France un successeur à Régis Wargnier ? Avec un système de points ? Par le biais d'un comité plus vaste ? D'un panel de votants plus éclectique ? Il restera toujours une part d'incertitude, le problème venant aussi de ce système de pré-sélection mis en place par l'Academy américaine : un seul et unique film, pour chaque pays, cela est-il vraiment la bonne manière de rendre justice au cinéma du monde ?