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Puisqu'on ne peut reprocher à Rob Marshall de ne pas être le Zhang Yimou du Soleil Levant, reconnaissons à ces Mémoires d'être une oeuvre d'art en soi. Que ce soit l'okiya éclairée à la lampe à l'huile avec ses miroirs enfumés, les étoffes, les ombrelles, la moindre écaille d'un peigne, les cerisiers blancs au printemps, les érables rouges à l'automne ou la suffocante danse hivernale inspirée du théâtre kabuki, la carte postale vaut à elle seule tous les cachets, même s'ils ne font pas foi.
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- Fluctuat
Longtemps convoité par Steven Spielberg, Mémoires d'une geisha est finalement signé Rob Marshall. Le réalisateur de Chicago fait de cette adaptation un spectacle bourré d'effets visuels hollywoodiens. Inutile de s'en plaindre, son film est une vision occidentale du Japon qui s'assume, une certaine idée du spectacle à la Broadway.
Adapté du roman à succès d'Arthur Golden par Bob Marshall, Mémoires d'une geisha est une adaptation best seller. Quiconque cherchera la précision, la justesse, le réalisme ou une approche japonaise et fidèle de l'univers des geishas, se tournera vers les beaux films de Mizoguchi : Les musiciens du Gion, Les soeurs de Gion, entre autres. Mémoires d'une geisha est fantasmatique. Il est donc inutile de lui intenter un quelconque procès, de lui reprocher son casting pan-asiatique où des Chinoises jouent des rôles de Japonaises (une aberration, limite une hérésie mais bon) ; inutile de lui reprocher son infidélité, ses approximations historiques, son manque de détails, le film de Bob Marshall s'inscrit dans la tradition classique, ou néo classique, du film exotique hollywoodien : David Lean, ou tant d'autres exemples jusqu'à Fu Manchu.Le film raconte la vie d'une jeune fille (Zhang Ziyi, peu convaincante) vendue par sa famille souffrante et ruinée, à un trafiquant d'enfants qui la place dans une maison de geishas de Kyoto, où de servante elle deviendra progressivement, à force de stratégies complexes, de complicités, de jeux de pouvoirs, de jalousie, la geisha la plus adulée. Dans un univers de raffinement et de trahison, d'amours impossibles, d'égoïsme, de tradition, de valeurs et de rituels où les geishas incarnent une oeuvre d'art vivante, Mémoires d'une geisha trace l'itinéraire d'une jeune fille passionnée se sacrifiant et trouvant sa voie comme geisha pour l'amour secret d'un homme. Traversant l'histoire, elle vit les années folles du Japon, la guerre et l'occupation américaine, à chaque période sa place dans la société évolue sans que jamais ses sentiments faillissent.Recherche atmosphérique
L'entreprise de Marshall se fonde sur une approche très Broadway du sujet. Le film repose sur une recherche musicale, rythmique et surtout atmosphérique. Hyper stylisé, il multiplie les ambiances climatiques, les scènes de nuit aux lumières découpées, tamisées, chatoyantes et colorées, les effets de pluie, de neige et d'ombres virevoltant au gré d'une succession de paysages et de visages, de jeux de matières où les kimonos succèdent aux éventails. Totalement décoratif, Mémoires d'une geisha se veut moins une étude vraisemblable d'une époque qu'une recherche plastique et esthétique aux frontières parfois de l'impressionnisme. Il joue des clichés, d'effets cartes postales, d'images d'Epinal japonisantes. Toute la recherche de Marshall repose sur l'idée de fondre la beauté de la geisha aux décors, dans une sorte de prisme formel à la fois naïf et élégant. Une approche hollywoodienne qui se veut plus sensuelle qu'intellectuelle ou émotionnelle.Dans Mémoires d'une geisha, le récit est constamment défait par l'image qui le vampirise ; il sombre sous la multiplication des effets et de leur puissance fétichiste, et sous l'opulence de la musique. Le casting s'essaie laborieusement à parler anglais, plaçant quelques comiques « merci » ou autres « bonsoir » en japonais pour des touches d'exotisme plus concret, révélant ainsi l'étrangeté de son statut. Peu importe, le film est faible mais sa fluidité constante séduit. Mémoires d'une geisha est une approche approximative, simpliste, pressée, de l'univers des geishas, car le film se fonde sur une expérience superficielle d'un folklore japonais transfiguré par l'industrie esthétique hollywoodienne. Sans être pour autant fascinant, le film de Bob Marshall réussit à maintenir une sorte de cap dans son élégance très peu japonaise, une forme d'honnêteté dont la richesse visuelle -et non la profondeur -, assure un spectacle aux mille artifices brillants. Fallait bien en avoir pour son argent.Mémoires d'une geisha
Un film de Rob Marshall
Etats-Unis, 2005
Durée : 2h20
Avec Zhang Ziyi, Michelle Yeoh, Gong Li, Ken Watanabe, Koji Yakusho...
Sortie salles France : 1er mars 2006[Illustrations : Mémoires d'une geisha © Mars Distribution ]