Première

Première par ceux qui l'ont fait.
 

Pour fêter les quarante ans de notre magazine, nous sommes allés à la rencontre de ceux et celles qui l’ont créé et qui ont façonné son histoire, de 1976 à aujourd’hui. 

Avec (par ordre d’apparition)
Jean-Pierre Frimbois Fondateur de Première, directeur de la rédaction jusqu’en 1979 
Jean-Pierre Lavoignat Journaliste puis rédacteur en chef de Première de 1976 à 1987, cofondateur de Studio Magazine en 1987
Marc Esposito Directeur de la rédaction de Première de 1980 à 1986 
Michèle Halberstadt Journalisteà partir de 1984, puis rédactrice en chef de 1987 à 1990 
Bruno Le Soueff Intègre le groupe Hachette-Filipacchi en 1985, devient éditeur de Première en 1994. Devient en 2007 directeur général des publications presse de Lagardère 
Alain Kruger Directeur de la rédaction, rédacteur en chef de Première de 1994 à 2001
Jean-Yves Katelan Rédacteur en chef adjoint de Première de 1994 à 2001 
Laurent Cotillon Rédacteur en chef de Ciné Live de 1997 à 2006, directeur exécutif de Première depuis 2016
FlorenceBen Sadoun Rédactrice en chef de Première de 2007 à 2010
Mathieu Carratier Journaliste à Première depuis 1999, rédacteur en chef de 2010 à 2013, puis correspondant à L.A. jusqu’en 2014 
Gaël Golhen Journaliste à Première depuis 2004, rédacteur en chef depuis 2014

Sommaire de la nouvelle formule de Première : Valérian, Marion Cotillard, Mel Gibson…

JEAN-PIERRE FRIMBOIS : L’histoire du journal est intimement liée à celle de Onze, le magazine de foot que j’ai créé en mars 1976, pile à la grande époque des Verts de Saint-Étienne. J’avais conceptualisé ce qu’allait être Première l’année précédente, mais c’est la rencontre avec Marc Esposito, alors secrétaire de rédaction de Onze, qui a été déterminante. Notre éditeur Jean-Dominique Nouailhac nous a donné le feu vert pour lancer ce magazine de cinéma d’un nouveau genre, conçu pour être moins élitiste que les Cahiers du Cinéma et Positif, mais plus pointu que Cinémonde ou Ciné Télé Revue.

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : J’ai rencontré Marc en 1974 au Provençal, un quotidien avignonnais. On est devenus amis instantanément, il voulait être metteur en scène, moi, journaliste. Par chance, il entre à Onze qui est alors un énorme succès de presse. La rencontre entre Jean- Pierre Frimbois et Marc Esposito, tous deux fous de cinéma, a permis la création de Première. Marc m’a fait rentrer comme pigiste dès le premier numéro.

JEAN-PIERRE FRIMBOIS : J’ai trouvé le titre en cherchant dans un dictionnaire du cinéma. Première m’est apparu comme une évidence. Le premier numéro a été conçu dans l’urgence totale. En moins de trois semaines et en collaboration très étroite avec la plupart des journalistes de Onze...

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : Pour le numéro un, on avait organisé un sondage auprès des journalistes, des secrétaires et des gens de la maison d’édition, à propos de la personnalité qui devait faire la couverture. Avec Marc, on s’est battus bec et ongles pour que ce soit Catherine Deneuve. Mais c’est finalement Sylvia Kristel qui l’a emporté !

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JEAN-PIERRE FRIMBOIS : Nous étions les bonnes personnes au bon endroit, au bon moment. On a profité de l’explosion d’une nouvelle génération, c’est sûr. Plus que de chance, je parlerais de flair. Nous avons mis en avant ces acteurs et ces metteurs en scène dont les organes officiels se moquaient. Les journalistes de Première vivaient littéralement avec les Dewaere, Miou-Miou, Depardieu, Huppert, Dutronc ou Adjani. Pendant ce temps-là, les Cahiers les snobaient.

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : Cette génération de stars et de cinéastes s’est vraiment construite contre la Nouvelle Vague. Et d’une certaine manière, le magazine aussi. Mais je me rappelle que quelqu’un comme Serge Toubiana prenait la défense de Première en public. Il disait que c’était le premier jalon vers la cinéphilie. Un magazine d’apprentissage, dans lequel la plupart des lecteurs ne feraient que passer…

JEAN-PIERRE FRIMBOIS : À l’époque, faire un magazine de cinéma avec des photos en couleurs, ça valait toutes les notes d’intention du monde. C’est Daniel Filipacchi (patron du groupe de presse Hachette Filipacchi) qui m’avait sensibilisé à l’idée que les photos devaient avoir autant d’importance que les textes.

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : Onze a été racheté par Hachette et dans le package se trouvait Première. Puisque le magazine vivotait, on lui a laissé le bénéfice du doute, sans trop y croire. Marc, lui, avait quitté le journal quelques mois plus tôt, pour bosser dans une boîte d’édition. Quand les gens de Hachette sont allés sonder l’équipe du mag pour organiser la suite des opérations, tous les journalistes ont été formels : « Il faut rappeler Esposito et lui confier les rênes du magazine. » Et c’est exactement ce qui s’est passé...

MARC ESPOSITO : J’ai été touché par le fait que ce sont les gens de la rédaction qui ont milité pour mon retour. Très vite, les ventes ont frémi. Lorsque je suis revenu, on était entre 70 et 80 000 exemplaires. Un an plus tard, on flirtait avec les 150 000. Au bout de deux ans, avec les 300 000. J’avais 30 ans, j’étais le wonderboy du groupe et je bossais avec mes copains : Jean-Pierre bien sûr, mais aussi Christophe (d’Yvoire), Denis (Parent) ou Laurent (Tirard). Le rêve.

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : Indiscutablement, le journal était bien parce qu’il était conçu par une bande d’amis et que cela se sentait. On a surtout fait un journal qui nous ressemblait, lu par des gens qui nous ressemblaient. On avait su flairer l’air du temps et on s’y sentait très bien.

MARC ESPOSITO : Le lien avec le lecteur s’est créé grâce à des films que nous étions les seuls à aimer, comme La Balance, par exemple. Sous l’impulsion de Première, le traitement du cinéma dans la presse généraliste s’est métamorphosé.

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : C’était exaltant parce que plus on poussait le bouchon loin, plus ça cartonnait. On nous disait de ne pas mettre Depardieu en couverture parce qu’il était soi-disantmoche, on le faisait quand même, et bing ! Succès immédiatdans les kiosques.

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MARC ESPOSITO : C’est vrai qu’on se permettait des trucs un peu dingues. Au moment de la sortie de Greystoke, je fais une interview de Christophe Lambert, je la retranscris et je me rends compte qu’elle fait 60 feuillets ! J’ai décidé de ne rien couper. On a gagné 50 000 lecteurs avec ce numéro ! Il faut dire que Lambert, c’était un peu notre botte secrète. Grâce à lui, nous avons fait notre plus grosse vente. C’était en 1986, avec Highlander : 480 000 exemplaires vendus !

JEAN-PIERRE LAVOIGNAT : C’était ça, le gros coup : faire un news magazine avec du cinéma dedans. Une intuition de Frimbois, mise en orbite par Esposito. On a été les premiers à le faire, pas seulement en France, mais dans le monde entier. En 1986, chaque numéro vend un peu plus que le précédent, Première est devenu une institution qui roule toute seule. On a beaucoup de pouvoir, on gagne très bien notre vie, on voyage énormément, mais on se rend compte qu’on a besoin d’un nouveau truc. Alors on décide de créer Studio. Parce que nous voulions aussi un magazine plus « luxueux ». Premiere US était également dans les tuyaux... Et c’est très vite devenu un cauchemar.
​(à suivre...)

L’Histoire secrète de Première (partie 2)

L’Histoire secrète de Première (partie 3)

L’Histoire secrète de Première (partie 4)

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