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Dans White Material, Claire Denis adopte un point de vue fataliste (...). Isabelle Huppert a la blancheur et la rousseur adéquates pour incarner un personnage instinctif et égoïste? Claire Denis suit son parcours solaire d'une manière récitative, forme à laquelle elle ne nous avait pas habitués. On y perd un peu en mystère et de cette qualité hypnotique si précieuse qu'offrent ses précédents films, où même la banlieue ressemble à une terre exotique.
Toutes les critiques de White Material
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Si White Material est le plus beau film de Claire Denis, ce n'est pas uniquement parce que l'histoire est d'une simplicité universelle. Mais aussi parce qu'il mine toutes les frontières : cinéma réaliste et conte, bourreaux et victimes, coloniaux et et locaux, époques.
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S’esquisse lentement, au sein d’un cinéma pourtant attentif aux détails concrets (la culture du café, la mise en marche d’un groupe électrogène, l’argent bien sûr qui s’échange, se soutire, se vole), une vision aussi politique, romanesque, mythologique (le massacre des enfants) que métaphysique, qui n’appartient qu’à Claire Denis, et nous gratifie de films si beaux, si inspirés, si nourris, si rapides aussi (il faudrait étudier de près l’art tout en ruptures et en ellipses de Claire Denis) : la terre est à tous, nous ne nous appartenons pas les uns aux autres, nous sommes libres et prisonniers en même temps, d’aller où le vent nous pousse.
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Claire Denis est l'une des rares cinéastes françaises à aller jusqu'au bout de ses hantises, à mettre en scène la vérité ultime de certaines pulsions (voir Trouble every day, étrange film de vampires). Il y a quelque chose de bestial - mais aussi de cathartique - dans sa vision. Une puissance dionysiaque, cannibale, assumée et assouvie, au-delà du bien et du mal.
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Isabelle Huppert nous rappelle celle qu'elle avait été dans L'Ivresse du pouvoir de Chabrol. Pour cet aveuglement jusqu'au-boutiste et, cette fois-ci, définitif. Car, ici, c'est la folie qui l'attend.
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(...) Claire Denis nous introduit au coeur non d'une Afrique concrète immédiatement identifiable, mais d'une idée d'Afrique. Par là se comprend la dimension archétypale du film, une épure porteuse d'un sens métaphorique.
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Sur un scénario écrit à quatre mains avec la romancière Marie N’Diaye et vaguement inspiré de "Vaincue par la brousse", de Doris Lessing, Claire Denis signe une histoire à la chronologie chahutée qui emprunte au Rwanda, à Skakespeare, à Duras et à "Apocalypse Now", de Coppola. Le film, un cauchemar éveillé à l’odeur de charnier lavé de tout regard compassionnel, repose tout entier sur les épaules d’Huppert, apparemment cantonnée à des actions purement physiques, et une fois de plus exceptionnelle.
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Sur la BO des fidèles Tindersticks, Claire Denis dirige avec bonheur de nombreux habitués - Nicolas Duvauchelle, Isaach de Bankolé... - et un nouveau venu, très à l'aise, Christophe Lambert. Reste un bémol en forme de crime de lèse-majesté. On peut regretter qu'Isabelle Huppert, qu'on dirait échappée d'Un barrage contre le Pacifique, joue parfois à contresens du film: crispée. Alors que le cinéma de Claire Denis est rude, jamais sec. Bouillonnant, jamais en retenue contrite. Et transcende tout sur son passage.
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Claire Denis nous embarque dans un récit riche de mille détails donnant à ressentir l'incroyable amplitude d'une situation d'urgence, ses nombreux personnages - un chef rebelle, un ex-mari, des enfants, des employés, des insurgés armés - ses détours et ses abîmes. Maria, on ne l'oubliera pas de sitôt car l'actrice imprime la pellicule avec une force impressionnante. Incapable de voir que son obstination sert, déjà, de trame à la tragédie...
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(...) Claire Denis fait du Claire Denis, éclatant légèrement la chronologie, multipliant les travellings dans la brousse, isolant des détails : les masques africains, la rousseur des cheveux d'Isabelle Huppert faisant écho à la savane ou ses muscles bandés de femme puissante, les rides de Christophe Lambert, le corps ramollo et tatoué de Nicolas Duvauchelle, mais aussi les poules, les chevaux, les chiens. Censé donner sens et sensualité à White Material, cet inventaire assaisonné de Tindersticks ronronnant égare au contraire le film dans un dédale d'intentions auteuristes, lui ôtant toute consistance. Filmés comme de pures surfaces, les corps des acteurs paraissent inhabités : Huppert, opaque, campe encore et toujours une énigme sur patte, Duvauchelle, paumé, tente une relecture peu convaincante du Travis de Taxi Driver, Isaach de Bankolé, sculptural, se contente d'être beau, tandis que Christophe Lambert, charismatique et parcheminé, réussit presque à nous faire croire qu'il est notre Mickey Rourke national. Misant trop exclusivement sur le rythme et les respirations, au détriment de l'intrigue et des personnages, Claire Denis est contrainte de forcer la partition de ce film d'essence « musicale », se repliant sur son seul style, orphelin. Dès lors, White Material ne parvient pas plus à retrouver la mystérieuse alchimie des hypnotiques 35 Rhums ou Trouble Every Day, qu'à susciter un intérêt continu pour un sujet potentiellement stimulant, mêlant thématique féministe et culpabilité coloniale.
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Claire Denis n'y va pas avec le dos de la cuillère dans White Material. La réalisatrice de Chocolat montre une Afrique déchirée par une guerre civile dans laquelle Isabelle Huppert, éblouissante, refuse d'abandonner sa plantation de café.
L'atmosphère de violence sourde qui entoure cette femme solitaire imprègne le spectateur emporté dans un tourbillon de poussières, de sueur et de sang. La performance sidérante de Nicolas Duvauchelle, fils de famille devenu fou à lier, ajoute à l'impression de malaise. -
Claire Denis signe un beau portrait de femme à la tête dure. Isabelle Huppert, sans surprise, tenait déjà ce rôle dans Un barrage contre le Pacifique. Un sentiment de réchauffé.
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Pourquoi le talent de la réalisatrice à capter le désir, les sensations fortes, l'aveuglement n'opère-t-il plus ? Parce que quelqu'un d'autre semble avoir pris sa place, Isabelle Huppert, en l'occurrence. Celle-ci met en scène son propre talent, recouvre le personnage, qui en devient à peine visible. C'est d'autant plus gênant qu'elle a déjà joué une bonne demi-douzaine de fois ce genre de fantôme au féminin, de résistante hagarde.
De toute façon, Claire Denis a toujours su mieux filmer les hommes, leurs muscles saillants ou leurs défaillances secrètes. Cela se vérifie encore. Les scènes les plus captivantes sont avec Nicolas Duvauchelle, très bien en fils à maman mollasson devenant, soudain, une tête brûlée. Sinon, on regarde ce théâtre de la débâcle de loin, froidement, en vibrant à peine.