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La Master Class de Tim Burton vient de se terminer à la Cinémathèque Française de Paris. Retour sur les phrases chocs du cinéaste.L'événement a attiré du monde dans la salle ! Une attention qui a flatté le cinéaste, qui a commencé par remercier les spectateurs. Ed Wood fera l'ouverture de la rétrospective de Tim Burton dès mercredi soir, annonce le présentateur, Matthieu Orléan. La Master Class s'est ouverte sur un extrait du film (celui où Bella Lugosi doit se "battre" avec la pieuvre). La première question porte donc sur Ed Wood."Je ne m'habille pas en femme. C'est la seule différence entre Ed Wood et moi."Pourquoi avoir choisi de tourner un film sur ce réalisateur, alors que ses films sont considérés comme les plus mauvais de l'histoire du cinéma ? "Pour montrer l'aspect illusoire du cinéma. Ed Wood se passionnait pour ses films, il en parlait comme si c'était Star Wars. La ligne de démarcation entre le bon et le mauvais est fine. Où est la limite entre ce qui est bon et ce qui est nul ? Je voulais aussi parler de la curieuse famille que l'on créé lorsqu'on fait un film. Mais je ne m'habille pas en femme. C'est la seule différence entre Ed Wood et moi."Ses sources d'inspiration ?"J'ai toujours essayé d'être personnel dans mes oeuvres, sans être complètement autobiographique. Les films de Vincent Price étaient mis à l'écart. Je me suis reconnu là-dedans. Le cinéma expressionniste allemand m'a beaucoup inspiré. Quand j'étais jeune, pour 50 cents, on pouvait voir trois films d'affilée très différents.""Christopher Lee est mort"Impossible de parler des sources d'inspiration de Tim sans aborder ses choix d'acteur, lui qui a engagé des stars déchues, qui avaient eu leur heure de gloire à Hollwyood, avant de sombrer dans l'oubli. "Le fait de rencontrer des gens comme Vincent Price ou Christopher Lee, ce sont des sources d'inspiration extraordinaire. A Hollywood, on a tendance à oublier l'aspect humain des choses. Par exemple, j'ai discuté avec un producteur qui voulait absolument que Christopher Lee soit mort. Puis cette personne morte a fait Le Seigneur des anneaux. (Rires) On a tellement de choses à apprendre de ces acteurs légendaires. (...) Comme j'ai vécu avec ma grand-mère, j'ai eu une relation particulière avec un ancêtre. Je trouve que dans certaines cultures, on perd ça de vue, les personnes âgées ne sont pas respectées, vénérées comme elles devraient l'être."J'ai fait du cinéma parce que j'étais mauvais élève"J'étais un très mauvais élève. J'étais en retard dans un devoir sur Houdini. Je devais analyser un livre, mais j'ai décidé de faire un film à la place. J'ai eu une très bonne note. Je me suis dit : 'Le cinéma serait-il une solution de rechange' ? C'est ce qui a déclenché mon intérêt pour le cinéma. On faisait tous ça à l'époque. On adorait mettre le feu à des maquettes. (Rires) Avec des sous-titres français, ces petits films ont plus de classe, ça les rend plus intéressants qu'ils ne le sont vraiment."Pourquoi Tim Burton a-t-il arrêté de tourner dans ses propres films ?A l'origine, Tim tournait dans ses réalisations d'étudiant. "En voyant mon jeu, on comprend vite pourquoi je me suis caché derrière la caméra. J'étais tout à fait nul."Tim Burton et le dessin"A Disney, je faisais des storyboards. Face à des acteurs qui savaient improviser, je me suis rendu compte que j'avais moins besoin de dessins. J'aime toujours dessiner, mais mes dessins sont simples, très primitifs. Mes processus de pensée sont exprimés à travers mes croquis, mais j'en ai moins besoin pour me faire comprendre aujourd'hui. (...) En faisant un dessin, je ne pense pas de manière très consciente à ce que ça va donner. Je suis beaucoup plus à l'aise quand je fais les choses spontanément."Un cinéaste allergique aux fonds vertsIronie du sort, quand on sait que le plus gros succès de Tim Burton, Alice au Pays des Merveilles, a été tourné en grande partie sur fond vert  : "J'aime tourner en décor naturel, mais aussi en studio. Il y a quelque chose de magique à inventer des décors. Comme dans Sleepy Hollow et sa perspective impossible, qui peut déstabiliser les spectateurs. Je n'aime pas les écrans verts par contre. Les comédiens ont du mal à se mettre dans la peau de leurs personnages.""Ma collaboration avec Danny Elfman est totalement naturelle. Sa musique est l'un des personnages de mes films.Sans surprise, Tim ne tarit pas d'éloge envers Danny Elfman, l'homme qui a composé la musique de la plupart de ses films : "On a débuté en même temps. Je ne faisais pas encore de cinéma à l'époque, mais je trouvais sa musique cinématographique. On a découvert le cinéma ensemble, appris à travailler de la même façon. La musique est l'un des personnages de mes films. Il faut trouver un juste équilibre entre les émotions au cinéma et il arrive très bien à faire ça.""On a tous besoin d'un échappatoire. Sport, musique, dessin... C'est une façon de s'exprimer."Tim Burton explique sans honte pourquoi ses personnages sont si souvent marginaux. "A Los Angeles, on sent très solitaire, on est dans l'indécision totale. On ne sait pas où aller, que faire. C'est une ville très étrange pour grandir. (...) Je n'étais pas très loquace comme gamin. On avait l'impression que j'étais muet ; j'explorais mes sentiments à travers le dessin. C'est seulement après 20 ans, quand j'étais obligé de parler aux gens, que j'ai appris à le faire. On a tous besoin d'un échappatoire. Sport, musique, dessin... C'est une façon de s'exprimer."Pourquoi s'accrocher à la stop motion ? "On a l'impression d'être un géant sur un plateau de tournage"Alors que l'animation a bien changé ces dernières années, passant notamment à la 3D, l'exposition Tim Burton propose des dessins préparatoires de Frankenweenie, la version longue de son court-métrage de 1984, réalisée ce coup-ci en top motion. "J'adore l'image par image. Ray Harryhausen, c'est une énorme source d'inspiration. C'est très beau quand on a ces marionnettes dans le décor. C'est vraiment intéressant, et le noir et blanc ajoute de l'émotion. L'étrange Noël de M. Jack, on l'a aussi fait en stop motion. Associé au noir et blanc, je trouve vraiment ça intéressant. On a l'impression d'être un géant sur un plateau de tournage. C'est comme un vrai plateau, mais en réduit. C'est une forme d'animation particulière et c'est formidable de pouvoir continuer à tourner comme ça. Heureusement qu'il y a des gens qui adorent encore l'image par image. (...) Les accessoires sont minutieusement travaillés, tout est fait à la main, c'est artisanal, à la fois touchant, émouvant, bouleversant.""Le cinéma, c'est une thérapie très coûteuse""J'ai eu beaucoup de chance. Je n'ai pas eu de vrai métier en dehors du cinéma. Les studios n'aiment pas entendre ça, mais le cinéma, c'est une thérapie très coûteuse. On me paye pour réfléchir à mes peurs, mes cauchemars. Et puis surtout, à chaque fois, on rencontre des gens exceptionnels, des acteurs, décorateurs... C'est toujours nouveau, toujours spécial.""Les films sont comme vos enfants. Impossible d'en préférer un aux autres"Tim est clair, il est incapable de comparer ses films, même si "Edward aux mains d'argent est probablement le film qui m'est le plus proche, avoue-t-il. Il y a une dimension très  personnelle dans ce film. J'ai eu tellement de mal à m'exprimer verbalement. Il fallait que je trouve un moyen de m'adresser aux acteurs etc. Dans tous mes films il y a des choses qui sont très proches de moi.Petite pause en chinois"J'entends la radio à la place de la traduction. La musique est très sympa. La technologie... Ces choses ne marchent jamais. C'est pourquoi j'aime autant l'image par image ! (Rires) Ah, ça remarche, maintenant je reçois la traduction en chinois..."Après un petit intermède le temps de réparer son oreillette, Tim Burton reprend son sérieux. "Je me sens un peu étranger dans mon propre pays. Les gens me traitaient bizarrement aux Etats-Unis. A l'étranger, je me sens mieux bizarrement. A présent, je vis en Angleterre. Peut-être que j'aime être étranger. Je suis un peu névrosé, torturé, comme mes personnages. (...) Critiquer la société, ce n'est pas tellement mon but. Pour moi, le cinéma, c'est plutôt un espace de rêve. Je n'aime pas trop les films littéraux, qui commentent quelque chose. Je préfère que les gens imaginent dans leur tête".Jeffrey Katzenberg m'a dit "On ne veut plus de dessins d'animation"Révélations sans langue de bois à propos de l'animation en général et du studio Disney en particulier, où Tim a fait ses débuts en tant que dessinateur, mais dont il garde un mauvais souvenir : "Disney, c'était pour moi le moment le plus bas de l'animation. J'ai passé HUIT ans à faire Rox et Rouky. Il y avait vraiment quelque chose qui n'allait pas ! Il y a quelques années, Jeffrey Katzenberg (l'ex-patron de Disney, passé à Dreamworks) m'a dit "On ne veut plus de dessins d'animation".  Quand on se lance dans un film d'animation, on essaye de trouver la technique qui sert le mieux le sujet. On m'avait proposé L'étrange Noël... avec d'autres moyens d'animation. Je me suis battu pour rester en image par image. (...) Miyazaki est un grand artiste, un maitre du cinéma d'animation. Tous ses films sont des classiques"Mais d'ailleurs, où en est le montage de Frankenweenie en animation ? "Je devrais être en train de travailler dessus (Rires). C'est passionnant, mais il y a encore beaucoup de travail à faire."Superman ? "Pffftttt"A l'heure où les superhéros cartonnent sur la planète, Tim Burton ne semble pas prêt du tout à rempiler dans ce genre, même si ses deux volets de Batman sont devenus cultes au fil des années. Lorsqu'une personne du public ose évoquer le nom de Superman, le réalisateur soupire. Serait-il devenu allergique aux superhéros ? "On m'a beaucoup critiqué, on me disait que mon Batman était trop sombre. Maintenant, il semble étincelant par rapport à ce qu'on voit aujourd'hui (Rires). Il faut évoluer. Ces films se sont assombris, c'est intéressant en soi, mais il faudrait changer de mode."Sujet qui fâche, pourquoi le documentaire Conversations with Vincent n'est toujours pas programmé ? "Le monde du cinéma a changé, c'est devenu difficile. Là, c'est une histoire d'avocats, le projet est tombé à l'eau, car chhcun voulait sa part du gâteau. Le film a été retiré de la programmation. J'espère qu'un jour on pourra changer les chose, ne plus se heurter aux problèmes juridiques et autres."Et Johnny Depp alors ?Dernière question, à propos des organisateur de l'exposition. "Ils ont même exposé les lettres de refus de Disney ! Où ont-ils trouvé ça ? Dans mes poubelles ? Je me demande où ils ont récupéré ça." Tim Burton termine sur un sourire et une salve d'applaudissements. Au final, il n'aura même pas eu le temps de parler de son acteur fétiche, Johnny Depp !L'exposition ouvrira ses portes mercredi, à la Cinémathèque de Paris.