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Le mystère Malick en 10 points

Pourquoi les acteurs veulent-ils à tout prix tourner pour Malick ?

Dès <em>Badlands</em>, il est évident que Malick écrit des rôles assez forts et complexes pour mettre en valeur n?importe quel acteur. Sissy Spacek et Martin Sheen sont alors inconnus.  Les moissons du ciel lance Richard Gere (qui a de la chance, puisque Mallick voulait Travolta).Cette réputation , les acteurs la flairent avant même que Malick fasse ses preuves avec <em>Badlands</em>. Mike Medavoy raconte : En 71, Steve McQueen propose à Malick 500 000 dollars pour lui trouver un rôle qui le mettra en valeur. Malick décline.Lorsqu?en 95, Mallick commence à auditionner pour La ligne rouge, Peter Berg, Kevin Costner, Lukas Haas, Ethan Hawke, Dermot Mulroney, Will Patton ou Martin Sheen défilent à Beverly Hills. Vincent D?Onofrio, Johnny Depp et Brad Pitt suivent. D?autres comme Edward Norton font le pèlerinage jusqu?à Austin pour auditionner. Sean Penn est si motivé qu?il propose d?être payé un dollar. La plupart d?entre eux accepte de travailler en-dessous des tarifs habituels.  En fin de compte, beaucoup des interprètes n?apparaissent que brièvement, sinon pas du tout (c?est le cas pour Bill Pullman, Lukas Haas, Viggo Mortensen et Mickey Rourke). Billy Bob Thornton a enregistré une voix off de trois heures qui n?est finalement pas retenue. Dans Le nouveau monde, Ben Chaplin n?apparaît aussi que quelques secondes. 

Que fait Malick quand il ne tourne pas ?

Il voyage (Népal, Grèce, Nouvelle-Ecosse, France), il se marie (trois fois),  il écrit (pour le cinéma, pour le théâtre, et pour lui-même), il étudie (la religion, la nature,..).  Au début des années 80, il quitte Hollywood pour s?installer à Paris, où il épouse sa seconde femme. Il se partage alors entre la capitale française et Austin. Depuis La ligne rouge (méditation guerrière  qui suit une compagnie de soldats américain pendant la seconde guerre mondiale, 98), il produit des films à un rythme presque régulier : <em>Endurance</em> (un docu sur une expédition en antarctique), <em>Happy times</em> (Zhang Yimou, 2001), <em>The beautiful country</em> (de Hans Petter Moland avec Nick Nolte et Bai Ling, 2004), <em>L?autre rive</em> (David Gordon Green, 2004) 

D’où vient Terrence Malick ?

Avant de faire du cinéma, Malick a joué au football au lycée Saint Stephen à Austin (Texas) , travaillé sur des puits de pétrole, étudié la philosophie à Harvard dont il est diplômé, étudié à Oxford (Angleterre), enseigné la philosophie au Massachussets Institute of Technology, bossé comme journaliste indépendant pour Life et le New Yorker, et enfin traduit Heidegger. 

Pourquoi est-il considéré comme un grand cinéaste ?

Parce qu?il écrit ses propres scripts , ne tourne que lorsqu?il est prêt, comme il veut,  à son rythme. Il a le final cut, pour des résultats invariablement exceptionnels. Ses pairs rêvent tous de travailler dans ces conditions. Rares sont ceux qui y parviennent. Depuis la disparition de Kubrick, Malick est le dernier de son espèce. Il valorise tout ce qu?il touche. Il est plus demandé que demandeur. Les producteurs le courtisent. Et les acteurs sont prêts à  travailler pour lui gratuitement. En dépit de méthodes de tournage acrobatiques (lire plus bas), Malick rassure par sa compétence et son sérieux: il ne dépasse jamais ses budgets, qui ne sont d?ailleurs pas extravagants.John Milius, scénariste d?Apocalypse now, l?a qualifié de "<em>cinéaste très doué, peut-être le plus doué de ma génération</em>". La formule prend tout son sens lorsque la génération en question aligne les noms de Lucas, Spielberg, Coppola  et Scorsese. 

Comment tourne-t-il ?

Il ne fait pas nécessairement ce qu?il a prévu, favorise l?improvisation, aime les accidents , mais sait très bien ce qu?il veut. Nestor Almendros, son chef-opérateur oscarisé pour Les moissons du ciel, dit de lui : "<em>Il ne permet à personne de faire quelque chose qu?il n?approuve pas</em>". (Film comment oct 78).Sur <em>Les moissons du ciel,</em> Malick voulait Travolta et Geneviève Bujold. Peut-être parce qu?il a eu à la place Richard Gere et Brooke Adams, le cinéaste a très vite jeté son script et laissé les acteurs improviser. Au montage, il a beaucoup utilisé la voix off pour raconter l?histoire. Pour compliquer les choses, il a presque tout tourné à "l?heure magique", les quelques minutes où la lumière crépusculaire prend une teinte dorée.Pour La ligne rouge, Nick Nolte se souvient que Malick attendait l?heure magique pour finir certaines séquences commencées quelques jours plus tôt dans une lumière différente. En fin de compte, les acteurs n?arrivaient pas à jouer le rôle comme ils le souhaitaient. Le directeur de la photo (John Toll) n?arrivait pas à raccorder ses plans. Et Malick lui-même se retrouvait avec une scène qui ne correspondait pas à ce qu?il avait écrit. Malick tourne beaucoup, essaie beaucoup et jette beaucoup. Il rattrape tout au montage. Il a passé deux ans sur celui des <em>Moissons du ciel</em>. 

Le mystère Malick en 10 points

Avec A la merveille, conte ésotérique sur l?amour, Terrence Malick n?aura tourné que 6 films en 40 ans de carrière. Le mystère qu?il entretient (jamais d?interviewes, jamais d?apparitions publiques) contribue à  renforcer son mythe. <strong>Par Gérard Delorme</strong>

Pourquoi protège-t-il son image ?

Parce que Malick doit aimer acheter son pain sans se faire harceler. Une attitude saine lorsqu?on voit la prédisposition de certains à montrer leur tronche partout et parler à tout bout de champ. Depuis l?avènement de la société du spectacle, la discrétion est considérée comme un défaut qui doit rester une exception. Il existe très peu de photos de Malick. On en connaît une qui date de <em>Badlands</em>, et l?apparition qu?il fait dans le film. On connaît aussi la photo dite "à la barbe blanche", vue partout et prise pendant le tournage de La ligne rouge. C?est la seule qu?il ait autorisée : son contrat stipule alors qu?aucune photo de lui ne doit être publiée. 

De quoi vit-il ?

Avant <em>Badlands</em> (l?équipée sauvage d?un couple d?adolescents dans l?Amérique d?Eisenhower, 73), son agent Mike Medavoy lui trouve de nombreux travaux alimentaires à Hollywood, où ses talents de script doctor sont très appréciés. Il travaille entre autres sur une version de Dirty Harry. Juste après Les moissons du ciel (triangle amoureux situé dans les prairies du Texas à l?aube du XXème siècle, 78), Charles Bluhdorn, alors patron de la Paramount, propose à Malick une rente d?un million de dollars pour développer un projet. A rendre quand il veut. Elle lui est versée automatiquement sur son compte en banque à raison de 100 000 ou 200 000 dollars par an, (et continuera à tomber après la mort de Buhdorn en 83).Au cours de sa retraite parisienne, au début des années 80, Malick enseigne. Sans cesser d?écrire pour Hollywood (une version de <em>Great balls of fire</em> en 89). 

Pourquoi cultive-t-il le secret ?

Pour se protéger. Dans une de ses dernières interviews, qui remonte à l?époque de <em>Badlands</em>, il avait prévenu qu?il ne parlerait plus à la presse :  "<em>A partir de maintenant, je suis sous surveillance. Ca pourrait me faire trébucher</em>". Par contrat, il exige d?être libéré de toute obligation promotionnelle, ce qui ne l?empêche pas d?ouvrir ses plateaux et d?engager des conversations informelles avec des journalistes . Ce qu?il a à dire, il le garde pour ses collaborateurs directs. S?il lui arrive de développer deux projets en même temps, il cloisonne. Lorsque Geisler et Roberdeau (les futurs producteurs de La ligne rouge) l?abordent à la fin des années 70, ils ne se doutent pas (et ne l?apprendront qu?à la sortie du film !) que Mallick travaillait sur Les moissons du ciel. 

Est-il fou ?

Seulement sur les tournages et toujours pour la bonne cause. Un détail dans le paysage attire parfois l?attention de Malick. Il interrompt alors tout et mobilise son équipe pour aller tourner un vol de mouettes, un nuage qui dévoile un coin de soleil ou le mouvement du vent dans les herbes. Il adore les herbes. Sur Le nouveau monde, Malick a demandé à K?ioran Kilcher de retirer ses chaussures et de courir dans les herbes parce qu?elles étaient agitées d?un mouvement  particulier qu?il voulait capturer. Son cinéma est fait de ça : une somme d?instants magiques. Et vrais. 

A-t-il vraiment passé 20 ans à préparer La ligne rouge?

Dès 78, Malick s?investit sur le projet de Q, un drame choral situé au Moyen-Orient pendant la première guerre mondiale. Après 10 semaines de repérages là-bas, Malick prend un chemin différent. Ce qui devait n?être qu?un prologue devient une vaste saga contemplative sur l?évolution du monde, depuis le magma originel jusqu?à l?apparition de l?homme, en passant par les dinosaures. Au bout d?un an, Paramount s?impatiente. Malick sent monter la pression. Il part pour ce qui devait être un bref congé. Il s?installe à Paris et y reste longtemps. La sortie en 81 de <em>la Guerre du feu</em> met un point final à son projet de Q. Malick ne commence  à travailler sur la ligne rouge qu?en 89. Il met cinq mois à écrire un premier script. Robert Geisner et John Roberdeau, les deux producteurs indépendants qui le surveillent comme un enfant le supplient de réaliser le film. Ils sont prêts à patienter autant qu?il le faudra : ils  attendront quand même  neuf ans avant que le projet ne devienne réalité. Entre temps, leurs rapports avec le cinéaste se détériorent au point qu?il leur interdit l?accès au plateau. Malick leur en veut encore plus le jour où il lit une interview qu?ils ont accordé au journal <em>Vanity fair</em> : il leur avait fait signer une clause de confidentialité . 

Avec A la merveille, conte ésotérique sur l’amour, Terrence Malick n’aura tourné que 6 films en 40 ans de carrière