>>> Notre dossier 40 ans de blockbusters
Les films de super-héros lui doivent tout, ou presque : le 14 juillet 2000, avec leur univers dark et leurs blousons de bikers, les X-Men mettent une claque au grand public, qui réalise avec stupeur que les personnages Marvel ne sont pas destinés qu'aux gamins boutonneux. Après le film de Bryan Singer et ses 296 millions de dollars au box-office mondial, Hollywood ne regardera plus jamais les encapés de la même façon.
Les choses étaient pourtant mal engagées puisque le projet X-Men a commencé 16 ans avant, en 1984. À l'époque, les scénaristes Marvel Comics que sont Gerry Conway et Roy Thomas écrivent un script, sur lequel feu Orion Pictures met une option. La société de production a de gros problèmes de trésorerie et l'adaptation n'avance pas d'un pouce. Entre 1989 et 1990, Stan Lee et Chris Claremont (scénariste qui a largement popularisé les X-Men) sont en discussion avec Carolco Pictures pour un film avec James Cameron comme producteur et Kathryn Bigelow derrière la caméra. Bob Hoskins est envisagé pour le rôle de Wolverine mais finalement, rien ne verra le jour. Carolco dépose le bilan et les droits reviennent à Marvel.
Jusqu'au moment où le producteur Avi Arad attire l'attention de 20th Century FOX avec la série animée X-Men, diffusée à l'époque sur la chaîne Fox Kids, et qui fait un petit carton auprès des plus jeunes. Le studio achète les droits cinématographiques des mutants en 1994 et diverses versions du scénario voient alors le jour, dont une très surchargée qui mélangeait Magnéto, le Phoenix, la Danger Room, Bolivar Trask, les Sentinelles... En 96, Michael Chabon pitche une idée de quelques pages au studio, où la relation entre Jubilé et Wolverine est au coeur de l'histoire. Les méchants n'arriveraient que dans la suite. Fox envisage Brett Ratner comme réalisateur, fait une proposition à Robert Rodriguez (qui refuse) et finit par se rabattre sur Bryan Singer, tout juste sorti de Usual Suspects. Le cinéaste n'est pas emballé et s'imagine que les adaptations de comics ne méritent pas son attention.
Il changera d'avis en lisant les bandes dessinées et en regardant la série animée, dont les thèmes lui parlent immédiatement. Le scénario est revu de A à Z, la sortie largement retardée et quelques scènes jugées trop coûteuses ne sont pas acceptées par le studio, qui finit tout de même par donner son feu vert. Quelques réécritures seront encore nécessaires (notamment avec Christopher McQuarrie) et finalement le tournage a lieu du 22 septembre 1999 au 3 mars 2000.
Russell Crowe, premier choix de Bryan Singer pour incarner Wolverine, refuse le rôle mais recommande son ami Hugh Jackman. Totalement inconnu à l'époque, l'acteur réussira à convaincre tout le monde grâce à une audition particulièrement réussie. Heureusement pour lui, Dougray Scott avait dû décliner peu avant à cause d'un problème d'agenda avec Mission : Impossible 2. X-Men a propulsé Jackman directement en haut de l'affiche en lui offrant le rôle de sa vie, qu'il a pour l'instant repris sept fois. Une star est née alors que deux acteurs plus âgés, Patrick Stewart et Ian McKellen, s'offrent une notoriété inédite auprès des jeunes avec les rôles de Xavier et de Magnéto, une sorte de deuxième carrière. McKellen a notamment accepté le rôle car le film est une allégorie de l'homosexualité et de la façon dont les gays sont traités par la société moderne. "Il aimait l'idée des mutants outsiders, privés de leurs droits, seuls et qui doivent gérer tout ça à la puberté, quand leur 'différence' se manifeste. Ian est un activiste et il a vraiment adoré le potentiel de cette allégorie", assurera plus tard le réalisateur.
X-Men a évidemment donné naissance à plusieurs suites (dont la meilleure, X-Men 2, en 2003) et spin-offs, mais a surtout fait entrer les adaptations de comics au cinéma dans le 21e siècle. Les mutants ont ouvert la voie aux machines à cash que sont les films de super-héros modernes, en prouvant que des personnages en collants avaient leur place sur grand écran si on les prenait un peu au sérieux. Une ligne directrice que Warner Bros suit à la lettre avec ses blockbusters serious business, et dont Marvel Studios a pris le contrepied total.
En 2015, X-Men est toujours la licence la plus lucrative de 20th Century FOX, qui continue de la rebooter l'air de rien avec le futur X-Men : Apocalypse. Mais la formule magique ne s'applique visiblement pas à toutes les franchises super-héroïques du studio, comme le prouve en ce moment l'échec annoncé des 4 Fantastiques. Les enfants de l'atome sont décidément à part.
François Léger
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