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Le réalisateur de Secrets et mensonges filme les dernières années du grand précurseur de l'impressionnisme. Qualifié de romantique, puis de pré-impressionniste, Joseph Mallord William Turner a laissé à la postérité une œuvre admirable d’où émergent ses paysages et ses marines définis par des ambiances à la limite du fantastique. Le « peintre de la lumière » n’était cependant pas aussi exalté que ses tableaux pourraient le laisser supposer. C’est même tout l’inverse si l’on en croit Mike Leigh, qui le présente, de prime bord, comme un être taciturne et atrabilaire, voire détestable – il n’a même pas assisté à l’enterrement d’une de ses deux filles. Timothy Spall accentue cette caricature en la jouant ronchon pendant tout le film, ses principales interventions se résumant à un grognement d’animal. Mr. Turner n’est de facto pas un biopic aimable. Il n’est surtout pas conformiste : Leigh est suffisamment subtil pour ne pas faire du personnage un cliché ambulant de peintre excentrique et manipulateur. Le renfermement, presque psychotique, de Turner dissimule ainsi une pudeur de petit garçon qu’on constate à la mort de son père adoré, son confident et premier collaborateur, ou lorsqu’il rejoint sa vieille maîtresse au bord de la mer. Son cynisme de cour (il a une image d’Académicien à entretenir) est contrebalancée par son altruisme discret envers ses collègues. Comme un tableau est le fruit d’une succession de couches, il faut gratter derrière le grumeleux Mr. Turner pour en apprécier les nuances et l’humanisme contrarié. Magnifié par la photo incandescente de Dick Pope, c’est un hommage à la condition d’artiste, par essence solitaire et sans compromis. La lumière est à ce prix.
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De Turner, on ne connaît souvent que ses tableaux, révélant une réticence à peindre l’humain (il lui préférait les bateaux) et une fascination pour la lumière. Le film de Mike Leigh dévoile avec une certaine pesanteur un homme tout en dualité, à la fois grand artiste mais aussi individu mesquin et misanthrope, ingrat avec ses femmes, ses maîtresses et ses enfants. Le choix de confier le rôle à Timothy Spall, qui n’a aucune ressemblance physique avec son modèle, accentue la part animale de ce faux primitif qui ne cesse de s’exprimer par grognements que lorsqu’il lui faut repousser l’offre d’un acheteur ou encore détromper un critique ignorant. Fidèle à son style qui tend à mélanger le réalisme le plus cru et l’exagération démesurée, le cinéaste l’assortit pour l’occasion d’une touche résolument picturale s’inspirant autant des caricatures anglaises du XIXe siècle que des toiles du maître, dont il a demandé à son directeur de la photo de reproduire l’ambiance ainsi que la fantastique lumière.
Toutes les critiques de Mr. Turner
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Un film Magistral, brillantissime, vertigineux.
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Par petites touches, "Mr. Turner" installe un sentiment poignant d'élégie. Une scène tire les larmes : il chante, d'une voix mal assurée, la lamentation de Didon, "When I am laid in earth", tirée du "Didon et Enée" de Purcell. De l'ogre difforme sort la conscience d'un éden perdu. C'est bouleversant.
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Un film glorieux, très plaisant, de belles enjambées !
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Timothy Spall, un vétéran des films de Mike Leigh, joue le rôle de ce bohémien excentrique à merveille.
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Si une bonne reconstitution ne fait pas forcément un chef-d’œuvre, celle de Mike Leigh est exemplaire.(...) Le Turner de Leigh est largement basé sur les caricatures contemporaines de Richard Doyle. Être rugueux, épaisseur balourde, bourrue, le dandy de naguère est un vieux sanglier grognant, au visage rouge et aunez proéminent. D’où perce toutefois une sensibilité aiguë.
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Une performance photogénique du film, signée Dick Pope, servie par une reconstitution historique sobre et atmosphérique, un casting des seconds rôles très évocateur du temps, avec des trognes spectaculaires… Un film magnifique, mais qui aurait gagné, sur sa durée de 2h30, à être quelque peu élagué.
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Un portrait attachant d'un génie. Entre l'émerveillement provoqué par les tableaux du maître romantique et la trivialité de sa vie quotidienne, le cinéaste a creusé le sillon rare, à la fois moderne et intemporelle, sur la création artistique.
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Loin des conventions du biopic mais proche d’une vérité organique en plus d’être historique, Leigh livre une reconstitution unique en son genre, sensible, déroutante, incarnée.
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Prix d'interprétation masculine à Cannes, Timothy Spall propose un jeu complexe fait d'onomatopées et de peu de paroles, sans jamais tomber dans la caricature.
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Quelque chose dans le film, son rythme, ses choix carrés de mise en scène, sa curieuse partition musicale, met en tout cas l’affaire Turner sur les rails solides d’une évocation très incarnée, et souvent charnelle. Bien que tout pronostic soit ridicule à ce stade, avançons que Timothy Spall, qui tient le rôle-titre, a pris un ticket de choix dans la file des prétendants à un prix d’interprétation.
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Dès les premières images (...) le réalisateur vous accroche et vous captive. La perméabilité entre le monde extérieur et le monde intérieur fait la texture du film, et son charme puissant
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Nourrissant son film de ce hiatus apparent, en quête du mystère de la création, illustrant d’un même mouvement la rudesse des existences, la trivialité du quotidien et la recherche presque désespérée d’une beauté qui se dérobe, Mike Leigh rend un hommage appuyé au peintre dont l’œuvre a fortement influencé les générations suivantes.
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Bien plus que de mettre en lumière la vie d’un talentueux peintre, ou d’un génie, l'oeuvre de Mike Leigh capte avant tout, avec sensibilité et douceur, l’aspect universel de la vie, tout simplement.
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Un biopic monumental de 2h29, intelligemment mené, car, du côté photographique il ne tombe jamais dans l’ « over-pictural » tout en proposant des plans tous droits sortis d’une toile de maître, car aussi, il explore l’homme sans le mystifier jamais. Des qualités indéniables d'un long-métrage qui souffre de longueurs et d’un personnage central difficilement attachant.
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Mike Leigh n'explique rien, opte pour le naturalisme bourré d'humanité cher à son cinéma et laisse le spectateur interpréter à sa guise les actions et les comportements de Turner. Timothy Spall lui prête ses traits épais, ses grognements gutturaux et son humour acéré so British, livrant une composition aussi saisissante que la lumière de Dick Pope.
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Pointant parfois avec malice vers Barry Lindon, Mike Leigh reconstitue avec exactitude la vie d’un homme âgé dans le Londres du milieu du 19ème siècle : les enfants meurent régulièrement en bas âge, les gens sont sales, pas très beaux, les peaux se croûtent d’eczéma et de saleté. Et, même s’il a fait la Royal Academy et qu’il a réussi au point de résider parfois parmi les lords qui lui passent commande, un fils de barbier comme Joseph Turner reste marqué à vie par son origine sociale que les raffinements et les gloussements élaborés d’un critique d’art fanatique comme John Ruskin ne peuvent raffiner. Enfin l’on peut dire : ceci n’est pas un biopic, mais véritablement et comme d’habitude chez Mike Leigh, un film social.
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C'est une tranche de vie impressionniste, qui n'appelle pas d'explication mais de l'émotion. L'intelligence de Mike Leigh est de ne pas essayer de copier visuellement les chefs d'oeuvre de Turner, ciels immenses, couleurs floutées. Sa mise en scène est élégante, charnelle, proche des personnages.
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Alors que son comédien vocifère tout au long des 2 h 30, le réalisateur esquisse avec une palette délicate les rivalités, débats d’idées qui agitaient la Royal Academy, l’Angleterre de la période romantique. (...) C’est la question même du progrès qui fait de "Mr. Turner" une belle et triste réflexion de Mike Leigh sur l’image. Avec ce long métrage, Mike Leigh filme son testament au cinéma.
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Le film se distingue par la performance exemplaire de Timothy Spall.
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Malade, solitaire et caractériel, Timothy Spall livre une interprétation époustouflante.
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Mike Leigh revient en force avec une fresque aussi parfaite plastiquement que superbement mélancolique.
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Un parfait résumé de la carrière de Leigh. Audacieux, beau et chafouin, il ne correspondra tout de même peut être pas aux goûts de tout le monde.
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"Mr. Turner" est imprégné par l'esprit et l'art de Turner, en effet. Mais le film est aussi une magnifique galerie de portraits. Portraits féminins, notamment.
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Mike Leigh dépeint la vie à l’envers de J.M.W. Turner à travers un biopic exquis et détaillé.
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Un film un peu trop répétitif qui semble parfois échapper à son réalisateur.
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Un biopic un peu raide. Mais à aucun moment, on ne remet en cause sa raison d'être, d'autant qu'il scelle une vraie rencontre, presque évidente, entre Mike Leigh, passionné par l'incapacité autiste de ses personnages à communiquer des émotions, et Turner, le peintre impressionniste, ours bougon misanthrope et grimaçant.
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Un film ambitieux mais parfois ronflant, superbe esthétiquement mais émotionnellement proche de l’autisme.
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si ce film ne nous illumine pas assez pour mériter une Palme, au moins, a-t-il le mérite de nous éclairer un peu.
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le film bourgeonne gentiment, tirant profit de sa longueur – les gimmicks s’aplanissent, la structure s’assouplit, l’horizon se densifie. Mais tout de même, le film est trop pantouflard, ses ficelles trop éprouvées pour y voir autre chose qu’un Mike Leigh de plus.
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Grâce à Dick Pope, son chef opérateur, Mike Leigh a réussi à trouver un passage entre la photographie et l'art du peintre, qui reposait sur l'atténuation, voire la dissolution des formes. Les ciels anglais, les brumes londoniennes, les couchers de soleil sur l'estuaire de la Tamise gardent une réalité palpable, tout en effleurant le mystère de la peinture de Mr. Turner.
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Mike Leigh signe un film subtil sur la vie du peintre britannique William Turner, créature renfrognée tournée vers la lumière, aussi laid que ses œuvres étaient belles.
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Mr Turner fait office de portrait du célèbre peintre mais évoque également l’Angleterre Victorienne.
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Mike Leigh se concentre sur le glissement de l'œuvre de Turner vers les prémices de l’impressionnisme. Un choix qui ne l’empêche pas de reconduire d’autres formes d’académisme, et surtout formule une incapacité à filmer la peinture et l’œuvre au travail. (...)
Timothy Spall en fait des tonnes. -
malgré des qualités indéniables – décors époustouflants, lumière majestueuse –, ce portrait en 2 h 30 d’un génie versatile, dont la grâce des traits de pinceaux n’a d’égale que sa grossièreté, reste souvent binaire et trop long.
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"Mr. Turner" croule sous les décors et les costumes historiques, plutôt visite au salon des antiquaires que cinéma. L’art est grand mais la vie est glauque, semble nous asséner Mike Leigh. Certes, alors autant aller voir les toiles de Turner.
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Avec Mike Leigh, Turner devient un grognon génial, mais aussi un handicapé sentimental. Point. Et on n'a pas besoin de deux heures et demie de film pour raconter ça. (...) Un film qui ne se décode pas sans une note explicative est rarement réussi.