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Les plus beaux yeux du cinéma français viennent de se refermer. Hommage à Michèle Morgan en cinq films qui ont imposé ou changé la carrière de l’incarnation du glamour à la française. 

Michèle Morgan est morte

Quai des brumes

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La rencontre légendaire de Pierre Mac Orlan, Marcel Carné, Jean Gabin et Michèle Morgan. Plus que mythique, un film mythologique, dû à l’incroyable alchimie du couple vedette, mais surtout à la manière particulière de Carné de naviguer entre abstraction pure, lyrisme irréaliste et vérité brute. Gabin est génial dans le rôle de la tête brulée impulsive mais intègre. Et face à lui, Morgan compose son premier grand rôle mélo, une héroïne à la pureté virginale, poupée du destin et femme tragique. La photo de Schuftan sublime l’actrice serrée dans un trench-coat luisant (conçu par Chanel) qui, entre son teint diaphane et les reflets mouillés de la pluie, finit par lui donner l’aspect d’un fantôme. Encore plus que le brouillard qui enveloppe Le Havre, c’est elle qui confère la puissance mélancolique et la délicate tristesse, d’un des plus grands classiques du cinéma. 

Remorque


De nouveau le couple mythique, l’atmosphère de fin du monde et le brouillard… Gabin est un capitaine de marine partagé entre son épouse, Madeleine Renaud, et sa maîtresse, Michèle Morgan. Le film est un chef d’œuvre de cinéma finistère indissociable de la guerre et de… Quai des brumes. Là où Carné imaginait un chef d’œuvre de poésie lyrique, Grémillon, passé par le documentaire, tisse un lyrisme du quotidien. Une oeuvre plus réaliste, plus sociale, plus juste. Et les échos se retrouvent jusque dans ses dialogues : "Qu’est-ce que vous attendez de moi ?", demande Gabin avant que la Morgan ne lui réponde : "Embrassez-moi… Embrassez-moi…". On a envie de s’exécuter…

Amour et swing


Pendant la guerre, Michèle Morgan fit une courte carrière à Hollywood. Joan of Paris de Robert Stevenson, Two Tickets to London d’Edwin Marin et Passage to Marseille de Michael Curtiz. Mais c’est surtout les films qu’elle ne fit pas qui restent célèbre. Elle passe les tests pour Soupçons de Hitchcock et faillit bien embarquer pour Casablanca (mais Ingrid Bergman acceptera de réduire son cachet pour avoir le rôle). Reste des films anecdotiques comme Amour et swing réalisée par Tim Whelan. Les employés d’un milliardaire ruiné, Drake, décident d’unir leurs efforts pour qu'il retrouve sa fortune et c'est Millie, la bonne (Michèle Morgan), qui se fait passer pour sa fille, afin de faire un beau mariage et renflouer les caisses du patron… Un musical sympathique, mais où l’on peut voir la frenchie danser au bras de Frank Sinatra (dans son propre rôle) et croiser Mel Torme. Comme l’étincelle du fantasme qu’aurait pû être sa carrière hollywoodienne. Ça n’a pas de prix…

La Symphonie Pastorale


Pas un grand film, mais un film marquant. Adapté du roman de Gide, La Symphonie pastorale gagne en 1946 le grand prix du premier festival de Cannes et Michèle Morgan reçoit le prix de la meilleure actrice. Solidement adapté par Aurenche et Bost, le film raconte les rapports amoureux entre un pasteur et une jeune aveugle. Pierre Blanchar joue le pasteur avec une fragilité un peu ringarde. Morgan, un peu raide, joue une jeune aveugle qu’il va recueillir. Le mélo un poil guindé est pourtant illuminé par l’actrice qui, sous la lumière d’Armand Thirard (chef op de Gribouille et de Remorque) n’a peut-être jamais été aussi belle… Et puis, encore une de ces répliques qui tue : "Vous me trouvez jolie ?" ."Tu sais bien que tu es très jolie", réplique Blanchar, avant de lui caresser la main comme on console un enfant perdu avant de s’en éprendre à jamais.

Benjamin ou les mémoires d’un puceau


Les années 60 seront presque fatales à Morgan. Le charme bourgeois dans lequel on l’enferme, son innocence qu’on prend pour du conformisme et sa beauté pudique l’emprisonnent. Les jeunes turcs de la Nouvelle Vague passent à côté d’elle et elle à côté d’eux (elle se fait symboliquement zigouiller dans Landru de Chabrol et refuse La Notte d’Antonioni). Au tournant des années 70, deux films cassent son image. Le Chat et la souris de Lelouch (où elle joue) et surtout, avant, Benjamin ou les mémoires d’un puceau. Dans ce récit d’initiation (Benjamin, orphelin élevé à l’écart du monde, ignore tout des choses de la vie et est conduit chez la comtesse de Valandry qui va lui faire découvrir les plaisirs de la séduction et du (beau) sexe) elle incarne une femme d’âge mur, qui exprime enfin ses désirs, sa sexualité et ses fantasmes. Sa beauté parfaite colle parfaitement à la reconstitution magnifique (moderne, pas trop) de Deville et à son délire d’enlumineur. 

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