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“Il fallait boucler la boucle. Finir ce qu’on avait commencé il y a 7 ans. On devait ramener l’équipe à New York”. L’équipe ? Alex, le lion mégalo, son pote Marty, le zèbre afro assoiffé d'aventure et de hip hop, accompagné d’une girafe hypocondriaque et d’un hippo sexy. Pour ce troisième volet, Madagascar s’offre donc un retour aux sources et au bercail. Après l’Afrique, cap sur l’Europe... Autant prévenir (rassurer ?) : le voyage n’est pas de tout repos. “Ca c’est sûr confirme Eric Darnell l’un des trois co-réalisateurs. Les pingouins explosent Monaco, les héros sont poursuivis par l’immonde Capitaine Dubois et ils intègrent un cirque... si le retour à New-York était dans l’ADN de la saga, il n’a jamais été dit que ça devait se faire tranquillement”. Darnell a raison ; on vous conseille d’attacher les ceintures : Madagascar 3 est l’un des dessins animés les plus dingues qu’on ait vu récemment. A côté, Cars 2 ressemble à une promenade en pédalo...Au fond, rien de plus normal : depuis le début Madagascar a, dans l’écurie Dreamworks, une place à part. Série déjantée, innervée par un humour East Coast transgressif et des vannes hip hop déplacées dans un film pour kids, la saga représente l’essence d’un studio qui s’adresse selon le big boss himself - Jeffrey Katzenberg - “aux adultes qui sommeillent au fond de chaque enfant”. Et ça, Madagascar 3 l’assume jusqu’au bout : squaté par des showmen monstrueux (le casting voix aligne Ben Stiller, Chris Rock, Schwimmer et accueille Frances McDormand et la sublime Jessica Chastain), truffé de séquences de cinéma anthologiques (le rêve de l’ouverture, la poursuite à Monaco, l’accident de Vitali… on peut en citer une petite dizaine comme ça), Madagascar 3 déroule séquences gonzo, délire trash et scènes hilarantes dans un road trip hallucinant qui ne met jamais le pied sur les freins et oblige à se demander ce que prenaient les réalisateurs sur le plateau.  Magic CircusLe principe du film est d’une simplicité biblique. Nos quatre héros traversent l’Europe dans les roulottes d’un cirque. “On savait très vite que ça se passerait en Europe. Après deux épisodes dans la savane, on voulait revenir à la civilisation. Quoi de mieux que l’Europe ? Mais quand on a eu l’idée du cirque, le film avait trouvé sa vraie personnalité” confie l’un des autres réalisateurs, Tim McGrath. Le cirque fonctionne d’abord comme une couverture pour nos héros qui doivent semer un flic français. Mais pas seulement. McGrath : “Le cirque permettait de confronter les animaux aux hommes ce qu’on avait toujours évité de faire. Là, on voulait renverser les valeurs, poser des questions comme : qui sont vraiment les bêtes ? Qui sont les plus cruels ? Mais pour ça, il fallait que le monde d’Alex et Marty rencontrent le monde des hommes. Le Cirque c’était... une passerelle”. Une passerelle qui est aussi un extraordinaire terrain de jeu visuel, une source de fantasmagorie graphique hallucinante. “Effectivement c’était un environnement qui permettait beaucoup de délires graphiques acquiesce Conrad Vernon, troisième larron. On s’est autorisé quelques séquences un peu surréalistes, limite ésotériques ; on est allé pioché dans Dumbo et dans Fantasia par exemple. Et la 3D nous a permis de pousser ça très très loin”.Family guysSans oublier l’idée de la famille et d’itinérance très forte dans l’histoire. “C’est ça ! quelle place occupe-t-on dans la communauté ? Ca agite nos héros depuis le début, c’est LA question qui traverse la série et c’est dans ce monde de magie, d’illusion qu’ils vont finalement trouver la réponse. Du coup, le film parle du cirque, de la famille, de la dialectique hommes/animaux, tout en approfondissant la psychologie des personnages..." Hum... Tim…. Sérieusement… “Tu trouves que ça fait un peu trop ? Bon, c’est vrai, ce fut compliqué à gérer et en terme d’écriture, ça a été... délicat.”Noah Baumbach à la rescousseOn imagine. Mais au fond, c’est le problème central de la saga : trouver l’équilibre juste entre le délire aventureux, la profondeur des personnages et l’humour absurde.  Ca ne marche pas toujours (Madagascar 2, trop gaguesque) mais ici, miraculeusement ça fonctionne. Le film se construit de manière organique autour de ce voyage initiatique. On imagine que la présence de Noah Baumbach n’est pas étrangère à cette évidence narrative. Sa présence est au fond très logique : de son scénario de La Vie Aquatique à son mélo familial Les Berkman se séparent, le pote de Wes Anderson s’est spécialisé dans la description de New-yorker neurotiques... Une bonne définition des personnages de Madagascar, n’est-ce pas Eric ? “Ah ah ah ! On nous fait souvent la remarque et ce n’est pas faux ! C’est une des raisons qui nous ont poussés à lui confier le script. On avait adoré ses films. Et il a été essentiel dans la conception de Madagascar 3. Il nous a vraiment aidés dans l’approche des personnages et si l’ensemble tient debout c’est vraiment grâce à lui”.Le résultat est à la hauteur des attentes : gros délire gonzo truffé de scènes déchirantes (l’accident du tigre), road trip dévoré par un des méchants les plus iconiques du studio Dreamworks, féérie visuelle qui éclabousse la rétine et rend pratiquement sourd, Madagascar 3 est un sans faute. Jamais l’écurie Katzenberg n’avait réussi à updater l’héritage Tex Avery de manière aussi concluante. Tout est là : la méchanceté, la vitesse, la hauteur de vue quasi philosophique (si si – la réflexion passionnante sur l’animalité) et surtout un dispositif de mise en scène absolument brillant. Alors que Pixar semble être à la peine depuis quelques temps (Cars 2 pour ne pas le citer), Dreamworks vient de passer la cinquième. Et vues les premières images des Cinq légendes, ils vont être durs à rattraper…Gaël Golhen